Amélie, l’ardoise magique ou comment parler sans voix

C’est quand on perd quelque chose, qu’on se rend compte à quel point c’est impor­tant. Par­ler… Cela parait si facile et si naturel. Après l’opération, une glos­sec­tomie par­tielle, suiv­ie d’une recon­struc­tion, il m’a été impos­si­ble de par­ler pen­dant plus d’une semaine. Impos­si­ble car mon vis­age et l’intérieur de ma bouche étaient si gon­flés après l’opération que j’en étais inca­pable physique­ment (je n’ar­rivais même pas à fer­mer la bouche), impos­si­ble à cause de la douleur, impos­si­ble car je ne savais pas com­ment apprivois­er ce lam­beau, cette nou­velle par­tie de ma langue, très imposante au début, impos­si­ble car j’avais une peur panique qu’on ne me com­prenne pas lorsque je me lancerai et ten­terai de parler.

Les pre­miers jours, il m’était impos­si­ble d’écrire. J’étais trop faible et car­ré­ment dans le coltar. Un bras dans le plâtre (celui ou on a prélevé le lam­beau), et l’autre avec des mul­ti­tudes de tuyaux. J’osais à peine bouger et de toutes façons, je dor­mais ou som­no­lais presque toute la journée. Mes proches ont passé de longues heures près de moi, à me tenir la main pour me ras­sur­er. Mes seuls moyens de com­mu­ni­ca­tions étaient des regards, des sourires (enfin j’essayai mais je ne sais même pas si j’y arrivais), et surtout, une légère pres­sion sur leurs mains, pour leur dire que je les entendais, ou que je ne voulais pas qu’ils me laissent.

A par­tir du troisième jour, j’ai pu utilis­er l’ardoise pour com­mu­ni­quer. C’était un soulage­ment de pou­voir m’exprimer, dire ce que j’avais dans la tête, exprimer ma joie de voir mes proches, ma douleur ou mes ques­tions aux médecins. Par­ler de tout, de rien, racon­ter des bêtis­es. A ce moment-là, cette ardoise, c’était le graal !

Env­i­ron 10 jours après l’opération, j’ai essayé de par­ler. Je me sou­viendrais tou­jours de la tête de mes proches ce matin-là, lorsqu’ils sont entrés dans ma cham­bre et que j’ai dit « Bon­jour ». J’ai bien cru qu’ils allaient pleur­er ! Et surtout, ils me com­pre­naient assez bien. Là, c’est moi qui ai fail­li pleurer !

Par­ler me demandait énor­mé­ment d’effort, et donc me fatiguait beau­coup. J’alternais entre ma petite ardoise, et quelques « vrais » mots pronon­cés. Puis petit à petit, au fil des jours, mon ardoise me ser­vait de moins en moins, jusqu’à ne plus en avoir besoin du tout. Aujourd’hui c’est ma fille qui joue avec, des­sine et apprend à écrire dessus. Je lui préfère large­ment cette utilisation !

Amélie

Ma gueule ? Et alors ?
C’est ma gueule !
Ma gueule !
Quoi, ma gueule ?

Quel objet pour­rait sym­bol­is­er ton par­cours ?
J’ai choisi une ardoise.

Donc j’ai choisi cette ardoise parce qu’en fait, cette ardoise…, après l’opération, j’étais dans l’incapacité de par­ler. Et… c’était mon seul moyen de com­mu­ni­ca­tion avec… l’extérieur, j’ai envie de dire. Donc avec mes proches, avec les médecins, c’est ce qui me per­me­t­tait… ben, de leur dire que j’avais mal ou que ça me fai­sait plaisir de les voir ou… de racon­ter des bêtis­es aus­si. Donc… en fait, à ce moment-là, cette ardoise, là, c’était juste le graal. C’est ce qui me per­met, ouais, de dire ce que je ressen­tais. Et c’était super important !

Mak­ing off
On la refait !
(rires)

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