Le droit à un second avis

Tous les patients ont droit à un sec­ond avis médi­cal. Dans quels cas est-ce vrai­ment utile ? À qui s’adress­er ? Est-ce pris en charge par la sécu­rité sociale ? Le point avec nos experts, le Dr Car­o­line Even, onco­logue à Gus­tave Roussy à Ville­juif, prési­dente du groupe et coor­di­na­trice du réseau REFCOR (réseau de référence dans les can­cers ORL rares) et le Pr Jean-Yves Blay, prési­dent d’UNICANCER.

Lorsque vous êtes diag­nos­tiqué d’un can­cer ou lorsque l’on vous pro­pose un traite­ment con­tre le can­cer, vous avez le droit de deman­der un deux­ième avis médi­cal. Rap­pelons néan­moins que si vous con­sul­tez dans un cen­tre de référence, la propo­si­tion de prise en soin qui vous est faite n’é­mane pas d’un seul médecin mais d’une RCP (réu­nion de con­cer­ta­tion pluris­dis­ci­plinaire1 ) com­posée de plusieurs spé­cial­istes : onco­logue, chirurgien, radio­thérapeute…, ce qui con­stitue déjà une garantie pour l’INCA (Insti­tut Nation­al du Can­cer) : « la col­lé­gial­ité de la réu­nion de con­cer­ta­tion pluridis­ci­plinaire (RCP) assure la qual­ité des déci­sions pris­es pour le traite­ment des patients. La pre­mière propo­si­tion étant prise en RCP, il est rare que le sec­ond avis issu d’un seul pro­fes­sion­nel offre les mêmes garanties. Par ailleurs, la cou­ver­ture en RCP des « mal­adies rares » four­nit désor­mais beau­coup de garanties ». « Néan­moins, il peut arriv­er que la propo­si­tion de stratégie thérapeu­tique ne con­vi­enne pas au patient ou que le « courant » ne passe pas avec le médecin », recon­naît le Dr Car­o­line Even, onco­logue à Gus­tave Roussy. « Dans ce cas, il est pos­si­ble de deman­der un sec­ond avis médical ».

Dans quels cas est-ce particulièrement utile ? 

Lorsque l’on est atteint d’une tumeur rare, il est recom­mandé d’être pris en soin dans un cen­tre expert. En effet, dans ce type de tumeur, pour béné­fici­er d’un traite­ment adap­té, l’un des enjeux est d’identifier le sous-type tumoral, c’est à dire la nature pré­cise de la tumeur. Si l’on n’est pas suivi dans un cen­tre expert, deman­der un deux­ième avis est recom­mandé, notam­ment pour garan­tir la qual­ité de l’exa­m­en anato­mopathologique par un médecin expert et la dis­cus­sion du dossier dans un cen­tre région­al, avec des experts de la patholo­gie (chirurgiens, onco­logues radio­thérapeutes, onco­logues médi­caux et radi­o­logues). Deman­der un deux­ième avis peut égale­ment per­me­t­tre de béné­fici­er de traite­ments inno­vants ou d’être inclus dans un essai thérapeutique.

Comment récupérer son dossier médical ?

Il faut s’adresser à son onco­logue, son médecin référent ou au ser­vice admin­is­tratif de l’établissement dans lequel on est suivi.

Notre con­seil : dès le début de votre prise en charge, pensez à deman­der sys­té­ma­tique­ment une pho­to­copie des comptes ren­dus de con­sul­ta­tion et d’examen. Ils seront utiles pour votre médecin trai­tant, pour votre den­tiste, les spé­cial­istes que vous devrez peut-être con­sul­ter et aus­si pour le médecins de l’assurance mal­adie, le médecin du travail…

Comment faire si son médecin semble réticent ?

Il faut lui rap­pel­er que selon le Code de la san­té publique, deman­der un deux­ième avis médi­cal fait par­tie des droits des patients. L’article R4127-60 pré­cise que « le médecin doit pro­pos­er la con­sul­ta­tion d’un con­frère dès que les cir­con­stances l’exigent ou accepter celle qui est demandée par le malade». De son côté, l’action 2.12 du Plan Can­cer 3 rap­pelle la néces­sité de « faciliter l’accès à un sec­ond avis con­cer­nant sa prise en charge et les options thérapeu­tiques, con­for­mé­ment à la loi du 4 mars 2002 », rap­pelle Thier­ry Bre­ton, directeur général de l’Institut nation­al du can­cer. « Il nous paraît essen­tiel que celui-ci soit pra­tiqué dans les mêmes con­di­tions de qual­ité et d’exigence que les soins dis­pen­sés en can­cérolo­gie. Aus­si, ce type de dis­posi­tif doit être inté­gré à ceux déjà exis­tants, et ayant fait la preuve de leur effi­cac­ité (notam­ment la réu­nion de con­cer­ta­tion dis­ci­plinaire – RCP) pour en assur­er les mêmes garanties de qual­ité et d’égalité d’accès. Dans cet objec­tif, l’Institut nation­al du can­cer pré­conise tout d’abord que ce sec­ond avis s’opère dans le cadre d’une RCP. Ensuite, celle-ci doit se faire en lien avec l’équipe médi­cale ini­tiale afin qu’elle puisse échang­er avec la sec­onde équipe sur les raisons qui ont con­duit à la propo­si­tion thérapeu­tique. Enfin, le dis­posi­tif de sec­ond avis ne doit pas engen­dr­er de reste à charge pour le patient au risque de génér­er des iné­gal­ités d’accès qui ne seraient pas accept­a­bles pour la prise en soins des patients »

Bon à savoir : Il n’engendre pas de coût sup­plé­men­taire pour le patient, il est pris en charge par la sécu­rité sociale.

Comment procéder ?

La plu­part des cen­tres de lutte con­tre le can­cer2 et des hôpi­taux facili­tent les démarch­es pour obtenir un sec­ond avis gratuitement : 

  • soit en s’adressant au secré­tari­at du ser­vice spécialisé.

Il vous sera demandé un dossier com­plet, com­por­tant notam­ment le compte-ren­du d’anato­mopatholo­gie, le bilan d’ex­ten­sion (CR d’im­agerie IRM, scan­ner, Pet Scan…), le compte-ren­du opéra­toire, les derniers comptes ren­dus de biolo­gie et/ou mar­queurs, cédéroms et DVD. 

Notre con­seil : pour faciliter la démarche, le Doc­teur Car­o­line Even recom­mande de deman­der à son médecin trai­tant ou à son onco­logue référent d’adresser directe­ment la demande, en résumant le dossier en quelques lignes — qui peut par­fois attein­dre une cen­taine de pages !-

Est-il possible d’adresser son dossier quel que soit l’établissement dans lequel on est suivi ?

« Par déf­i­ni­tion, les deman­des de deux­ième avis s’adressent aux patients qui sont suiv­is dans un autre étab­lisse­ment ou par un pro­fes­sion­nel de san­té, quel que soit le lieu de soin (médecin spé­cial­iste libéral, hôpi­tal, clin­ique soit dans un autres CLCC) », pré­cise le Pr Jean-Yves Blay, prési­dent d’Uni­cancer. « Ils ont eu un diag­nos­tic, sou­vent une ori­en­ta­tion thérapeu­tique et le deux­ième avis per­met d’avoir une autre ori­en­ta­tion ou sou­vent de con­firmer celle qu’ils ont déjà eue ».

Que faire si le second avis est le même que le premier ? 

Lorsque l’équipe médi­cale n’a pas d’autre traite­ment ou essai clin­ique à pro­pos­er, cela sig­ni­fie que la prise en charge est adap­tée. La réponse sera adressée au médecin, qui la com­mu­ni­quera à son patient. La déci­sion prend en compte la notion de béné­fice-risque. Ain­si par exem­ple, la dis­tance géo­graphique entre le domi­cile du patient et le nou­v­el étab­lisse­ment pour­rait engen­dr­er plus de fatigue que de béné­fices. Autre point à ne pas nég­liger : le temps. Un retard de prise en charge peut avoir des con­séquences sur le pronos­tic. Il est donc recom­mandé de faire une demande de dou­ble avis précocement.

Céline DUFRANC

1 L’objectif de la RCP est de décider de la meilleure stratégie thérapeu­tique à adopter pour le patient, en ten­ant compte de sa qual­ité de vie, notam­ment la préser­va­tion — autant que pos­si­ble — des fonc­tions (res­pi­ra­tion, voix, ali­men­ta­tion…). Les traite­ments des can­cers tête et cou peu­vent impli­quer une chirurgie, une radio­thérapie et un traite­ment médi­cal (chimio­thérapie, immunothérapie, thérapie ciblée). Ces traite­ments sont sou­vent asso­ciés, en même temps ou l’un après l’autre, selon les recom­man­da­tions de prise en charge. 

2 Pour trou­ver un cen­tre anti-can­cer près de chez vous : https://www.unicancer.fr/fr/espace-patients/trouver-les-coordonnees-du-centre-le-plus-proche‑2/

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Can­cers rares, kesaco ?
> les can­cers dont l’incidence annuelle est inférieure à 6/100 000 per­son­nes,
> les can­cers néces­si­tant une prise en charge haute­ment spé­cial­isée, du fait de leur siège par­ti­c­uli­er, de leur sur­v­enue sur un ter­rain spé­ci­fique, ou de leur grande complexité.

La struc­tura­tion de l’of­fre de soins pour les patients atteints de can­cer rare — comme cer­tains can­cers de la tête et du cou — est cap­i­tale compte tenu de la dif­fi­culté du diag­nos­tic, des prob­lèmes de prise en charge et d’ac­ces­si­bil­ité à des thérapeu­tiques com­plex­es ou à des plateaux tech­niques hyper­spé­cial­isés, l’in­suff­i­sance d’ac­cès aux essais clin­iques, le sen­ti­ment de soli­tude du patient et de son entourage, et enfin l’in­suff­i­sance de don­nées sur ces patholo­gies. Depuis 2009, l’Institut Nation­al du Can­cer a struc­turé l’organisation des soins pour les patients atteints de can­cer rare par la mise en place de réseaux nationaux. Chaque réseau est organ­isé autour d’un cen­tre de référence et de plusieurs cen­tres de com­pé­tence régionaux ou inter­ré­gionaux, ou sous la forme d’un réseau mono­cen­trique, inclu­ant un cen­tre de référence et de com­pé­tence nation­al. C’est le cas du REFCOR.

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