Et si les troubles de l’audition provoqués par les traitements contre un cancer étaient mieux repérés ? Mieux suivis ? Un projet d’étude va être soumis prochainement, afin de tester une solution numérique pour aider au dépistage et, pourquoi pas, améliorer la qualité de vie auditive des patients post-traitement. L’éclairage du Dr François-Régis Ferrand, médecin militaire de l’unité Perception auditive du département Neurosciences cognitives de l’Institut de Recherche Biomédicale des Armées et oncologue médical à Gustave Roussy.
Les problèmes auditifs font partie des plaintes soulevées par de nombreux patients traités pour un cancer. Les effets de certaines chimiothérapies et même de la radiothérapie commencent à être un peu mieux documentés. Mais beaucoup reste à faire pour appréhender les conséquences de ces toxicités affectant le système auditif (appelées ototoxicités), améliorer à la fois le dépistage et la prise en charge des troubles.
Un constat à l’origine de ce projet de recherche
L’étude VICAN5, menée par l’Institut National du Cancer (INCa) sur les problèmes rencontrés par les patients après la maladie, a mis à jour un point essentiel : « Près de la moitié des survivants interrogés se plaignent de problèmes auditifs, alors que la littérature scientifique connue à ce jour, théoriquement, conclut que seuls un quart à un tiers des patients seraient concernés », explique le Dr François-Régis Ferrand.
Une telle différence a mené le chercheur, avec le groupe Séquelles et Toxicités de l’intergroupe ORL d’Unicancer, à imaginer une étude pour apporter des réponses à certaines interrogations concernant les effets toxiques des traitements anticancéreux sur l’audition. « Nous souhaitons étudier si la mise en place dans les centres de soin d’un dispositif médical destiné à évaluer l’audition de patients peut à la fois aider à mieux dépister les ototoxicités et orienter vers une prise en charge adaptée », complète l’oncologue.
« Nous souhaitons étudier si la mise en place dans les centres de soin d’un dispositif médical destiné à évaluer l’audition de patients peut à la fois aider à mieux dépister les ototoxicités et orienter vers une prise en charge adaptée »
Quel est ce dispositif médical qui serait testé ?
« Il s’agit d’une solution numérique déjà existante, mais qui n’est pas à l’heure actuelle employée dans le cadre de cancers », répond le Dr Ferrand. Elle est constituée d’une tablette et d’un casque numérique, que le patient peut utiliser de manière autonome. Une audiométrie est accessible, tout simplement en répondant oui ou non à l’écoute de sons de fréquences et d’intensités différentes, accompagnée de questionnaires. En fonction des résultats analysés par le dispositif, le patient peut se voir proposer de consulter un médecin ORL, dans le but d’établir un diagnostic précis et de proposer, si besoin, un traitement ou un appareillage.
L’étude souhaite mettre à disposition ces solutions numériques dans une dizaine ou une quinzaine de Centres de Lutte Contre le Cancer, répartis sur tout le territoire français. Plusieurs intérêts seraient évalués, notamment (liste non-exhaustive) : L’adressage à un médecin ORL pour une prise en charge des troubles de l’audition serait-il optimisé ? La solution mettrait-elle à jour un problème de sous-diagnostic des troubles auditifs après un cancer ? Pourrait-elle révéler que certaines chimiothérapies sont considérées, pour l’heure et peut-être à tort, comme non-ototoxiques ? Mettrait-elle en lumière de nouveaux types de surdités ou de pertes auditives pas encore documentés ? Permettrait-elle une meilleure prise en charge des patients affectés ? Le projet de recherche envisagé vise à répondre de manière très pragmatique à ces questions.
« La solution numérique est constituée d’une tablette et d’un casque, que le patient peut utiliser de manière autonome »
Un appel à projet, qu’est-ce que c’est ?
« Nous devons répondre à un cahier des charges précis, afin de soumettre le projet d’étude à l’Institut National du Cancer pour savoir s’il sera accepté. Actuellement, nous travaillons sur les hypothèses statistiques, le nombre de sujets nécessaires à inclure dans cette étude… Nous ciblons particulièrement deux types de patients : certains qui n’ont pas encore été traités mais qui vont l’être, afin d’avoir un suivi avant/après traitement, et des patients déjà traités pour leur cancer », développe le Dr François-Régis Ferrand. Seraient concernés : les cancers ORL en priorité, mais également d’autres localisations cancéreuses.
L’élaboration de l’appel à projet se déroule en concertation avec plusieurs patients partenaires, membres de l’association Corasso. « Leur rôle est essentiel pour implémenter, modifier, améliorer le concept de l’étude », poursuit le spécialiste oncologue.
L’appel à projet doit être présenté début décembre 2024. S’il est accepté, l’étude pourrait démarrer vers l’été 2025 et devrait durer 2 ans. La réponse (acceptation ou non) sera connue vers mars/avril 2025. Nous vous en tiendrons informés sur le site de l’association Corasso et via nos newsletters d’information, tout comme les détails de la mise en place de l’étude.
Propos recueillis par Violaine Badie