Hypnose

À l’écoute de vos émotions

Noémie Crouzet, infir­mière en oncolo­gie, utilise l’hypnose en asso­ci­a­tion avec la méth­ode DECEMO pour aider les patients à mieux gér­er leurs émo­tions et cer­tains symp­tômes. Rencontre.

Comment définir l’hypnose ?

Pour moi, l’hypnose est une ren­con­tre bien­veil­lante avec soi-même, générée par une autre per­son­ne. L’hypnose Erick­soni­enne, fondé par le psy­chi­a­tre améri­cain Mil­ton Erick­son est une hyp­nose dis­so­ciante basée sur la com­mu­ni­ca­tion mul­ti-niveau et une approche stratégique de la psy­chothérapie. Elle fait appel à un savoir être et à la maîtrise de plusieurs out­ils de com­mu­ni­ca­tion qui aboutis­sent à créa­tion et à l’utilisation des états de trans­es hypnotique.

L’hypnose Human­iste fondé par Olivi­er Lock­ert, développe quant à elle de nou­velles tech­niques basées sur une car­togra­phie orig­i­nale de l’esprit. Ce mod­èle d’hypnose, non dis­so­ciante, per­met un tra­vail sur l’inconscient de la per­son­ne par le biais de sa pro­pre con­science grâce à l’aide d’un professionnel.

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L’hypnose thérapeu­tique est celle que je pra­tique dans le cadre de l’Association Qual­ité du Soins située à Melun, avec d’autres soins non médica­menteux en lien avec les équipes soignantes de la Clin­ique Saint Jean L’Ermitage, comme le shi­at­su, la sophrolo­gie, la réflex­olo­gie, la socio-esthé­tique et la méth­ode DECEMO. Cet accom­pa­g­ne­ment est réservé aux per­son­nes suiv­ies en Can­cérolo­gie ou pour des douleurs chroniques, ayant un suivi médi­cal oblig­a­toire1. Ces approches psy­chocor­porelles créent et/ou rétab­lis­sent le lien entre le corps et l’esprit.

Quelle est la différence avec l’hypnose de spectacle ?

À l’origine, l’hypnose clas­sique désig­nait « le soin des patients par sug­ges­tion hyp­no­tique ». Elle est à l’origine de toute les formes d’hypnose actuelle mais son util­i­sa­tion est à visée dif­férente. L’hypnose quelle que soit sa forme, clas­sique (util­isée dans le monde du spec­ta­cle), Erick­soni­enne, Human­iste ou encore la Nou­velle Hyp­nose, utilisent la sug­ges­tion2 hyp­no­tique. Les pro­fes­sion­nels qui utilisent l’hypnose dans une approche com­plé­men­taire aux soins (dans le domaine hos­pi­tal­ier) ou dans l’accompagnement thérapeu­tique et la rela­tion d’aide ont une pra­tique axée sur une éthique pro­fes­sion­nelle, des valeurs humaines et tra­vail­lent dans l’objectif de restau­r­er des liens, d’accueillir des émo­tions, un vécu dif­fi­cile voire trau­ma­tique ou d’autres prob­lèmes liés à des sit­u­a­tions de vie qui se répè­tent et des blocages qui empêchent la per­son­ne d’avancer dans sa vie. Les valeurs essen­tielles sont l’empathie, l’humanisme, le non juge­ment et la neu­tral­ité bienveillante.

L’hypnose util­isée comme un out­il thérapeu­tique per­met de créer de nou­velles chaînes asso­cia­tives, un accroisse­ment de la créa­tiv­ité, un con­tact avec l’inconscient, une mise en retrait de l’activité men­tale, une pos­si­bil­ité de recadrage spon­tanée de l’information et de revivre des sit­u­a­tions passées en restant avec une juste dis­tance émo­tion­nelle, comme l’explique Olivi­er Lockert.

L’hypnose clas­sique, comme celle de Mess­mer aujourd’hui, est une hyp­nose dite dirigiste. Elle est basée sur le défi et la démon­stra­tion. L’hypnotiseur reste avec un lan­gage autori­taire face aux per­son­nes qui lui font face. Le cerveau rep­tilien de chaque indi­vidu assure la pro­tec­tion et la survie de celui-ci. Per­son­ne n’ira volon­taire­ment se met­tre en dan­ger sous la sug­ges­tion d’une autre per­son­ne ou faire quelque chose qui pour­rait nuire à sa survie.

Quel est le mode d’action de l’hypnose ?

L’hypnose per­met un tra­vail au plus proche des émo­tions et des représen­ta­tions de la per­son­ne elle-même, sans les fil­tres du men­tal. L’hypnose human­iste per­met à la per­son­ne un tra­vail en autonomie guider par le thérapeute qui joue un rôle péd­a­gogique dans le tra­vail que réalise la per­son­ne à l’aide de son incon­scient. Ce tra­vail se fait avec l’utilisation de sym­bol­es et d’archétypes.

Pour accomplir ce travail avec le patient, vous disposez de nombreux outils. Pouvez-vous nous en présenter quelques-uns ?

Selon la sit­u­a­tion, je peux utilis­er la désen­si­bil­i­sa­tion par dis­so­ci­a­tion, les métaphores thérapeu­tiques, les ancrages, le change­ment de scé­nario, la relax­ation, l’autohypnose pour une autonomi­sa­tion de la per­son­ne. Il y a égale­ment, le con­teneur, qui con­siste à ranger dans un endroit imag­i­naire et dans un cof­fre imag­i­naire tout ce qui vous embête afin de libér­er un peu d’espace intérieur et de pou­voir y revenir, pour y tra­vailler, en toute sécu­rité et en lien avec un pro­fes­sion­nel. Lorsque j’accompagne une per­son­ne qui a besoin d’un engage­ment plus impor­tant pour se sen­tir en lien avec le pro­fes­sion­nel et en sécu­rité avec le tra­vail abor­dé pen­dant la séance, j’utilise des out­ils avec un engage­ment thérapeu­tique con­scient dans l’objectif d’apaisement de la per­son­ne et/ou sa protection.

Il y a aus­si des méth­odes kinesthésiques comme le fait qu’une per­son­ne se prenne elle-même dans ses bras et/ou puisse ressen­tir le lien sécurisant à tra­vers une main ten­due par le thérapeute ou une main posée sur l’épaule pour une présence ras­sur­ante ou un soutien.

Il est impor­tant d’établir une rela­tion thérapeu­tique basée sur le lien, la con­fi­ance et la sécu­rité rela­tion­nelle afin que la per­son­ne puisse aller abor­der des thé­ma­tiques qui lui sont très engageantes et qui néces­si­tent d’abord un engage­ment con­scient de la part du professionnel.

Je tra­vaille le plus sou­vent avec deux méth­odes que j’utilise en com­plé­men­tar­ité l’une de l’autre l’hypnose thérapeu­tique et la méth­ode DECEMO (désen­si­bil­i­sa­tion des chocs émo­tion­nels par les mou­ve­ments oculaires).

De quoi s’agit-il ?

C’est une méth­ode fondée en 2012 par un psy­choprati­cien, Enguer­rand De Chris­ten. Cette approche per­met grâce à la syn­ergie de plusieurs out­ils, une désen­si­bil­i­sa­tion et un retraite­ment des trau­ma­tismes sim­ples et com­plex­es, en appro­fondis­sant le lien et la pos­ture thérapeu­tique en créant une sécu­rité rela­tion­nelle à la recherche d’un état de con­science dont émane la bien­veil­lance, l’humilité, le respect et la neu­tral­ité. Grâce à dif­férents out­ils, nous étab­lis­sons des passerelles entre les dif­fi­cultés émo­tion­nelles d’une per­son­ne, son lien pri­maire d’attachement à la vie et l’action du sys­tème nerveux autonome qui assure la pro­tec­tion de la personne.

Quels sont les différents outils ?

Par exem­ple, la théorie de l’attachement per­met de com­pren­dre quel lien a dévelop­pé une per­son­ne dans les pre­mières années de sa vie avec les fig­ures d’attachement qui l’entourent (par­ents, grand par­ents…). La théorie poly­va­gale établit quant à elle un lien entre le sys­tème nerveux autonome et les dif­férentes réac­tions pos­si­bles d’une per­son­ne face à un poten­tiel dan­ger perçu par l’organisme. Ces réac­tions sont issues de l’attachement dévelop­pé dans les pre­mières années de vie.

Cela nous per­met de créer un lien entre les dif­fi­cultés émo­tion­nelles d’une per­son­ne et les mécan­ismes de son sys­tème nerveux autonome qui engen­drent des com­porte­ments et pro­tè­gent la per­son­ne face à elle-même, à la rela­tion aux autres et à son environnement.

Il y a aus­si le sys­tème famil­ial intérieur, une méth­ode qui per­met d’harmoniser le monde intérieur de chaque per­son­ne. Elle accède aux dif­férentes par­ties ayant cha­cune d’elle une per­son­nal­ité dis­tincte, tra­vaille sur les pro­tecteurs et fait con­nais­sance avec les par­ties les plus frag­iles et isolés : les exilés. A tout cela se rajoute la par­tic­i­pa­tion d’outils de com­mu­ni­ca­tion comme la pro­gram­ma­tion neu­rolin­guis­tique et la com­mu­ni­ca­tion non violente.

Pour finir, la méth­ode DECEMO a aus­si recours à la neu­ro­bi­olo­gie du trau­ma­tisme qui explique com­ment cela se passe dans le cerveau, le reparent­age qui per­met de rétablir un lien sécure avec la per­son­ne elle-même, sa rela­tion aux autres et celle liée à son envi­ron­nement avec l’intervention du thérapeute. Cette syn­ergie per­met au pro­fes­sion­nel un engage­ment con­scient qui val­orise l’importance de la rela­tion thérapeu­tique et de la pos­ture du thérapeute dans la rela­tion d’aide. Elle favorise égale­ment le développe­ment et l’approfondissement des ressources per­son­nelles de chaque individu.

En quoi cette méthode diffère-t-elle de l’EMDR ?

Mise au point en 1987 par une psy­cho­logue améri­caine, Francine Shapiro, l’EMDR est un mode d’intervention psy­chothérapeu­tique réservé au psy­cho­logue clin­i­cien. Il per­met d’agir sur la régu­la­tion de l’état émo­tion­nel avec des stim­u­la­tions bilatérales sen­sorielles qu’elles soient visuelles, audi­tives ou kinesthésiques, afin de désen­si­bilis­er et d’agir sur le retraite­ment du psy­cho-trau­ma­tisme grâce à l’intervention d’un thérapeute.

Comment se déroule une séance ?

Dans un pre­mier temps, je laisse de l’espace pour la parole afin d’identifier une thé­ma­tique ou une sit­u­a­tion à traiter et je clar­i­fie avec la per­son­ne sa demande. Ensuite, je véri­fie ma pos­ture et mon lien d’engagement face à la prob­lé­ma­tique de la per­son­ne. Cette étape per­met d’évaluer le lien avec elle. Lors de l’étape suiv­ante, je mets en place la sécu­rité rela­tion­nelle avec la per­son­ne qui existe dans le lien avec le pro­fes­sion­nel, avec l’environnement et elle-même. Ensuite, j’identifie com­ment la sit­u­a­tion ou la prob­lé­ma­tique impacte le niveau de sécu­rité de la per­son­ne et je peux aus­si rechercher si celle-ci n’a pas de sit­u­a­tion antérieure qui lui donne du lien avec une explo­ration spa­tio-tem­porelle. Il est aus­si impor­tant d’identifier les sys­tèmes pro­tec­tifs et l’équilibre interne et rela­tion­nelle de la per­son­ne pour aller vers la prob­lé­ma­tique, la sit­u­a­tion ou le sujet abor­dé en toute sécu­rité. La désen­si­bil­i­sa­tion est une étape impor­tante qui peut pren­dre du temps. J’interroge les pro­tecteurs et/ou les libère de leurs rôles. Toutes les séances se ter­mi­nent par une véri­fi­ca­tion de la sécu­rité et avec un engage­ment sur une nou­velle séance.

L’objectif d’une séance est tou­jours la sécu­rité de la per­son­ne et le lien thérapeu­tique quelque soit la méth­ode en action, la per­son­ne reste tou­jours en lien avec le pro­fes­sion­nel qui réé­val­ue la sécu­rité de celle-ci pen­dant la séance et lui per­met de faire ses pro­pres choix conscients.

Après chaque séance, chaque per­son­ne a la pos­si­bil­ité de me join­dre si elle ressent le besoin d’être en lien sécure et d’avoir un échange ou de me deman­der une autre séance plus rapprochée.

Quels bénéfices peut-on en attendre lorsqu’on est suivi en oncologie ?

Nous pou­vons agir sur les douleurs aiguës et chroniques (hyp­noanal­gésie), la ges­tion du stress, des émo­tions et des con­flits, des peurs et des pho­bies, l’angoisse et l’anxiété mais aus­si effectuer un tra­vail sur l’estime de soi, le som­meil, le deuil, le psy­chotrau­ma­tisme (trau­ma­tisme sim­ple et complexe).

Combien de séances faut-il en moyenne pour obtenir une amélioration des symptômes ?

Cela dépend de chaque patient, il n’y a pas de moyenne. Plus le trau­ma­tisme est sim­ple, plus cela se déroule rapi­de­ment. S’il est com­plexe et qu’il y a des ram­i­fi­ca­tions avec un attache­ment insécure de la per­son­ne, l’accompagnement sera plus long.

Le plus impor­tant est que tout accom­pa­g­ne­ment est un choix con­scient de la per­son­ne qui vient en séance et non une obligation.

Existe-t-il des contre-indications pour l’hypnose et la méthode DECEMO ?

Oui, les états lim­ites, la schiz­o­phrénie, les psy­choses, les femmes enceintes, les per­son­nes con­som­mant des psy­chotropes ou étant sous l’effet d’une con­som­ma­tion de drogue ou d’alcool ain­si que ceux qui suiv­ent un traite­ment neuroleptique.

Comment et où trouver un thérapeute de confiance ?

L’hypnose étant un soin de sup­port à l’efficacité prou­vée, recon­nu comme tel par l’AFSOS (asso­ci­a­tion fran­coph­o­ne des soins oncologiques de sup­ports), les patients peu­vent se ren­seign­er auprès de leur équipe soignante. Il existe égale­ment un site, lavieautour.fr, qui pro­pose une carte de France inter­ac­tive référençant des asso­ci­a­tions recon­nues pro­posant des soins de sup­port non médica­menteux à prox­im­ité de chez vous.

Pour la méth­ode DECEMO, il existe une Fédéra­tion qui regroupe des pro­fes­sion­nels for­més a cette méth­ode avec un suivi con­stant des prati­ciens en exer­ci­ce afin d’assurer la bonne pra­tique et le suivi pro­fes­sion­nel : federation-decemo.fr.

Pro­pos recueil­lis par Céline DUFRANC

1 Prix de la séance à l’association Qual­ité des soins : 12 €
Prix moyen d’une séance en France : 60 à 150 €

2 selon le Larousse, la sug­ges­tion c’est l’action de sug­gér­er une chose, une pen­sée. Elle est sug­gérée sans être imposée. Sug­gér­er sig­ni­fie : faire naitre une idée, une image, évoquer.

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