Un atelier de socio-esthétique… rien que pour vous !
Lors du colloque de la Fédération nationale de socio-esthétique, Manuela Haouas, socio-esthéticienne et Sabrina Le Bars, présidente de Corasso ont partagé leur expérience de l’atelier de socio-esthétique dédié aux cancers tête et cou.
Par Céline Dufranc
Les ateliers de socio-esthétique, tout le monde connaît. Apprendre à redessiner ses sourcils, protéger ses ongles avec un vernis adapté…, c’est ce que l’on nous montre généralement au cours d’un atelier. Le problème, quand on est touché par un cancer tête et cou, c’est que les interventions laissent des traces. « Les séquelles et les cicatrices sont souvent très visibles », reconnaît Sabrina, « et dépassent généralement les désagréments causés par la perte des cils ou des cheveux. Il faut s’approprier son nouveau visage, que l’on est obligée de supporter. Quand on marche dans la rue, on a parfois du mal à affronter les regards qui se posent quotidiennement sur nos gueules cassées. Tantôt interrogateurs, tantôt effrayés, tantôt dégoutés… rarement avenants. Les gueules de travers, c’est ad vitam aeternam ».
Pas vraiment du genre à se laisser abattre, la jeune femme décide de participer à un atelier de socio-esthétique il y a 2 ans. L’expérience ne fut pas vraiment concluante : « Je suis sortie plus mal que lorsque j’étais rentrée. Voulant bien faire, la jeune femme qui l’animait m’a dit : « vous êtes toute jolie ». Mais non, ce n’était pas vrai. Ce n’était pas de sa faute. Elle n’était pas préparée et ne savait pas comment m’apporter quelque chose ». Le « hasard », qui fait souvent bien les choses, lui fait croiser Manuela Haouas lors d’un colloque. Le courant passe tout de suite. L’envie d’organiser un atelier en dehors des murs de l’hôpital, « sur mesure », est immédiate. « Ayant assisté à une soirée de l’association Corasso, j’avais pu me rendre compte des problématiques liées à ce type de cancer », précise celle qui est aussi secrétaire de la Fédération Nationale de Socio-esthétique. Juste avant le début de la crise sanitaire, rendez-vous est pris chez Caroline, opérée d’un cancer de la langue. Autour de la table, miroirs individuels, palettes de produits de maquillage, pinceaux à disposition… De quoi faire pétiller les yeux de la petite assemblée, attentive aux moindres faits et gestes de Manuela. Pour la professionnelle, « les bases sont les mêmes pour tous les cancers. Il n’y a pas de méthode type. De par la formation qu’elle a reçue, une socio-esthéticienne doit être en mesure de s’adapter au public qu’elle prend en charge. En revanche, elle doit être préparée émotionnellement à accompagner ces types de cancer et leurs conséquences ». Comme par exemple le fait de saliver de manière excessive, avoir des larmes au coin de l’œil ou une trachéotomie visible.
Rien n’est impossible. « Le maquillage correcteur, c’est l’art du camouflage. Ce type de maquillage va redonner confiance à la personne, ce qui lui permettra d’accepter mieux ce visage « abîmé » par les traitements, les opérations, les cicatrices etc… De nombreuses marques proposent aujourd’hui de très bons produits de maquillage adaptés et les laboratoires dermo-cosmétique proposent des formations ». Durant l’atelier-cocon, la magie a opérée. Peu à peu, les visages se sont éclairés. Manuela a su ruser pour équilibrer les asymétries, jouer avec les couleurs ou mettre l’accent sur une seule partie du visage. Et surtout transmettre aux patientes les « trucs et astuces » indispensables pour apprivoiser et aimer leur « n
« Depuis que je ne me focalise plus sur mon asymétrie, et mon œil de travers, quelques gestes suffisent pour être plus pétillante », reconnaît Sabrina. Une petite touche de blush, appliqué de la tempe vers la joue, un soupçon de fard à paupière et un peu de mascara, cela change tout ! Pour dissimuler mon œil abîmé, je laisse tomber une mèche dessus et j’essaie de mettre mes atouts en valeur : ma poitrine, mon nez, mon sourire… Mais mon véritable secret, c’est mon chéri, qui me dit que je suis belle ! », s’émerveille la jeune maman. Pour Caroline, touchée par un cancer de la langue, c’est un coup de crayon à lèvres qui a tout changé. La jeune femme avait renoncé au rouge à lèvre, de peur qu’il ne « bave » et que cela se voit. Durant l’atelier, elle bloquait sur sa bouche, qui ne fermait pas complètement. Manuela lui a demandé d’essayer d’en dessiner les contours avec un crayon à lèvres et d’ajouter une touche de gloss. Quand Caroline s’est regardée dans le miroir, elle a pleuré de joie. Elle avait enfin retrouvé quelque chose qu’elle avait dû abandonner. Cette jolie bouche qui ne demandait qu’à sourire. De son côté, Stéphanie, touchée par un sarcome à cellules claires de la langue, a adoré« l’ambiance bienveillante et ” bon enfant” ainsi que les soins personnalisés. Un vrai moment de partage non médical entre combattantes où l’on ne parle plus de cancer mais de féminité. Un moment privilégié pour réapprendre les gestes élémentaires du maquillage ».
“Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin”
Une devise qui tient à cœur aux bénévoles de Corasso
Leur rêve aujourd’hui ? Proposer un atelier qui donnerait la priorité aux cancers tête et cou, animé par des socio-esthéticiennes sensibilisées, chez des bénévoles de l’association, dans les hôpitaux, là où le besoin s’en fait sentir… « Ce serait bien d’aller au-delà du maquillage correcteur et de recevoir des conseils sur les couleurs le style, vêtements, lunettes… qui nous vont le mieux. Histoire d’éloigner le regard des autres de ma truffe ! », conclut avec humour Sylvie, qui a subi une ablation de la pyramide nasale. Manuela, dont la devise est « Seule on va plus vite, ensemble on va plus loin », est partante !