Curage ganglionnaire

Le retrait chirur­gi­cal des gan­glions du cou est néces­saire quand un can­cer des voies aérodi­ges­tives supérieures a com­mencé à s’y dis­sémin­er. Com­ment se déroule un curage gan­glion­naire cer­vi­cal ? Pourquoi pra­tique-t-on cette opéra­tion ? Quels peu­vent être les effets sec­ondaires et com­ment les gér­er ? Le Dr Olivi­er Choussy, chef du ser­vice ORL à l’Institut Curie, nous répond.

Un ganglion, c’est quoi ?

Les gan­glions sont des struc­tures anatomiques qui appar­ti­en­nent au sys­tème lym­pha­tique. Ce sys­tème joue un rôle très impor­tant dans les défens­es immu­ni­taires, pour débar­rass­er l’organisme de ses « déchets » : cel­lules endom­magées, bac­téries, etc. Il est con­sti­tué de plusieurs organes (thy­mus, rate, amyg­dales…), de vais­seaux et de ren­fle­ments situés le long de ces vais­seaux, les fameux ganglions. 

De la tête aux pied, notre corps ren­ferme plusieurs cen­taines de gan­glions. « J’aime bien dire à mes patients que ce sont un peu les poubelles de notre organ­isme. Les cel­lules de défense y ramè­nent tout ce qui doit être détru­it et élim­iné. C’est la rai­son pour laque­lle les gan­glions proches d’une tumeur can­céreuse représen­tent le pre­mier endroit où elle va se dif­fuser si elle ne reste pas locale », indique le Dr Olivi­er Choussy.

Con­cer­nant les can­cers ORL, les gan­glions les plus proches, donc les pre­miers touchés par une dis­sémi­na­tion des cel­lules tumorales, se situent de chaque côté du cou sur la face avant. Appelés gan­glions jugu­lo-caro­ti­di­ens, ils tirent leur nom de l’artère carotide et de la veine jugu­laire dont ils lon­gent le par­cours. Ils se dis­posent sous la forme d’une chaîne de plusieurs gan­glions (entre 20 et 30 de chaque côté).

« Pour les can­cers ORL, les gan­glions con­cernés sont les gan­glions jugu­lo-caro­ti­di­ens, sur la face avant du cou »

Qu’est-ce qu’un curage ganglionnaire ? 

« Il s’agit d’une inter­ven­tion chirur­gi­cale qui con­siste à retir­er des gan­glions qui pour­raient être malades, touchés par le can­cer », informe le Dr Choussy. Pourquoi les retir­er ? Les can­cers ORL sont, dans la plu­part des cas, très lym­phophiles. Cela sig­ni­fie qu’ils se dis­sémi­nent assez rapi­de­ment vers les struc­tures gan­glion­naires. Lors du diag­nos­tic et du bilan d’extension de la tumeur ini­tiale, les exa­m­ens d’imagerie peu­vent met­tre à jour de manière claire une atteinte ganglionnaire. 

« Cepen­dant, il a été prou­vé que dans au moins 20 % des cas, les gan­glions malades ne sont pas détecta­bles par tous les exa­m­ens à notre dis­po­si­tion. Ce n’est qu’une fois leur retrait et l’analyse his­tologique post-opéra­toire que l’on se rend compte qu’il y avaient bien des cel­lules can­céreuses », détaille le chirurgien cer­vi­co-facial. « Par mesure de pré­cau­tion, on enlève glob­ale­ment les gan­glions cer­vi­caux de manière qua­si sys­té­ma­tique quand on opère une tumeur can­céreuse au niveau de la sphère ORL. »

Le curage gan­glion­naire reste uni­latéral pour les tumeurs local­isées sur un côté des voies aérodi­ges­tives supérieures. Quand le can­cer est plus cen­tral, proche de la ligne médi­ane, les gan­glions doivent être retirés des deux côtés du cou.

« Il s’agit d’une inter­ven­tion chirur­gi­cale qui con­siste à retir­er des gan­glions qui pour­raient être malades, touchés par le cancer »

Comment se déroule l’intervention ?

Elle ne néces­site aucune pré­pa­ra­tion pré-opéra­toire spé­ci­fique, hormis celle demandée avant toute chirurgie (douche avec un savon anti­sep­tique). Le curage gan­glion­naire cer­vi­cal se pra­tique en même temps que l’intervention des­tinée à résé­quer la tumeur can­céreuse ini­tiale. La durée de l’opération est donc très vari­able, le curage en lui-même ne prenant que 1h à 1h30 en moyenne par côté.

Une seule inci­sion suf­fit pour retir­er les gan­glions et la tumeur can­céreuse, une manière de lim­iter les cica­tri­ces. Ain­si, la cica­trice de l’intervention se situera plus ou moins haut sur le cou, selon s’il s’agit d’un can­cer de la bouche ou du lar­ynx par exem­ple. « Nous essayons tou­jours de dis­simuler cette cica­trice dans un pli du cou. Elle est générale­ment plutôt hor­i­zon­tale et remonte légère­ment vers l’oreille », pré­cise le Dr Olivi­er Choussy.

« Une seule inci­sion suf­fit pour retir­er les gan­glions et la tumeur can­céreuse, une manière de lim­iter les cicatrices »

Technique du ganglion sentinelle : de quoi s’agit-il ?

Dans quelques rares cas de can­cers ORL, un curage gan­glion­naire peut être évité grâce à la tech­nique dite « du gan­glion sen­tinelle ». « Elle a été validée pour des can­cers de la cav­ité buc­cale et des can­cers de l’oropharynx, chez des malades qui ont des petites tumeurs de stade T1 ou T2 et qui n’ont pas de gan­glions vis­i­bles sur le bilan d’imagerie réal­isé avant l’opération », explique le chirurgien ORL.

En pra­tique, com­ment ça se passe ? « Nous injec­tons un pro­duit traceur sous anesthésie locale aux qua­tre points car­dinaux de la tumeur, sou­vent la veille de l’intervention. Nous réal­isons ensuite des exa­m­ens d’imagerie, en général une radio et un scan­ner. L’objectif est de visu­alis­er quel est le gan­glion sen­tinelle, c’est-à-dire le relais gan­glion­naire le plus proche du can­cer. » Au cours de la résec­tion chirur­gi­cale de la tumeur, ce gan­glion est retiré et analysé. « Si le résul­tat est négatif et qu’il n’y a pas de cel­lules can­céreuses détec­tées, cela sig­ni­fie qu’il y a de très grandes chances pour que le can­cer ne se soit pas dis­séminé dans les gan­glions et nous pou­vons les laiss­er. S’il est posi­tif en revanche, nous procé­dons au retrait com­plet du reste de la chaîne ganglionnaire. »

Quelles peuvent être les complications d’un curage ganglionnaire ?

Dans un pre­mier temps, les com­pli­ca­tions clas­siques de toute chirurgie peu­vent sur­venir, même si elles restent rares : saigne­ments et sur­in­fec­tion de la zone opérée. Ces com­pli­ca­tions aiguës sont immé­di­ate­ment pris­es en charge en soins post-opératoires.

Quelques com­pli­ca­tions à dis­tance peu­vent être notées, comme des douleurs et dif­fi­cultés à bouger l’épaule du côté opéré. « Cet effet sec­ondaire est lié au nerf spinal, qui passe dans cette région au niveau du cou. Sa dis­sec­tion lors de la chirurgie ou son envahisse­ment par de gros gan­glions peu­vent causer ces symp­tômes. » Env­i­ron 20 % des patients opérés pour un curage gan­glion­naire cer­vi­cal souf­frent d’effets sec­ondaires au niveau de l’épaule. Une réé­d­u­ca­tion avec un kinésithérapeute per­met de soulager les douleurs et de retrou­ver une mobil­ité nor­male très rapidement.

D’autres effets sec­ondaires d’origine nerveuse peu­vent sur­venir. « Deux autres nerfs impor­tants passent à prox­im­ité des gan­glions du cou et sont sus­cep­ti­bles d’être lésés par un envahisse­ment tumoral ou lors du curage : celui qui per­met de bouger la langue et celui qui per­met de par­ler », pour­suit le chirurgien Dr Choussy. Les con­séquences immé­di­ates se man­i­fes­tent par quelques trou­bles de l’élocution et des dif­fi­cultés à s’alimenter. « Elles sont le plus sou­vent tran­si­toires et se réé­duquent facile­ment avec un accom­pa­g­ne­ment par un ortho­phon­iste. » La voix peut toute­fois rester mod­i­fiée après la réé­d­u­ca­tion, mais cette sit­u­a­tion demeure très rare.

« Quelques com­pli­ca­tions peu­vent être notées, comme des douleurs et dif­fi­cultés à bouger l’épaule du côté opéré »

Et après, quel accompagnement ?

Les patients ayant subi un curage gan­glion­naire cer­vi­cal sont suiv­is pen­dant de nom­breuses années après le traite­ment de leur can­cer ORL. Pen­dant ce suivi, un accom­pa­g­ne­ment pluridis­ci­plinaire est pro­posé, selon les besoins et les effets sec­ondaires qui néces­si­tent une prise en charge. Comme évo­qué, des kinésithérapeutes, des ortho­phon­istes peu­vent inter­venir, tout comme des diététi­ciens-nutri­tion­nistes pour toutes les ques­tions d’alimentation.

Plusieurs soins de sup­port ont démon­tré leur effi­cac­ité pour amélior­er l’aspect esthé­tique et fonc­tion­nel des cica­tri­ces. C’est le cas par exem­ple des cures ther­males, de divers soins de kinésithérapie, de traite­ments au laser pour les cica­tri­ces hypertrophiques…

Il est impor­tant de sig­naler que le retrait d’une chaîne gan­glion­naire n’a pas de con­séquence sur le bon fonc­tion­nement du sys­tème lym­pha­tique et des défens­es immunitaires.

Pro­pos recueil­lis par Vio­laine Badie

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