Cancer du nasopharynx

Le can­cer du nasophar­ynx, égale­ment appelé rhinophar­ynx ou cavum, se soigne générale­ment bien. Il fait par­tie des can­cers des voies aérodi­ges­tives supérieures de bon pronos­tic. Quels sont ses fac­teurs de risque ? Quels traite­ments peu­vent être pro­posés, avec quels effets sec­ondaires pos­si­bles ? Le point avec le Pr Chris­t­ian Debry, chef du ser­vice ORL aux Hôpi­taux Uni­ver­si­taires de Stras­bourg.

Où se situe le nasopharynx ?

Il con­stitue la par­tie haute du phar­ynx, con­duit qui appar­tient à la fois aux appareils diges­tif et res­pi­ra­toire, s’ouvre en haut vers le nez et la bouche et en bas vers le lar­ynx et l’œsophage. L’appellation nasophar­ynx, rhinophar­ynx ou cavum, cor­re­spond à la cav­ité aéri­enne der­rière les fos­s­es nasales et le voile du palais.

schéma vads - nasopharynx

Des tumeurs malignes peu­vent se dévelop­per à par­tir des cel­lules de revête­ment du nasophar­ynx, dites « épithéliales ». Les can­cers sus­cep­ti­bles d’affecter cette région anatomique sont classés en trois catégories :

  • Type I : car­ci­nome  épi­der­moïde dif­féren­cié kéra­tin­isant ;
  • Type II : car­ci­nome épi­der­moïde dif­féren­cié non kéra­tin­isant ;
  • Type III : car­ci­nome indif­féren­cié de type nasopharyn­gé (ou UCNT pour Undif­fer­en­ci­at­ed Car­ci­no­ma of Nasopha­ryn­geal Type).

Un « car­ci­nome » désigne un can­cer qui touche des tis­sus de sur­face. « Epi­der­moïde dif­féren­cié » sig­ni­fie que les cel­lules restent assez proches des cel­lules d’un épi­derme nor­mal. La dif­férence entre « kéra­tin­isant » et « non kéra­tin­isant » s’observe au niveau de la présence ou non de kéra­tine dans les cel­lules for­mant la tumeur. Le type III est dit « indif­féren­cié » car les cel­lules tumorales per­dent rapi­de­ment les car­ac­téris­tiques des cel­lules nor­male­ment présentes dans cette zone. Pour sché­ma­tis­er, cette caté­gori­sa­tion se base sur le niveau de dif­féren­ci­a­tion des cel­lules tumorales, qui sont de plus en plus dis­tinctes des cel­lules nor­males selon le type I, II ou III.

« Le type de tumeurs va dépen­dre de là où elles vont pren­dre nais­sance exacte­ment dans le rhinophar­ynx et de leur cause », com­plète le Pr Chris­t­ian Debry. « Les UCNT sont très par­ti­c­uliers car ils peu­vent être d’origine virale et se dévelop­pent davan­tage dans la par­tie pro­fonde du nasophar­ynx. Le fait que ces car­ci­nomes soient par­ti­c­ulière­ment indif­féren­ciés en rai­son d’une mul­ti­pli­ca­tion très rapi­de des cel­lules peut paraître inquié­tant, mais ce turn-over fait aus­si que les tumeurs répon­dent bien aux traitements. »

D’autres can­cers plus rares peu­vent se dévelop­per dans cette région anatomique : des lym­phomes (à par­tir de struc­tures lym­phoïdes jouant un rôle immu­ni­taire) ou des sar­comes (à par­tir de tis­sus osseux ou cartilagineux).

« Les UCNT sont très par­ti­c­uliers car ils sont sou­vent d’origine virale et se dévelop­pent davan­tage dans la par­tie pro­fonde du nasopharynx »

Quels sont les facteurs de risque du cancer du cavum ?

Plusieurs fac­teurs présen­tent un risque can­cérigène avéré, recon­nu par le Cen­tre Inter­na­tion­al de Recherche sur le Can­cer ou CIRC.

Le virus d’Epstein-Barr (EBV)

Très fréquent — près de 90 % des per­son­nes sont un jour infec­tées par ce virus — il se trans­met par les bais­ers et les sécré­tions orales, infecte cer­taines cel­lules du sys­tème immu­ni­taire (glob­ules blancs appelés lym­pho­cytes) et des muqueuses de la bouche et du phar­ynx. Dans la majorité des cas, le virus reste asymp­to­ma­tique. Il peut égale­ment engen­dr­er des mal­adies virales comme la mononu­cléose infec­tieuse. L’EBV est un virus de la famille de l’herpès. Une fois con­trac­té, il per­siste toute la vie dans l’organisme, prin­ci­pale­ment dans les glob­ules blancs. « Le sim­ple fait d’être por­teur d’un EBV ne sig­ni­fie pas que l’on va sys­té­ma­tique­ment dévelop­per un can­cer, loin de là car sa causal­ité n’est pas encore claire­ment établie », ras­sure le Pr Chris­t­ian Debry. « D’autres prob­lèmes sous-jacents, que nous ne savons pas vrai­ment iden­ti­fi­er, ou la présence d’autres fac­teurs can­cérigènes vont faire qu’on peut déclencher un can­cer du nasopharynx. »

Le poisson salé de type chinois

Des études ont démon­tré qu’une con­som­ma­tion impor­tante de pois­son salé (ou saumuré) aug­mente le risque de dévelop­per un can­cer du nasophar­ynx. « Très prob­a­ble­ment en rai­son de la présence de nitrosamines », explique le spé­cial­iste ORL. Ces con­ser­va­teurs sont recon­nus comme pou­vant être des co-can­cérigènes. Un autre hypothèse est aus­si avancée : leur rôle dans la réac­ti­va­tion du virus d’Epstein-Barr.

Le tabac

Le lien avec le tabag­isme est bien moins fort que pour d’autres can­cers des voies aérodi­ges­tives supérieures, comme celui de l’orophar­ynx par exem­ple. Le fait de fumer entre tout de même dans les fac­teurs de risque, prin­ci­pale­ment pour les can­cers nasopharyn­gés de type I et II (soit les formes différenciées).

Expositions professionnelles au formaldhéyde et à la poussière de bois

Selon la déf­i­ni­tion de l’Agence nationale de sécu­rité san­i­taire de l’alimentation, de l’environnement et du tra­vail (ANSES) : « Le formaldéhyde est une sub­stance chim­ique qui se présente à tem­péra­ture ambiante sous forme de gaz incol­ore et inflam­ma­ble. » Il est prin­ci­pale­ment com­mer­cial­isé sous forme liq­uide, com­muné­ment appelée « for­mol ». De très nom­breuses pro­fes­sions y sont exposées, dans le secteur médi­cal, vétéri­naire, agri­cole, cos­mé­tique, industriel…

Les pous­sières de bois, quant à elles, sont égale­ment un fac­teur de risque avéré des can­cers du nasophar­ynx, via les inhala­tions lors de travaux de trans­for­ma­tion (type sci­age, broy­age, etc.).

Les autres facteurs suspectés

D’autres fac­teurs sont, quant à eux, sus­pec­tés de favoris­er les can­cers de rhinophar­ynx, le niveau de preuves n’étant pas suff­isant pour affirmer un lien. Il s’agit par exem­ple du tabag­isme pas­sif, la con­som­ma­tion d’alcool et de fac­teurs nutri­tion­nels (viande trans­for­mée par exem­ple) ou géné­tiques.

« Le sim­ple fait d’être por­teur d’un virus d’Epstein-Barr ne sig­ni­fie pas que l’on va sys­té­ma­tique­ment dévelop­per un cancer »

Fréquence et pronostic du cancer du rhinopharynx

Il fait par­tie des can­cers rares, avec une pré­va­lence assez sta­ble (ni en aug­men­ta­tion, ni en baisse). Selon les derniers chiffres pub­liés par San­té Publique France : « En France, pour l’année 2018 : le nom­bre estimé de nou­veaux cas de can­cer du nasophar­ynx était de 241 chez les hommes et de 85 chez les femmes. »  Env­i­ron 50 % des can­cers nasopharyn­gés diag­nos­tiqués sont des UCNT.

San­té Publique France note égale­ment une « survie nette stan­dard­is­ée à 5 ans de 66 % pour les per­son­nes diag­nos­tiquées entre 2010 et 2015 ». Le pronos­tic dépend de nom­breux fac­teurs tels que le stade de la mal­adie au moment du diag­nos­tic, l’âge, les autres fac­teurs de co-mor­bid­ité associés… 

Quels sont les symptômes d’un cancer du rhinopharynx ? 

Une tumeur nasopharyn­gée peut se man­i­fester par qua­tre signes principaux :

  • une obstruc­tion nasale ;
  • des saigne­ments ;
  • une aug­men­ta­tion du vol­ume des gan­glions au niveau du cou, ou adénopathie cer­vi­cale. « Ce can­cer dis­sémine très rapi­de­ment dans les gan­glions, on dit qu’il est très lym­phophile », développe le Pr Debry.
  • une paralysie par­tielle ou totale d’un nerf crânien. Le médecin ORL pré­cise : « Plusieurs paires de nerfs crâniens passent dans cette zone. En fonc­tion de l’étendue de la tumeur et de son infil­tra­tion, des symp­tômes neu­rologiques peu­vent donc appa­raître, selon les nerfs atteints. »  Quelques exem­ples : cer­taines atteintes neu­rologiques vont se man­i­fester par des trou­bles de mobil­ité d’un œil, une paralysie d’une par­tie des mus­cles du vis­age, des dif­fi­cultés à déglutir…

Deux critères impor­tants sont à pren­dre en compte : la per­sis­tance et l’unilatéralité des symp­tômes. « Par exem­ple un nez bouché, des écoule­ments san­guino­lents ou une paralysie d’un seul côté, pen­dant plusieurs semaines, sont des signes qui doivent amen­er à con­sul­ter », insiste le Pr Chris­t­ian Debry.

Il peut arriv­er que l’obstruction nasale engen­dre égale­ment une obstruc­tion au niveau de la trompe d’Eustache, avec une sen­sa­tion d’oreille bouchée voire des douleurs ou des écoule­ments. D’autres per­tur­ba­tions sont par­fois sig­nalées, de type bour­don­nements ou pertes d’audition. Là encore des signes uni­latéraux et qui sub­sis­tent plusieurs semaines doivent être éval­ués par des pro­fes­sion­nels de santé.

Comment est posé le diagnostic ?

« C’est sou­vent le médecin général­iste qui diag­nos­tique en pre­mier un gan­glion qui ne part pas, une obstruc­tion qui dure, un saigne­ment uni­latéral », relève le spé­cial­iste Chris­t­ian Debry. « Le patient est alors adressé à un médecin ORL, qui va dans un pre­mier temps réalis­er une nasofi­bro­scopie (exa­m­en qui con­siste à insér­er une petite caméra par voie nasale, NDLR) pour observ­er la lésion. » Le diag­nos­tic est tou­jours con­fir­mé par une biop­sie, afin d’observer les cel­lules au micro­scope et d’en déter­min­er le car­ac­tère cancéreux.

Un bilan d’extension est aus­si sys­té­ma­tique­ment pre­scrit, à l’aide d’examens d’imagerie comme le TEP scan­ner. Il per­met de visu­alis­er pré­cisé­ment l’infiltration de la tumeur dans les tis­sus et de décel­er d’éventuelles métas­tases à distance.

Quels traitements face à un cancer du cavum ?

Le pro­to­cole de soin pro­posé à chaque patient est per­son­nal­isé et décidé par une équipe de pro­fes­sion­nels spé­cial­isés dans la prise en charge des can­cers, au cours d’une réu­nion de con­cer­ta­tion pluridis­ci­plinaire. Pour pro­pos­er le traite­ment le plus adap­té, de très nom­breux critères entrent en compte, comme la local­i­sa­tion et l’extension de la tumeur, l’état de san­té générale, d’autres prob­lèmes de san­té éventuels…

La radio­thérapie externe (RTE) est la plu­part du temps le traite­ment de référence face à ce type de can­cer. Elle peut être asso­ciée à une chimio­thérapie , très util­isée pour les UCNT qui sont des tumeurs très chimio-sen­si­bles. Un point très ras­sur­ant pour les patients souf­frant de ce type his­tologique : « Ce sont des tumeurs qui fondent très bien, avec des répons­es plutôt spec­tac­u­laires à la radio-chimiothérapie. »

Con­traire­ment aux autres can­cers des voies aéro-diges­tives supérieures, la chirurgie n’est qua­si­ment jamais pra­tiquée en rai­son de la dif­fi­culté d’accès au site tumoral. « Il  peut être néces­saire d’avoir recours à une inter­ven­tion chirur­gi­cale, assez rarement, pour retir­er des gan­glions cer­vi­caux », clar­i­fie le chirurgien ORL. « Cette inter­ven­tion est alors réal­isée par cer­vi­co­tomie (avec une voie d’accès sur la face antérieure du cou, NDLR). Dans la grande majorité des cas, une radio-chimio­thérapie est réal­isée en pre­mier, afin de faire fon­dre les gan­glions touchés. Si un reli­quat per­siste après la fin du traite­ment, nous pou­vons envis­ager de retir­er ce gan­glion chirurgicalement. »

« Ce sont des tumeurs qui fondent très bien, avec des répons­es plutôt spec­tac­u­laires à la radio-chimiothérapie »

Effets secondaires et qualité de vie

« Du fait des évo­lu­tions majeures des tech­niques de radio­thérapie depuis quelques années, les effets sec­ondaires sont de moins en moins mar­qués. On note surtout des effets cutanés, comme des der­matites (inflam­ma­tions de la peau se man­i­fes­tant par des rougeurs, sécher­ess­es, démangeaisons… NDLR) qui peu­vent per­sis­ter plusieurs mois après la fin des rayons, ou des éry­thèmes douloureux, qui vont s’estomper pro­gres­sive­ment », développe l’ORL Chris­t­ian Debry. Faire appel à des soins de sup­port peut s’avérer néces­saire pour atténuer et soulager ces prob­lèmes de peau, comme la pho­to­bio­mod­u­la­tion.

Les séquelles au long terme des traite­ments par radio­thérapie dépen­dent en grande par­tie de l’extension de la tumeur  et de son infil­tra­tion dans les tis­sus envi­ron­nants. Des atteintes neu­rologiques peu­vent per­sis­ter, si des nerfs crâniens ont été lésés par la tumeur ini­tiale ou par les rayons. 

La radio­thérapie mod­i­fie égale­ment la muqueuse du nasophar­ynx. « Il peut exis­ter des prob­lèmes de dég­lu­ti­tion, une sécher­esse récur­rente voire des croûtes, qui vont finir par par­tir. Ces effets sec­ondaires se soignent au moyen de traite­ments locaux et ont ten­dance à s’atténuer avec le temps. »

L’absence de chirurgie inva­sive revêt une impor­tance majeure : la qual­ité de vie des patients soignés pour un can­cer du rhinophar­ynx est la plu­part du temps très accept­able après traitements.

Et après, quelle surveillance ?

Une fois que la dis­pari­tion totale de la tumeur can­céreuse et des éventuelles métas­tases a été con­fir­mée, un suivi rap­proché sera recom­mandé. « Des bilans loco-régionaux sont effec­tués env­i­ron trois fois par an les trois pre­mières années — inter­valle où les rechutes sont les plus fréquentes -, puis tous les six mois jusqu’à cinq ans, avec une IRM com­plétée par un exa­m­en clin­ique par nasofi­bro­scopie pour véri­fi­er l’état des muqueuses et un bilan biologique stan­dard », ter­mine le Pr Debry. Des exa­m­ens d’imagerie sont aus­si réal­isés de manière plus large, « env­i­ron tous les 12 à 18 mois, avec un TEP scan­ner pour sur­veiller les éventuelles métas­tases à dis­tance », pen­dant les cinq pre­mières années. Puis une sim­ple sur­veil­lance annuelle est recom­mandée, à vie.

Pro­pos recueil­lis par Vio­laine Badie

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