INTERVIEW EXPERT
Toutes les réponses aux questions que se posent les patients sur l’ablation de la pyramide nasale, par le Pr Benjamin Vérillaud, ORL et chirurgien cervico-facial à l’hôpital Lariboisière (Paris).
À quoi sert le nez ?
Quand on parle du nez, on parle de deux choses distinctes :
- la pyramide nasale : qui constitue la partie visible du nez, avec la peau, le cartilage, la muqueuse ;
- les fosses nasales : qui sont situées en arrière et qui ne sont pas visibles.
Les fonctions sont différentes selon la zone dont on parle. La pyramide nasale n’a pas de rôle majeur, en dehors d’un rôle esthétique. En revanche, les fosses nasales ont un rôle dans la perception des odeurs, l’humidification et la filtration de l’air inspiré.
Quelles sont les différentes tumeurs malignes que l’on peut rencontrer au niveau du nez ?
Des tumeurs malignes peuvent se développer au niveau des deux parties. Aujourd’hui, on parlera surtout de la pyramide nasale. Certaines tumeurs se développent à partir de la peau (mélanome, carcinome basocellulaire, carcinome spinocellulaire). Certaines tumeurs apparaissent plutôt à l’intérieur, au niveau des muqueuses. Il y a un grand nombre de tumeurs différentes. Les carcinomes épidermoïdes sont les plus fréquents.
Comment se manifestent les symptômes ?
Le symptôme le plus fréquent est l’obstruction nasale. Il peut exister d’autres symptômes tels qu’un écoulement plus ou moins trouble ou sanglant, et éventuellement des douleurs.
Qui consulter lorsque ces symptômes durent plusieurs semaines ?
Le plus simple est de consulter directement un ORL. En général, s’il n’y a pas de saignement important, on peut consulter sans urgence, sans bien sûr retarder la prise en charge. Il faut que le rendez-vous soit dans un délai raisonnable (une quinzaine de jours).
Quand et pourquoi doit-on faire une amputation du nez ?
Le traitement sera décidé de façon collégiale en RCP (réunion de concertation pluridisciplinaire). Si la tumeur se développe au niveau de la pyramide nasale, le plus souvent, lorsqu’elle est possible, la chirurgie est la partie la plus importante du traitement.
Quelles sont les conséquences de cette intervention ?
La pyramide nasale à proprement parler n’a pas d’autre fonction qu’un rôle esthétique. Donc les conséquences ne sont pas forcément importantes sur le plan de la respiration ou de l’odorat. En revanche, il y a une conséquence esthétique et psychologique importante à long terme pour le patient, tant qu’aucune reconstruction n’a été effectuée.
Peut-on se moucher sans nez ? Si oui, comment ?
Si seule la pyramide nasale a été réséquée, les fosses nasales, derrière, fonctionnent normalement. Il reste possible de se moucher, de sentir, de respirer normalement.
Quels sont les différents moyens pour cacher une ablation du nez ?
Comme les conséquences esthétiques sont importantes, on propose pratiquement toujours une reconstruction au patient. Il existe plusieurs degrés de sophistication dans cette réparation.
Dans les méthodes les plus simples, on peut proposer en postopératoire immédiat un pansement. Ensuite, on peut proposer une épithèse pour reproduire la forme du nez et être le plus proche possible esthétiquement du nez originel du patient.
Si l’on veut effectuer une reconstruction à proprement parler, suivant le degré d’amputation effectué, il est possible de réaliser des greffes de tissu ou de lambeau pédiculé. On prélève des tissus vascularisés à côté du nez pour la reconstruction. Typiquement, on utilise la peau du front (lambeau frontal).
Il est aussi éventuellement possible d’utiliser des techniques encore plus sophistiquées de lambeau microanastomosé (lambeau libre). Cette technique consiste à prélever ailleurs, sur le corps du patient, un tissu vascularisé que l’on va « brancher » sur des vaisseaux à proximité du nez pour réaliser la reconstruction esthétique. On se sert parfois de la peau de l’avant-bras.
La reconstruction du nez (la rhinopoïèse) est une technique complexe. Elle est réalisée dans les centres de reconstruction spécialisée et nécessite souvent plusieurs temps chirurgicaux. Il y a au moins deux opérations, et parfois des retouches, qui peuvent être nombreuses et à adapter en fonction de l’évolution.
Combien de temps doit s’écouler entre l’amputation et la reconstruction ?
Le but premier de la chirurgie, c’est de guérir le patient de son cancer. Il est impératif d’avoir obtenu une sécurité carcinologique avant de se lancer dans une reconstruction.
Pour certaines tumeurs cutanées, nous pouvons simplement faire une exérèse et attendre les résultats de l’examen anatomopathologique pour effectuer la reconstruction. Dans certains centres, la reconstruction peut être réalisée dans le même temps opératoire, si l’analyse anatomopathologique est faite durant l’intervention.
En revanche, pour d’autres tumeurs plus agressives, il faut attendre que le patient ait terminé le traitement complet (en particulier la radiothérapie postopératoire) et avoir un recul suffisant de plusieurs mois, voire d’un an, avant de faire la reconstruction. Chez ces patients, dans l’intervalle, nous proposons une épithèse.
Quel type de soins doit-on faire après une amputation du nez ?
Dans un premier temps, il faut simplement effectuer des soins locaux au niveau des berges de la cicatrice de la pyramide nasale. Ces soins consistent à utiliser des compresses avec du sérum physiologique ou du désinfectant et des pansements gras (par exemple, avec de la vaseline) pour aider la cicatrisation.
Est-il possible d’avoir une alimentation naso-gastrique ?
Rien ne s’y oppose. Cela étant dit, après une exérèse uniquement de la pyramide nasale, il n’y a aucune raison pour que le patient ne puisse pas manger normalement par la bouche. La sonde naso-gastrique est rarement nécessaire.
Pour les anesthésies, comment cela se passe-t-il quand on n’a plus de nez ?
Il n’y a pas de conséquences particulières pour les anesthésies. Un anesthésiste utilise en général un masque plaqué sur le visage du patient pour administrer de l’oxygène au début de l’induction de l’anesthésie générale. Dans ce cas-là, le masque est appliqué sur le visage de la même façon, que la pyramide nasale soit présente ou non.
Les patients ayant subi une ablation partielle ou totale de la pyramide nasale se plaignent souvent dans les mois ou années qui suivent d’avoir les yeux qui coulent en permanence. Les canaux lacrymaux sont-ils donc susceptibles de se boucher plus facilement ?
Effectivement, la pyramide nasale se trouve anatomiquement à proximité de la voie de passage des larmes. Elles s’écoulent à partir de la surface des yeux par des petits canaux qui se jettent à l’intérieur des fosses nasales. Dans certaines chirurgies où il est nécessaire d’élargir un peu l’exérèse à proximité de ces zones, ou dans les suites d’une radiothérapie postopératoire, il peut y avoir une dysfonction ou un rétrécissement de cette voie de drainage des larmes. Les patients peuvent se plaindre d’un larmoiement.
Il est alors possible de proposer une intervention pour reperméabiliser la voie lacrymale.
Écouter le podcast sur l’ablation de la pyramide nasale du Professeur Benjamin Vérillaud.
Sur le même sujet, retrouvez le témoignage de Sylvie qui partage sans détour son parcours patient.