Cancer de l’hypopharynx

Atteignant par­fois aus­si le lar­ynx en rai­son de leur prox­im­ité anatomique, le can­cer de l’hypopharynx est sou­vent de diag­nos­tic tardif. D’où l’importance de prêter atten­tion aux pre­miers signes annon­ci­a­teurs d’une tumeur, comme des dif­fi­cultés lors de la dég­lu­ti­tion. Tout ce qu’il faut savoir sur ce can­cer, avec l’expertise du Pr Philippe Céruse chef du ser­vice ORL et chirurgie cer­vi­co-faciale à l’hôpi­tal de la Croix-Rousse à Lyon.

Céruse chef de service ORL

Qu’est-ce que l’hypopharynx ?

Il s’agit de la par­tie basse du phar­ynx, con­duit qui relie le nez et la bouche à l’œsophage. L’hypopharynx (aus­si appelé laryn­gophar­ynx) se situe entre l’orophar­ynx en haut et la bouche de l’œsophage en bas. « Il con­stitue une région car­refour entre le lar­ynx, la bouche et les voies res­pi­ra­toires et diges­tives bass­es. C’est dans cette zone qu’a lieu l’aiguillage entre l’air, qui part en avant vers le lar­ynx et les poumons, et les ali­ments, qui par­tent en arrière vers l’œsophage », pré­cise le Pr Philippe Céruse, spé­cial­iste des can­cers ORL.

« L’hypopharynx con­stitue une région car­refour entre le lar­ynx et le phar­ynx, entre les voies res­pi­ra­toires et digestives »

schéma vads

Quels types de cancer peuvent toucher l’hypopharynx ?

Dans 90 % des cas, ce sont des car­ci­nomes épi­der­moïdes, tumeurs malignes de la muqueuse qui tapisse l’intérieur de l’hypopharynx. Les 10 % de cas restants cor­re­spon­dent à des tumeurs rares, qui peu­vent naître dans des struc­tures lym­phoïdes appar­tenant au sys­tème immu­ni­taire (on par­le alors de lym­phomes), au niveau de glan­des sali­vaires acces­soires (adéno­car­con­imes) ou du car­ti­lage de l’hypopharynx (sar­comes).

« Cette zone anatomique com­prend beau­coup de tis­sus lym­pha­tiques et les tumeurs can­céreuses ont ten­dance à très rapi­de­ment se dis­sémin­er pour don­ner des métas­tases gan­glion­naires », rajoute l’expert.

La prox­im­ité immé­di­ate entre hypophar­ynx et lar­ynx, séparés unique­ment par une paroi appelée « mur pharyn­go-laryn­gé » explique pourquoi des can­cers sont sou­vent diag­nos­tiqués au niveau des deux zones en même temps. Une tumeur peut pren­dre nais­sance au niveau de l’hypopharynx et se dévelop­per rapi­de­ment vers le lar­ynx, et inversement.

Quels sont les facteurs de risque connus ?

Ils sont com­muns à beau­coup d’autres can­cers des voies aérodi­ges­tives supérieures. « Dans l’immense majorité des cas, les can­cers de l’hypopharynx sont liés d’abord à l’alcool, puis au tabac. Il peut arriv­er que des patients n’ayant jamais fumé ni bu dévelop­pent ce type de tumeurs, dans ce cas nous n’avons pas d’explications », pour­suit le Pr Céruse.

Con­traire­ment au can­cer de l’oropharynx, aucun lien n’a été observé entre le can­cer de l’hypopharynx et les infec­tions à papil­lo­mavirus humains (HPV).

Fréquence et pronostic vital

Il occupe la qua­trième place des can­cers des voies aéro-diges­tives supérieures les plus fréquents, après ceux de l’oropharynx, de la cav­ité buc­cale puis du lar­ynx. Les dernières sta­tis­tiques pub­liées par San­té Publique France font référence à l’année 2018, avec 1867 nou­veaux cas diag­nos­tiqués chez les hommes et 281 chez les femmes. Cette dif­férence s’explique prin­ci­pale­ment par les fac­teurs de risque, les hommes étant de plus gros con­som­ma­teurs de tabac et d’alcool que les femmes. « Son inci­dence (nom­bre de nou­veaux cas diag­nos­tiqués par an, NDLR) est plutôt en baisse, car on trou­ve de moins en moins de très gros buveurs », note le Pr Philippe Céruse.

En rai­son de diag­nos­tics sou­vent tardifs, ces can­cers ne sont générale­ment pas de très bon pronos­tic. Le médecin ORL détaille : « Pour des tumeurs de stade 3 ou 4, effec­tive­ment, la survie nette à 5 ans est de l’ordre de 20 à 30 % seule­ment. En revanche, pour les petits stades, 1 ou 2, nous arrivons à 80 % de guéri­son. » Le Pr Céruse insiste donc sur la néces­sité de con­sul­ter dès la per­cep­tion de symp­tômes anormaux.

« Pour les petits stades, 1 ou 2, nous arrivons
à 80 % de guéri­son »

Quels sont les symptômes d’un cancer du laryngopharynx ?

« Comme il se développe dans une cav­ité, il peut se pass­er un cer­tain temps avant qu’il ne donne des signes perçus par le patient et qu’un médecin n’arrive à le voir. » Le signe le plus pré­coce est la dys­phagie : une gêne à la dég­lu­ti­tion, une sen­sa­tion de corps étranger dans la gorge, qui per­siste au-delà de 3 semaines.

Cette dys­phagie peut s’accompagner :

  • d’une odynophagie, qui cor­re­spond à une dég­lu­ti­tion douloureuse ;
  • de l’apparition d’un gan­glion gon­flé au niveau du cou

Là encore, des symp­tômes qui per­durent plusieurs semaines sont des signes qui doivent amen­er à consulter.

Bien plus tar­di­ve­ment, les tumeurs hypopharyn­gées peu­vent être le siège de saigne­ments et engen­dr­er des crachats san­guino­lents. Quand la tumeur prend de l’ampleur, elle peut touch­er la fonc­tion du lar­ynx et affecter la voix, avec l’apparition d’une dys­pho­nie (mod­i­fi­ca­tion du tim­bre type voix érail­lée, rauque, enrouée…).

Il est impor­tant de pré­cis­er que la plu­part des symp­tômes men­tion­nés appa­rais­sent générale­ment à un stade avancé. Le pre­mier sig­nal d’alerte à retenir est le trou­ble à la dég­lu­ti­tion. « Face à la moin­dre gêne ressen­tie en avalant, qui dure depuis plus de 3 semaines, il ne faut pas hésiter à con­sul­ter son médecin trai­tant, qui ori­en­tera vers un médecin ORL », rap­pelle le Pr Philippe Céruse.

Comment s’effectue le diagnostic ?

La tumeur est d’abord repérée au moyen d’un fibro­scope, un petit tuyau doté d’une caméra des­tinée à observ­er les cav­ités de l’organisme. L’examen s’appelle une « laryn­go­scopie », où le fibro­scope est inséré par la bouche, jusqu’à la zone de jonc­tion entre le phar­ynx et le larynx.

Le diag­nos­tic est ensuite con­fir­mé au moyen d’une endo­scopie réal­isée cette fois sous anesthésie générale afin de réalis­er des biop­sies de la tumeur, puis de l’analyse anato­mo-pathologique des cel­lules prélevées.

Afin de cern­er avec pré­ci­sion les con­tours de la tumeur, son niveau d’infiltration dans les tis­sus et les éventuelles métas­tases à dis­tance de l’hypopharynx, un bilan pré-thérapeu­tique est réal­isé. « Il com­prend au min­i­mum un scan­ner du cou et des poumons, com­plété éventuelle­ment par une IRM et un TEP scan­ner », pré­cise le chef du ser­vice ORL de l’hôpital Croix-Rousse.

Cette éval­u­a­tion du stade tumoral est essen­tielle pour pro­pos­er les meilleurs traite­ments pos­si­bles, adap­tés à chaque patient.

Quels traitements face à une tumeur hypopharyngée ?

Comme pour tout type de can­cers, les options thérapeu­tiques les plus per­ti­nentes sont étudiées au cours d’une réu­nion de con­cer­ta­tion pluridis­ci­plinaire, à laque­lle par­ticipent plusieurs pro­fes­sion­nels de san­té spé­cial­isés (onco­logue, ORL, radio­thérapeute, anato­mo-pathol­o­giste…). Le choix se fait en fonc­tion de nom­breux critères, tels que le stade de la tumeur, son ampleur, les métas­tases éventuelles, les tis­sus touchés, l’état de san­té générale, l’âge, etc. Les traite­ments listés ici sont donc don­nés à titre indi­catif et peu­vent dif­fér­er selon chaque cas particulier.

Pour les tumeurs de petit stade, il est pos­si­ble de pro­pos­er une chirurgie exclu­sive non-muti­lante, dont la voie d’accès peut se faire par la bouche ou par le cou, ou bien une radio­thérapie exclu­sive. Ces options per­me­t­tent de ne pas affecter la fonc­tion laryn­gée, soit la res­pi­ra­tion et la parole.

Il peut s’avérer néces­saire d’envisager des traite­ments un peu plus lourds, selon le stade et la local­i­sa­tion de la tumeur : par exem­ple une radio-chimio­thérapie ou bien une asso­ci­a­tion chirurgie + radio-chimio­thérapie.

« Dans le cas de tumeurs à un stade avancé, nous recher­chons tou­jours les options thérapeu­tiques qui auront le moins d’impact sur la qual­ité de vie, avec autant que pos­si­ble des straté­gies de con­ser­va­tion d’organe », informe le Pr Céruse. « Par exem­ple, cela peut être de ten­ter une chimio­thérapie pour réduire la tumeur, et si elle fonc­tionne bien de pour­suiv­re avec une radio­thérapie pour éviter la chirurgie. »

Pour les cas les plus graves, où la tumeur a pris trop d’ampleur, ces straté­gies de con­ser­va­tion d’organe ne sont plus envis­age­ables et le traite­ment con­sis­tera en une chirurgie lourde suiv­ie d’une radio-chimio­thérapie. Les traite­ments chirur­gi­caux des­tinés à résé­quer la tumeur néces­si­tent par­fois de pra­ti­quer une pharyn­go-laryn­gec­tomie totale, soit d’enlever les par­ties du phar­ynx et du lar­ynx touchées. Cette inter­ven­tion est asso­ciée à une recon­struc­tion pharyn­gée pour que les patients puis­sent remanger cor­recte­ment par la suite. 

« Le pre­mier sig­nal d’alerte à retenir est le trou­ble à la déglutition »

Effets secondaires, séquelles et qualité de vie après traitements

Glob­ale­ment, les effets sec­ondaires aigus des traite­ments sont les mêmes que pour toute autre local­i­sa­tion de can­cer : brûlures liées à une radio­thérapie ; nausées, vom­isse­ments, perte des cheveux pour une chimio­thérapie, etc.

Une radio­thérapie au niveau de l’hypopharynx peut aus­si provo­quer une sécher­esse buc­cale ou xéro­tomie, en lien avec une atteinte des glan­des sali­vaires qui vont ain­si pro­duire moins de salive (hyposialie voire asialie en cas d’absence totale de salive). Cet effet sec­ondaire a ten­dance à per­sis­ter dans le temps, de longs mois après l’arrêt des rayons. Dans cer­tains cas, il est définitif.

La radio­thérapie peut aus­si provo­quer une fibrose des mus­cles impliqués dans la dég­lu­ti­tion, avec pour con­séquence une dys­phagie plus ou moins mar­quée. Ici les dif­fi­cultés à avaler ne sont plus d’origine can­céreuse mais d’origine fonc­tion­nelle. Selon leur inten­sité, une adap­ta­tion de l’alimentation va s’imposer.

Pour les patients ayant dû subir une abla­tion d’une par­tie du lar­ynx et du phar­ynx, les séquelles sont les plus lourds. La recon­struc­tion ne con­cerne que le phar­ynx, afin de récupér­er la capac­ité de s’alimenter. Le lar­ynx, quant à lui, ne peut pas être recon­stru­it. Des tech­niques de réap­pren­tis­sage de la voix sont alors pro­posées aux patients : réé­d­u­ca­tion de voix œsophagi­en­ne ou tra­chéo-œsophagi­en­ne (dans le cas où le patient a aus­si subi une tra­chéo­tomie).

Les séquelles plus ou moins impor­tantes et leur impact sur la qual­ité de vie, dépen­dent forte­ment de l’ampleur de la tumeur ini­tiale et de la lour­deur des traitements.

Quelle surveillance après la guérison ?

Pour tous les patients, un exa­m­en clin­ique (sim­ple­ment en con­sul­ta­tion ORL) est recommandé :

  • tous les 3 mois la pre­mière année après l’arrêt des traitements ;
  • puis tous les 4 mois la deux­ième et la troisième année ;
  • puis tous les 6 mois la qua­trième et la cinquième année.

En com­plé­ment, un scan­ner du cou et du tho­rax (poumons) est pre­scrit tous les ans pour sur­veiller les rechutes.

Au-delà de ces 5 ans de sur­veil­lance rap­prochée, les patients n’ayant jamais bu ni fumé n’ont plus besoin d’être suiv­is. « Cette sit­u­a­tion reste assez excep­tion­nelle », recon­naît l’ORL Philippe Céruse. « Les anciens fumeurs et buveurs, qui con­stituent la grande majorité des cas, sont soumis à une sur­veil­lance plus rap­prochée en rai­son du risque d’un sec­ond can­cer métachrone, qui appa­raît par­fois des années plus tard à un autre endroit comme le lar­ynx, les poumons, la bouche… » Pour les per­son­nes ayant été exposées aux fac­teurs de risque tabac et/ou alcool, il est néces­saire de réalis­er un exa­m­en clin­ique ain­si qu’un scan­ner du cou et des poumons toute leur vie, au rythme d’une fois par an.

Pro­pos recueil­lis par Vio­laine Badie

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