Comment limiter l’impact fonctionnel et esthétique des cicatrices ?
La chirurgie des cancers de la tête et du cou laisse souvent des cicatrices. Pour les atténuer et limiter leur impact fonctionnel, il faut s’en occuper le plus tôt possible. On vous dit comment.
Après une chirurgie, la peau cicatrise en produisant du collagène à l’emplacement de la plaie. S’il n’est pas aidé, ce processus naturel peut créer une véritable barrière au sein de la peau, entravant les échanges entre les cellules. Au-delà de son aspect inesthétique, la cicatrice peut alors engendrer des troubles fonctionnels, limitant par exemple les amplitudes articulaires, provoquer des douleurs ou perturber le fonctionnement de certains organes… Autant de raisons qui font que votre chirurgien sera amené à vous prescrire des séances de rééducation et de massage chez un kinésithérapeute, prises en charge par la sécurité sociale.
La massothérapie des cicatrices est connue pour son efficacité́ en particulier si elle est appliquée précocément et complétée par des exercices actifs ou auto-passifs. À condition de prendre en charge toutes les zones cicatricielles, et pas seulement celles qui sont apparentes, ce qui permettra d’éviter au maximum les séquelles. « Il est possible d’intervenir à partir du moment où la cicatrice n’est plus inflammatoire et que les croûtes seront tombées, soit environ deux à trois semaines après l’intervention », précise Catheline Pérot, masseur-kinésithérapeute à Dourdan. Libre du choix de la technique, le thérapeute pourra recourir à des massages, manuels ou mécaniques, pour limiter les adhérences et les fibroses, rendre la peau plus souple et minimiser les phénomènes douloureux liés à la cicatrice. Si Catheline aime travailler manuellement avec ses dix doigts, elle a aussi recours à des ventouses et à l’endermologie®. « Avec mes mains, je peux exercer une tension sur la cicatrice, l’aider à se décoller pour gagner en souplesse et en longueur », précise-t-elle. « Avec l’appareil LPG®, on peut drainer, aspirer-relâcher — la technique du fameux « palper-rouler » -, en jouant avec les différentes tailles de tête et les fréquences : avec une petite fréquence, on redonne de l’élasticité, tandis qu’avec une très haute fréquence, on peut désensibiliser une zone douloureuse. En plus de l’effet antalgique, cela procure une grande détente aux patients ».
L’évolution d’une cicatrice se fait sur douze à dix-huit mois et l’on peut intervenir… toute la vie !
Ayant plus d’une corde à son arc, le masseur-kinésithérapeute pourra également proposer des étirements passifs et dynamiques, pour diminuer l’hypertrophie, particulièrement efficaces en cas de cicatrice rétractile (rigide). Mais aussi des mobilisations pour compenser le manque de souplesse occasionné par la cicatrice. Pour compléter, il pourra vous demander de reproduire certains exercices chez vous, pour entretenir et accélérer le travail réalisé durant la séance : étirement de la cicatrice (voir encadré Automassage), mouvements des épaules… N’hésitez pas à filmer son geste !
Cure thermale : un bon coup de pouce !
Pour atténuer les séquelles cicatricielles, certains choisissent les bienfaits d’une cure thermale. En France, neuf stations proposent l’orientation Dermatologie. Parmi elles, La Bourboule : « La cure thermale Dermatologie spécifique au traitement des lésions cutanées post-cancer a notamment pour but d’améliorer la cicatrisation, d’éviter les adhérences et les brides cicatricielles qui peuvent limiter les mouvements, d’estomper les cicatrices et d’aider la peau à retrouver sa souplesse après un traitement du cancer », explique le Dr Christophe Landrieau, médecin généraliste et mésothérapeute, spécialisé en médecine thermale. « Après un bilan avec le patient, selon les objectifs, nous prescrivons quatre soins quotidiens soit au total 72 soins sur 18 jours ».
Les techniques thermales associent :
- Des douches filiformes, générales ou localisées et adaptées à chaque patient et à chaque cicatrice (pratique médicale créée à la Bourboule). Elles permettent, selon la pression, un nettoyage délicat des cicatrices inflammatoires et douloureuses, un remodelage mécanique de la cicatrice, un drainage des œdèmes et un assouplissement des brides. La douche filiforme va également réduire les dysesthésies (diminution ou une exagération de la sensibilité), paresthésies (fourmillements) et démangeaisons.
- Des douches générales à pression modérée.
- Des pulvérisations locales ou générales.
- Des bains simples ou aérogazeux à durée variable selon l’âge et la résistance de la cicatrice. Ils permettent notamment une mobilisation active et non douloureuse des articulations.
- Des massages sous affusion réalisés par des kinésithérapeutes spécialisés dans la prise en charge des cicatrices cutanées. Ils permettent une mobilisation manuelle et indolore de la cicatrice pour améliorer l’élasticité tissulaire et ainsi la mobilité articulaire.
- L’application d’émollients sur certaines zones pour les ramollir.
- Une cure de boisson d’eau thermale qui permet l’absorption d’éléments spécifiques anti-inflammatoires et anti-radicalaires.
Résultats ? Le processus cicatriciel est favorisé grâce aux nombreux minéraux présents dans l’eau. Au contact de l’eau thermale, en plus de la diminution des démangeaisons, « la couleur de la cicatrice s’estompe, l’inflammation et le volume des cicatrices s’atténuent, les adhérences au tissu sous cutané diminuent et la peau retrouve de l’élasticité », constate Marie-Christine Barbazange, masseur-kinésithérapeute au centre thermal. Non contents d’être visibles à l’œil nu, ces effets ont un impact positif sur le moral des patients. Parallèlement aux soins de la cure, de nombreuses activités complémentaires sont proposées : activité physique adaptée — le « fameux » sport sur ordonnance -, divers ateliers d’éducation thérapeutique comme l’hygiène-hydratation, l’alternative au grattage ou encore de la relaxation, un atelier de maquillage médical correcteur pour apprendre à dissimuler les disgrâces transitoires ou permanentes. Au-delà des soins, la cure thermale post-cancer joue un rôle majeur dans l’amélioration de l’estime de soi.
Propos recueillis par Céline DUFRANC
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En pratique
- Comment ? Prescrite par le médecin ou le chirurgien ORL, pour obtenir une prise en charge par la Sécurité sociale, il suffit de remplir un formulaire1 et de le renvoyer à la caisse d’assurance maladie : la cure dure 3 semaines. Un simple certificat de non contre-indication suffit pour une cure courte (1 à 2 semaines mais… non remboursée).
- Où faire sa cure ? 9 stations thermales en France possèdent l’orientation Dermatologie : La Bourboule, Saint-Gervais, Molitg-les-Bains, Neyrac-les-Bains, Avène-les-Bains, Rochefort, La Roche-Posay, Uriage-les-Bains, Saint-Gervais-les-Bains. (Trouver sa cure ici)
1 cerfa.vos-demarches.com/particuliers/cerfa-11139.pdf
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3 conseils
*En cas de cicatrice douloureuse, le froid est un très bon analgésique. Vous pouvez donc appliquer des glaçons, entourés d’un tissu, sur votre cicatrice.
*Évitez de gratter vos cicatrices et de les nettoyer au savon de Marseille, d’Alep ou au savon noir. Choisissez des produits lavants doux, au pH légèrement acide, environ 5,7 (demandez conseil à votre pharmacien).
*N’exposez pas vos cicatrices au soleil, durant un an, hiver compris. Pour les préserver des UVA et des UVB, protégez-les avec un pansement occlusif ou appliquez une crème solaire SPF 50+. Pensez à renouveler l’application toutes les deux heures.
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Témoignage
« Les massages kiné, c’est pour la vie ! »
Sylvie
Mes nombreuses opérations ont laissé des cicatrices douloureuses au niveau du cou, de la joue gauche ainsi que du poignet gauche, où l’on a pris le lambeau antébrachial. Raison pour laquelle mon chirurgien plasticien m’a prescrit des massages. Pour le moment, j’ai droit à deux séances par semaine et cela risque d’être à vie ! Ma kiné privilégie le cou. C’est l’endroit le plus douloureux. En plus des massages manuels, elle utilise le LPG®, en tâtonnant en fonction de mes crispations et des réactions cutanées. Certains endroits sont à la limite de la douleur. Pour d’autres, c’est incroyable mais les informations sont envoyées dans mon oreille. Ce qui est très déstabilisant ! On vous touche le cou et vous recevez le message douloureux dans l’oreille. Heureusement, après l’effort, le réconfort ! Le massage du cou et de la tête en fin de séance sont un moment de plaisir mais… il y a cependant des gestes qui ne sont pas très agréables. Notamment quand ma kiné tente de remettre ma tête dans l’axe car les chirurgies me font dévier à gauche parait-il. Elle étire mes cervicales… pour que je grandisse ! Et oui, même à 63 ans, c’est possible !
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Auto-massage : mode d’emploi
L’un des secrets d’une jolie cicatrice, c’est la mobilisation des tissus. Avec l’aval de votre chirurgien, vous pouvez commencer à « bouger » votre cicatrice le plus tôt possible. Pour mieux comprendre l’intérêt, imaginez votre cicatrice comme un iceberg : il y a la partie visible à l’extérieur et l’autre partie à l’intérieur. Votre cicatrice sera plus « belle » et « invisible » à l’extérieur si vous la travaillez de l’intérieur. Procédez par étape, et en douceur : attendez que tous les points soient tombés pour commencer à faire bouger votre cicatrice.
1ère étape (sur 5 jours) : effleurez votre cicatrice et toute la zone alentour pendant 1 minute, 2 fois par jour. Vous allez ainsi apprendre à la connaître et vous remarquerez que certaines zones sont plus dures que d’autres. Si la sensation vous gêne sous les doigts, utilisez un tissu léger ou une gaze.
2ème étape (sur 5 jours) : exercez de petites pressions (sans douleur) toujours pendant 1 minute, 2 fois par jour, en insistant sur les zones plus denses, de manière à les ramollir.
3ème étape (sur 5 jours) : pincez (très doucement) la cicatrice pour la « décoller » d’abord perpendiculairement, puis dans le sens de la cicatrice. Etirez doucement la cicatrice dans le sens de la longueur, en faisant glisser les doigts dans le sens opposé.
4ème étape : hydratez… mais au bon moment ! Pour que vos doigts puissent bien saisir la peau, n’utilisez pas de corps gras lorsque vous étirez et mobilisez les tissus. Mais vous pouvez terminer votre séance par un petit massage doux, en appliquant une huile, un baume, une crème hydratante ou épidermisante, en fonction du besoin du moment. Là encore, votre kiné sera de bon conseil pour choisir le produit adéquat.
>N’oubliez pas de répéter les 3 techniques vues auparavant pendant 3 minutes, 2 fois par jour.