Une belle histoire de restaurant

“Depuis que j’ai eu l’immense priv­ilège de renon­cer à l’alimentation par la bouche pour bas­culer dans l’univers mer­veilleux de l’entéral, j’ai par la force des choses aban­don­né l’idée d’aller au restau­rant, ne me voy­ant pas déballer mon atti­rail devant le regard inter­loqué des autres clients. Non, vrai­ment, je n’arrivais pas à me projeter.

Pour­tant, avec le temps et l’acceptation de ma sit­u­a­tion, j’ai fini par me dire : mais pourquoi pas ? Il n’y a aucune rai­son que je reste défini­tive­ment exclu de cette com­posante de notre vie quo­ti­di­enne, surtout dans le pays de la bonne bouffe. Alors, après de longues dis­cus­sions, j’ai fini par con­va­in­cre mon épouse que ce serait chou­ette d’aller fêter mon anniver­saire au restau­rant, en amoureux. J’avais envie de revivre cette ambiance.

Mathieu LB-restaurant

Nous sommes au ski, à Val Thorens, la veille de mon anniver­saire, par­tis à la recherche d’un restau­rant qui accepterait de nous accueil­lir en dépit de mon hand­i­cap. Ou plutôt de la con­trainte qu’il induit : deman­der au restau­ra­teur de me pré­par­er des ali­ments mixés suff­isam­ment fine­ment pour que je puisse me les injecter avec ma seringue. Rien de bien com­pliqué, non ? 

Eh bien il faut croire que si, car le pre­mier dans lequel nous sommes entrés nous a poli­ment écon­duits, arguant qu’avec le monde qu’il y a, ils n’ont pas le temps de faire du spé­ci­fique. Nous n’avons pas insisté, sen­tant que nous n’étions pas les bien­venus. Je dois dire que mon épouse l’a mal vécu. Mais nous n’avons pas renon­cé, et un peu plus loin, nous nous arrê­tons devant la carte d’un autre restau­rant, à la recherche de quelque-chose qui pour­rait me convenir. 

Il est clair que même mixée, une tar­ti­flette ou une fon­due auront du mal à se fray­er un chemin jusqu’à mon estom­ac. Mais une soupe, par exem­ple, pas de prob­lème. Alors juste­ment, la carte en pro­pose deux, dont une « soupe du jour » qui éveille notre curiosité. Nous entrons. Nous tombons sur le patron, un homme accueil­lant, qui nous écoute, souri­ant. Il nous demande alors de l’attendre, il file à la cui­sine, et revient avec un bol de cette fameuse soupe du jour, pour me deman­der si la con­sis­tance me con­vient. Que dire de plus ? Nous réser­vons donc pour le lende­main. Et nous ressor­tons, soulagés et ent­hou­si­astes, ravis d’avoir trou­vé quelqu’un qui nous a écoutés et compris.

Et nous n’avons pas été déçus. A peine arrivés et instal­lés à notre table, une serveuse vient nous voir, et rapi­de­ment, nous com­prenons qu’elle a été briefée par son patron. Quand nous avons choisi de pren­dre un cock­tail sans alcool, elle m’a pro­posé de retir­er les feuilles de men­the afin que je puisse l’injecter sans prob­lème. Ensuite la soupe, et au moment du dessert, auquel je n’avais pas réfléchi, elle me pro­pose de pren­dre des boules de glace fon­dues. Tout sim­ple­ment. Evidem­ment servies en musique, bougie et joyeux anniver­saire, tout le restau­rant a applau­di, bref un moment délicieux.

Com­ment dire ? Nous avons passé une soirée inou­bli­able, toute sim­ple, et ce grâce à la bien­veil­lance et la com­préhen­sion d’un restau­ra­teur qui a une haute idée de son méti­er : le service. 

Je pense que nous avons défini­tive­ment fait sauter cette bar­rière psy­chologique, et que désor­mais, la seule dif­fi­culté sera de trou­ver d’autres restau­ra­teurs avec la même ouver­ture d’esprit. Je suis cer­tain que nous y arriverons.”

Math­ieu Lecompte-Boinet – Avril 2024

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