« J’espère récupérer complètement mon audition »

À l’âge de 37 ans, Guil­laine, maman d’une petite Bil­lie de 7 ans, a été touchée par un can­cer de la base de la langue. Ses traite­ments, très lourds, lui ont lais­sé des séquelles, surtout au niveau de l’audition. Chanteuse et pro­fesseur de musique à Namur en Bel­gique, elle racon­te sa descente aux enfers et sa renaissance. 

guillaine

« Tout a com­mencé par la décou­verte d’un kyste dans le cou en févri­er 2023. Il n’était pas douloureux. Opérée le 2 juin, le 9 juin 2023, tout s’écroule… Le chirurgien m’annonce que je suis atteinte d’un car­ci­nome épi­der­moïde de la base de langue induit par le HPV16. Rapi­de­ment, on sort l’artillerie lourde : trois cures de chimio (cis­pla­tine), 35 séances de radio­thérapie et d’autres opéra­tions. C’est une plongée dans l’enfer. Je souf­fre énor­mé­ment. Heureuse­ment, mon entourage s’occupe de ma fille Bil­lie. Le 24 juil­let, je com­mence la radio­thérapie et je reçois ma pre­mière cure de chimio. Je passe la nuit à l’hôpital. Le lende­main, je suis heureuse de pou­voir ren­tr­er chez moi. Mais le soir-même, c’est la cata. Mes oreilles com­men­cent à bour­don­ner, comme si j’étais restée col­lée à un baf­fle pen­dant un con­cert. Au début, je ne m’inquiète pas plus que ça. Ce doit être un effet sec­ondaire de la chimio. Mais deux jours plus tard, mon état se dégrade con­sid­érable­ment. Je me sens vrai­ment partir.

À moitié con­sciente, je me retrou­ve aux urgences : en plus d’une très forte diminu­tion de l’au­di­tion, je souf­fre d’une insuff­i­sance rénale qua­si totale, d’une hépatite, d’une pan­créatite. Mon corps doit être mis à l’arrêt. C’est la sidéra­tion. Les médecins ne com­pren­nent pas ce qui m’arrive… Les dial­y­ses s’enchaînent. Ne par­venant plus à me nour­rir, je perds beau­coup de poids. Je ne me recon­nais plus. N’ayant même pas la force d’aller faire ma radio­thérapie seule, on fai­sait rouler mon lit, puis mon fau­teuil roulant. Je suis dev­enue l’ombre de moi-même au point de me deman­der : « à quoi bon vivre dans cet état » ? 

Heureuse­ment, grâce aux traite­ments, mon état a fini par s’améliorer et j’ai pu ren­tr­er chez mes par­ents. Mais c’est à ce moment-là que j’ai décom­pen­sé. Cela fai­sait vrai­ment beau­coup en peu de temps. À cause de l’hyperacousie et de ma faib­lesse, je ne sor­tais presque plus. Les bruits du quo­ti­di­en comme ceux des cou­verts qu’on dépose sur une table, des gouttes d’eau qui tombent dans la douche, des cris d’enfants, des klax­ons me bles­saient lit­térale­ment les oreilles. Moi qui suis d’une nature très socia­ble, rieuse, je m’isolais de plus en plus, enfer­mée dans mon corps et dans le silence, protecteur. 

J’ai fini par pren­dre ren­dez-vous avec le meilleur ORL de la région. Après l’audiométrie, il m’a ten­du une petite boîte dans laque­lle se trou­vaient des appareils audi­tifs en me dis­ant, « si votre audi­tion ne revient pas d’ici 6 mois, c’est mort ». Cela a été le jour le plus dur de ma vie. Mais de quoi me par­lait-il ? Comme ma voix, mon audi­tion fait par­tie de mon out­il de tra­vail. Là, j’ai com­plète­ment craqué. En arrivant à l’hôpital pour une séance de réhy­drata­tion par per­fu­sion, quand l’infirmière m’a demandé com­ment j’allais, j’ai fon­du en larmes. Elle a aus­sitôt prévenu mon onco­logue. Sen­tant que j’abandonnais, elle m’a pro­posé une nou­velle hos­pi­tal­i­sa­tion pour me remet­tre sur pied physique­ment et psychiquement.

Comme ma voix, mon audi­tion fait par­tie de mon out­il de travail.

Un protocole unique

C’est alors qu’une amie m’a par­lé d’un insti­tut privé capa­ble de guérir l’hyperacousie à La Rochelle. J’ai tout de suite pris con­tact par télé­phone. Pour la pre­mière fois, je me suis sen­tie com­prise, enten­due, prise en con­sid­éra­tion… Quelques semaines plus tard, je me suis ren­due là-bas afin d’effectuer un pre­mier bilan audi­tif qui a duré six heures. J’ai tout de suite été séduite par la dou­ble thérapie, à la fois audi­tive et émo­tion­nelle, créée par une audio­pro­thé­siste. Le pro­gramme dure 7 semaines, répar­ties sur env­i­ron 4 mois mais il peut aller au-delà si néces­saire. For­cé­ment, cela a un coût : 7 000 €. Pour pou­voir le financer avec le trans­port, le loge­ment, la nour­ri­t­ure, j’ai lancé une cagnotte. Franche­ment, je ne m’attendais pas à béné­fici­er d’un tel élan de sol­i­dar­ité, c’était inespéré, et je remer­cie chaque dona­teur tous les jours ! 

Ces semaines de soin ont été intens­es. La thérapie audi­tive com­pre­nait 35 séances de 2h d’é­coute de musique clas­sique et de chants gré­goriens. Pour réé­du­quer l’oreille, les fréquences sont mod­i­fiées en fonc­tion du sché­ma hyper­a­cousique et acouphénique de cha­cun*. En par­al­lèle, on béné­fi­cie d’une prise en charge d’un point de vue émo­tion­nel, de la psy­cho-généalo­gie prin­ci­pale­ment, un out­il de ges­tion voire de dis­so­lu­tion des émo­tions et des sen­sa­tions désagréables qui per­sis­tent de l’hy­per­a­cousie, un peu comme un dernier nettoyage. 

Résul­tat ? À la fin du pro­gramme, l’hy­per­a­cousie, qui m’handicapait le plus, avait presque dis­paru à 100% ! Une belle vic­toire qui sig­ni­fie que je peux revivre comme avant et que presque plus aucun son n’est agres­sif pour mes oreilles. Reste les acouphènes. Ils sont tou­jours là, comme un chuin­te­ment per­ma­nent (60 déci­bels) mais ils ne m’empêchent pas de vivre : je dors bien, je peux me con­cen­tr­er… C’est plutôt quand je suis dans le silence que je les sens le plus mais cela n’ar­rive pas beau­coup en journée car je suis bien occupée ! Con­cer­nant les 25% de perte audi­tive, la plu­part des médecins pensent que cela ne revien­dra pas. Mais moi, je veux y croire ! Mon corps va trou­ver le moyen de régénér­er ces cel­lules abîmées par la cis­pla­tine. J’ai con­fi­ance en mon corps et en mes capac­ités. En atten­dant, mes appareils audi­tifs m’aident beaucoup. 

Se réinventer, oser rayonner 

Même s’il y a eu des moments très durs, j’ai retiré une force extra­or­di­naire de cette expéri­ence avec le can­cer.

Aujourd’hui, en plus d’avoir repris goût à la vie, j’ai repris toutes mes activ­ités ! Et des pro­jets, j’en ai plus qu’il n’en faut ! Je mène de front ma dernière année de Mas­ter en édu­ca­tion musi­cale, une for­ma­tion en accom­pa­g­ne­ment indi­vidu­el, une autre en chant thérapeu­tique, une troisième en con­stel­la­tions sys­témiques et famil­iales. J’ai égale­ment un pro­jet autour du chant avec une amie. Sans oubli­er mon envie d’être bénév­ole chez Coras­so, asso­ci­a­tion décou­verte durant mon par­cours, pour faire cir­culer une parole juste et apporter du mieux-être. Même s’il y a eu des moments très durs, j’ai retiré une force extra­or­di­naire de cette expéri­ence avec le can­cer. Je sens que je vais créer quelque chose… Je ne sais pas encore quoi mais quelque chose de beau en ressor­ti­ra ! Mon dernier scan­ner de con­trôle, en juin était nick­el. Bien que les médecins ne pronon­cent pas le mot de guéri­son, moi, je me dis que je suis guérie. C’est ma croy­ance. »

Pro­pos recueil­lis par Céline Dufranc

*L’objectif est de dimin­uer les réac­tions d’hyperactivité des sys­tèmes nerveux (autonome et lim­bique) dans le cadre des acouphènes et de per­me­t­tre d’accroitre la dynamique sonore en aug­men­tant la plas­tic­ité des réseaux neu­ronaux sub­con­scients stim­ulés dans le cadre de l’hyperacousie.

Décou­vrir les somptueuses mélodies de Guil­laine dans son pod­cast Cou de Tête

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