Marcher contre les cancers ORL
En 2023, Marie, 25 ans, remarque une petite tache rouge sur sa langue. Tout en la rassurant, son dentiste l’oriente vers un ORL à Dole, qui réalise une biopsie. Quelques jours plus tard, et bien que le compte-rendu mentionne des lésions précancéreuses, le résultat est jugé « sans gravité ».
La lésion persiste et devient douloureuse. Un jour de novembre 2024, le visage de Marie se met à gonfler subitement alors qu’elle est en train de manger. Sa langue est très rouge et douloureuse. Après un passage aux urgences, à la maison médicale de garde, chez son médecin traitant puis un nouvel ORL, le diagnostic tombe : herpès. Le traitement qu’on lui prescrit se montre efficace.

Mais quelques semaines plus tard, les symptômes reviennent et s’aggravent : infection de la langue, douleurs intenses, incapacité à parler ou manger. Marie tente en vain de recontacter son ORL pendant deux mois. Son médecin généraliste finit par lui prescrire une nouvelle biopsie chez un autre spécialiste. Le 11 mars, après sept mois d’errance thérapeutique, Marie a enfin rendez-vous. Quinze jours plus tard, les résultats de la biopsie sont sans appel : carcinome épidermoïde de stade 1. Un tsunami pour Marie. « Même si je m’y attendais, et que l’annonce a été faite avec douceur et bienveillance, je me suis effondrée en larmes », confie-t-elle. Je ne voulais pas mourir. Apprendre que l’on a un cancer à 27 ans, c’est terrible. Les questions se bousculent : quelle place donner à la maladie dans sa vie ? Est-ce que je le dis aux autres ? A qui ? Pour ma part, je ne voulais pas que cela devienne le centre de ma vie ».
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Les choses vont aller très vite. L’opération est programmée le 7 avril. « On m’a coupé un petit bout de langue, en prenant une marge d’un centimètre autour de la lésion », explique-t-elle. Aujourd’hui, ma langue est juste un peu plus fine. Elle ressemble à une virgule. ». Marie est vraiment soulagée : elle peut parler ! Car sa phobie, plus que perdre ses cheveux, c’était de ne plus pouvoir parler. « C’est toute ma vie de parler aux autres. Mon travail d’assistante sociale auprès de femmes victimes de violence conjugales repose en grande partie là-dessus ». Très engagée, son objectif est de retourner travailler le plus vite possible. Sa vie d’avant lui manque : « Être obligée de mettre ma vie sur pause a été assez compliqué pour moi. Même si j’étais très soutenue par mes collègues, mes amis, ma famille et mon conjoint, je ne me sentais pas très utile ».
Donner du sens
Loin de son association, la période est propice à l’introspection. « La maladie m’a rappelé la fragilité de la vie, mais aussi la force qu’on peut trouver en soi pour continuer à avancer. J’ai compris qu’être en bonne santé était un privilège. Et c’est avec un regard nouveau que j’ai choisi de ne plus considérer mes capacités physiques comme acquises, mais comme une chance à honorer ». Elle se lance donc un défi à la fois personnel et symbolique : entreprendre le chemin de Compostelle. « J’avais lu le livre « Plus jamais sans moi » de Maud Ankaoua et une amie l’avait fait. Alors pourquoi pas moi ? ». D’autant que Guillaume, son conjoint, l’accompagnera. Motivés, ils s’entraînent durant l’été. Le sac à dos est prêt. Il pèse 8 kilos. « Nous sommes partis du Puy en Velay le 18 septembre et nous avons atteint Saugues le 22 septembre ». Si marcher ne fait pas partie des habitudes de la jolie brunette, « chaque pas va représenter une victoire, une façon de célébrer la vie et d’honorer ce que j’ai retrouvé ». Mais le projet ne s’arrête pas à sa propre histoire. Pour lui donner un sens, la jeune femme veut soutenir la lutte contre les cancers ORL. Elle lance donc une cagnotte sur HelloAsso une semaine avant le départ : « Les fonds récoltés étaient destinés à Corasso », précise-t-elle. Quand je faisais des recherches sur mes symptômes, j’y avais trouvé beaucoup de réponses ».
« Un kilomètre à pied… »

Le fait de marcher chaque jour permet à Marie de vivre dans le moment présent. Elle peut se concentrer sur la beauté des paysages, l’air, la pluie… mais également ses sensations : « Quand c’était difficile, que ça montait un peu et que je croisais des personnes de 70 ans, « bon pied bon œil », je me disais, « si eux le font, tu vas y arriver ». Même si parfois la fatigue se fait sentir et qu’elle s’endort à table le deuxième soir, petit pas après petit pas, Marie trace son chemin. 15 kilomètres par jour. Près de 50 au total. La boucle est bouclée. Le défi relevé.
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« Quand je suis rentrée chez moi, je ne me suis jamais sentie aussi sereine de toute ma vie. Détendue, ouverte au monde, positive, forte, avec l’envie de repartir bientôt sur le chemin. Cette parenthèse, aussi courte soit-elle, a été l’une des plus belles expériences de ma vie : en plus de me révéler à moi-même, cela m’a permis de me sentir plus vivante ». Quand elle a fermé la cagnotte, Marie n’en revenait pas : « Je suis tellement reconnaissante à toutes ces personnes qui ont donné pour cette cause qui me tient tellement à cœur. Cela m’a redonné donné foi en l’humanité ! ».
Aujourd’hui, Marie est pleine de projets : terminer la portion de Saint-Jacques de Compostelle, acheter une maison avec son amoureux et être heureuse, tout simplement. Elle souhaite aussi sensibiliser les autres sur les dangers de l’errance médicale : « Si je n’avais pas insisté, je ne serais peut-être pas là aujourd’hui. Quand on sent que quelque chose ne va pas, et que cela dure plus longtemps que la normale, il ne faut pas lâcher ». Après en avoir parlé avec sa psychologue, pour aller jusqu’au bout de son expérience, Marie a écrit une lettre très forte à l’ORL qui n’a pas su l’écouter. Elle y relate, point par point, ce qui lui est arrivé. L’idée n’étant pas de la rendre responsable mais de la responsabiliser. « Cela m’a fait beaucoup de bien. J’espère que mon expérience pourra aider les autres. »
Propos recueillis par Céline Dufranc
POUR ALLER PLUS LOIN :
- L’Aventure Vagabonds de Maxime Blanc





