HAD : l’hôpital à la maison, c’est pour moi ou pas ?
Recevoir ses traitements et ses soins à la maison, c’est le principe de l’hospitalisation à domicile. Avantages et inconvénients de cette alternative à l’hospitalisation classique.

Selon l’enquête Viavoice réalisée en 2017 pour la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile, 81 % des Français seraient favorables à une hospitalisation à domicile si leur médecin leur proposait, à condition que les conditions de sécurité soient réunies. Dans le même temps, 49 % craignent d’être une charge pour leurs proches. Sachant qu’une journée d’hospitalisation à domicile coûte quatre fois moins cher qu’une hospitalisation « classique », ce mode d’hospitalisation, qui permet de raccourcir la durée de séjour à l’hôpital, participe au “virage ambulatoire” inscrit dans la loi de modernisation de notre système de santé.
C’est quoi ?
L’hospitalisation à domicile s’adresse aux malades qui ont besoin de soins aussi lourds et complexes que ceux qui sont dispensés dans un hôpital classique. La différence, c’est qu’ils restent « chez eux ». Que ce soit à leur domicile, dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou un établissement social ou médico-social. Reconnue par la loi en France depuis 1970, et largement encadrée, l’HAD permet d’assurer une prise en charge médicale, paramédicale et psychosociale coordonnée de niveau hospitalier, pour une période limitée mais révisable en fonction de votre état de santé.
Principal avantage ? Vous pouvez continuer à vivre dans votre environnement habituel, avec vos petites habitudes, et profiter de la présence de vos proches et animaux de compagnie. Outre l’aspect réconfortant et pratique (on évite la fatigue des déplacements), vous évitez certains désagréments d’un séjour à l’hôpital : environnement anxiogène, bruits dans les couloirs, dîner à 18h, et le risque de contracter une maladie nosocomiale.
Pour qui ?
Quel que soit votre âge, que vous soyez en consultation chez votre médecin généraliste ou lors de votre séjour à l’hôpital, vous pouvez vous voir proposer l’HAD. Vous pouvez aussi la demander mais c’est le médecin qui va évaluer le rapport bénéfice/risque et la possibilité d’effectuer vos soins et traitements à domicile. Si vous habitez seul, l’HAD peut demander à mettre un système de mise à disposition des clefs telle qu’une boite à clef avec votre accord et à votre charge, pour que les différents intervenants puissent avoir accès à votre domicile. Il faut que votre état soit suffisamment stable et ne nécessite pas d’accès immédiat à un bloc opératoire en cas de complications, une salle de scanner ou d’IRM.
Quels traitements peut-on réaliser à domicile ?
La plupart des traitements sont réalisables en HAD : surveillance post-chirurgicale, surveillance en cours de chimiothérapie ou de radiothérapie chez les sujets fragiles, soins techniques (traitements anticancéreux injectables, perfusions, nutrition artificielle, pansements complexes par exemple pour des plaies qui ont du mal à cicatriser), traitement de lutte contre la douleur, kinésithérapie, orthophonie… mais aussi les soins palliatifs. Toutes les structures d’HAD étant autorisées par l’Agence régionale de de santé dont elles dépendent, la qualité et la sécurité des soins, sont les mêmes qu’à l’hôpital.
Pratique : vous n’avez aucune démarche administrative à effectuer. Matériel et médicaments sont fournis et livrés à domicile — sauf si les traitements ne sont pas remboursés par la sécu, sont à louer, ou les protections de change-
Dans quelles conditions ?
La décision de mettre en œuvre une hospitalisation sur votre lieu de vie est réalisée en deux étapes. La prescription est faite par le médecin hospitalier en sortie de séjour ou par le médecin traitant. Ils orientent vers l’HAD la plus proche géographiquement du patient (il en existe plus de 200 en France). L’équipe de coordination de l’HAD vient vous voir pour évaluer la faisabilité de la prise en charge. Elle s’intéresse à l’environnement, en particulier aux proches partageant le logement, et recense les éventuels besoins (lit médicalisé, stockage de médicaments dans un endroit sécurisé, nutrition parentérale, lève-personne etc.). À l’issue de l’évaluation, si la prise en charge s’avère possible, un protocole de soins est élaboré. Dès sa validation par le médecin coordonnateur de l’HAD, le planning d’interventions des différents professionnels de santé s’organise et les aides techniques installées chez vous. Un classeur vous sera remis afin de regrouper les ordonnances vous concernant et permettant également d’assurer les transmissions des soignants. Les soins médicaux et paramédicaux sont assurés par une équipe multidisciplinaire 7 jours sur 7. Néanmoins, les soignants n’étant pas en mesure de rester auprès des malades toute la journée et/ ou la nuit, si leur situation médicale/sociale, ne leur permet pas de rester seul‑e, une autre solution devra être envisagée. Il est possible de joindre une astreinte téléphonique 24h/24h. De son côté, le médecin traitant assure le suivi du malade à son domicile tandis qu’une infirmière de coordination assure les relations entre les différents services de l’hôpital : consultations, traitements, etc. Si le patient change d’avis, ou que son état d’aggrave, un transfert à l’hôpital peut être décidé.
Quelles sont les limites de l’HAD ?
Faire entrer l’hôpital à la maison peut avoir des conséquences pour le proche qui a une place majeure dans l’accompagnement de la personne malade au quotidien. Sans pour autant se substituer aux soignants, il peut être amené à acquérir de nouvelles compétences, comme reconnaître des signes inhabituels, surveiller l’efficacité d’un traitement contre la douleur, etc. Ce qui peut être « lourd » à gérer.
Comment limiter les inconvénients de l’HAD ?
Avant toute décision, il est important de bien anticiper la période d’hospitalisation en s’assurant que ce mode de soins est vraiment en accord avec les souhaits du patient et peut s’appuyer sur l’entourage. Il faut accepter de déléguer au maximum aux professionnels de santé et essayer de s’organiser. Pour que la maison ne se transforme pas en hôpital ambulant, mieux vaut prévoir de la place pour le stockage des produits et du matériel nécessaires. Voir arriver des cartons de médicaments peut être perturbant, particulièrement pour les enfants. Autre piste si l’HAD se prolonge, essayez de trouver des solutions de répit, en vous faisant remplacer quelques jours, histoire de souffler un peu. Il existe des ressources pour soutenir les proches aidants, sur les aspects financiers, psychologique et social :
- l’allocation journalière du proche aidant (AJPA) prévoit l’indemnisation de la personne qui cesse son activité professionnelle pour s’occuper d’un proche en situation de perte d’autonomie ;
- les plateformes d’accompagnement et de répit soutiennent les proches aidants avec divers services d’information, de conseil et l’organisation d’activités sociales et relationnelles
L’HAD est-elle pries en charge par la sécurité sociale ?
Au même titre qu’un séjour hospitalier, l’assurance maladie prend 100 % des dépenses de santé en charge lorsque vous êtes en ALD (affection longue durée).
Céline Dufranc
Pour en savoir plus :
INCA (institut national du cancer)
Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (un annuaire est proposé)
Merci au Dr Nathalie Ho Hio Hen du service Nutrition-SSR de Gustave Roussy à Villejuif pour sa précieuse collaboration.
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Témoignage
Caroline Maros
Lors de ma récidive ORL, j’ai subi une glossectomie totale le 20 septembre 2017. Hospitalisée à l’hôpital Saint Joseph pendant 6 semaines, puis transférée à l’hôpital Forcilles, je me suis accrochée de toutes mes forces. Mon objectif, c’était d’être avec mon fils pour son anniversaire. Au bout de six mois d’hospitalisation, avec quelques autorisations pour rentrer chez moi le week-end, j’étais à bout. À tel point que ma chirurgienne a décidé d’organiser une HAD. Cela été vraiment salvateur ! Un véritable accélérateur dans mon rétablissement et ma récupération. La cadre infirmière du service ORL a tout géré avec l’organisme DAC 92 Osmose à Clamart. Un médecin et une assistante sociale sont venus à la maison faire l’inventaire de mes besoins médicaux et sociaux. Ils ont géré la livraison de la machine pour mes poches, le pied et les poches de nutrition. Ils ont prévenu mon infirmier de mon retour à la maison, pour qu’il effectue mes soins au niveau de la trachéo et de la sonde. Le plus dur, ça a été de trouver un kiné et un orthophoniste nous-même. Mais rien n’étant impossible, j’ai donné une liste à ma mère qui les a appelés un par un. L’assistante sociale, qui a géré le dossier auprès de la MDPH de A à Z, a fait venir une personne de la MDPH à la maison. Ils ont été formidables ! Autant pour moi que pour mes aidants, mon mari et ma maman.
Pour moi, l’HAD a été synonyme d’un retour à la vie !
Concrètement, mes journées étaient rythmées par les visites à domicile des infirmiers, des kinés et de nombreux contrôles à l’hôpital. À la maison, j’ai pu faire tout ce dont j’étais privée à l’hôpital : être avec mon fils et mon mari, reprendre ma place d’épouse et de maman, recevoir la visite de mes proches et de mes amis (Forcilles était à plus de 2 heures de mon domicile…), dormir dans mon lit, sentir la douceur de mes draps, ne pas être réveillée par les infirmières et les bruits dans les couloirs, ne plus sentir les odeurs d’hôpital, mais celle du café le matin et de mes petits plats qui mijotent, sentir l’odeur de mon fils et me nourrir de son optimisme d’enfant, m’occuper de mon intérieur, caresser mon lapin adoré, retrouver mes vêtements, ne pas être cantonnée à une chambre de 9 mètres carré… La HAD a été tout simplement un retour à la vie !