Depuis quelques années, de nouveaux médicaments sont arrivés dans l’arsenal thérapeutique anti-cancéreux : les thérapies ciblées. Que sont-elles vraiment, quels sont les différentes molécules qui peuvent être prescrites pour soigner les cancers de la tête et du cou ?
Jennifer Kammerer, radiooncologue au Centre Eugène Marquis, vous explique.
De quoi s’agit-il ?
Une cellule cancéreuse, c’est une cellule du corps humain qui s’est multipliée anormalement, avec une (ou plusieurs) erreur dans son ADN. Elle a donc développé ce qu’on appelle une anomalie génétique. Une thérapie ciblée, c’est une molécule qui va cibler ces anomalies génétiques acquises dans les cellules cancéreuses. La thérapie ciblée va avoir pour objectif final de bloquer la prolifération de la cellule cancéreuse, c’est-à-dire l’empêcher de se multiplier et de proliférer.
Ces thérapies ciblées sont classées en deux catégories : les anticorps, qui vont s’attaquer à un récepteur à la surface de la cellule, et les inhibiteurs qui vont agir à l’intérieur de la cellule tumorale. À noter que les anticorps sont des molécules de synthèse intégralement produites en laboratoire, et ne sont pas produites par notre système immunitaire.
Quels sont les thérapies ciblées qui peuvent être prescrites dans les cancers de la tête et du cou ?
Le Cetuximab est un anticorps qui se lie à l’EGFR (un récepteur qui se situe à la surface des cellules, et qui est impliqué dans la prolifération des cellules). Lorsque l’anticorps vient se fixer sur le récepteur, la croissance cellulaire est inhibée et la cellule meurt. Cet anticorps peut être utilisé dans plusieurs situations : soit en association avec la radiothérapie dans le cadre de tumeurs localement avancées, soit en association avec une chimiothérapie « classique » dans le cadre de tumeurs métastatiques. Le Cetuximab est actuellement la seule thérapie ciblée prescrite dans les cancers de la tête et du cou, hors essai.
L’Entrectinib est un inhibiteur qui cible la protéine NTRK (mais pas que), une autre protéine permettant la prolifération des cellules cancéreuses. Cette molécule n’est pas prescrite uniquement dans la prise en charge des cancers de la tête et du cou, mais peut être prescrite dans toutes les situations où l’on retrouve une anomalie sur la protéine NTRK (cancers broncho pulmonaires, etc).
Les molécules en cours d’essai dans les cancers de la tête et du cou
De nombreux essais incluant des thérapies ciblées sont ouverts en France. Ils concernent les cancers ORL aux différents stades de la maladie (local ou métastatique). (liste non exhaustive)
Nom de l’essai | Traitement | Type de cancer |
BURAN | Buparlisib (AN2025) et Paclitaxel | Carcinome épidermoïde de la tête et du cou récidivant ou métastatique |
Etude MP0317-CP101 | MP0317 | Tumeurs solides avancées récidivantes ou réfractaires |
Etude MK-1454 | MK-1454 | Carcinome épidermoïde la tête et du cou non opérable, récidivant, ou métastatique |
Etude NIRADO | Dostarlimab et Niraparib | Tumeur présentant une mutation dans un gène de réparation de l’ADN |
Etude EBNA‑1 | VK 2019 | Cancer du rhinopharynx positif au virus Epstein-Barr |
Etude ABORL | Abemaciclib | Cancer de la tête et du cou localement avancé ou métastatique après échec d’une première ligne de traitement, avec délétion homozygote du gène CDKN2A et/ou amplification du gène CCND1 et du gène CDK6 |
Thérapies ciblées : quelle toxicité ?
Si ces thérapies ciblent des molécules anormalement régulées (souvent trop stimulées) dans les cellules cancéreuses, ces molécules persistent dans le cadre du fonctionnement normal des cellules. Par exemple, les thérapies anti VEGF vont cibler des récepteurs à la surface des vaisseaux, qui vont proliférer anormalement dans les tumeurs. Malgré tout, les vaisseaux sanguins ont physiologiquement besoin de VEGF pour les processus de cicatrisation. Le blocage de VEGF par les thérapies ciblées peut donc engendrer des effets indésirables : saignements, hypertension artérielle, difficultés de cicatrisation, etc …. Ainsi comme pour tout traitement de chimiothérapie, ou d’immunothérapie, ces médicaments nécessitent une surveillance régulière par votre médecin, et peuvent nécessiter au besoin une diminution de dose, en cas d’effet indésirable.