Face aux symptômes | Table ronde du 7 novembre 2023

Retour en pro­pos et en images de la con­férence de presse pour la toute nou­velle cam­pagne de sen­si­bil­i­sa­tion Face aux symp­tômes de Coras­so, lancée le mar­di 7 novem­bre 2023.

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LES INTERVENANTS

  • Vin­cent Olivi­er : Ani­ma­teur et modérateur
  • Sab­ri­na Le Bars, Prési­dente et Co-fon­da­trice de Corasso
  • Géral­dine Lescaille, Pro­fesseure, Chirurgi­en­ne ORAL à l’Hôpital la Pitié-Salpêtrière
  • Haitham Mirghani, Pro­fesseur, Chirurgien ORL à L’Hôpital Georges Pompidou
  • Émi­lie Car­ré, Secré­taire de Corasso
  • Antoine Masse, Mem­bre de Corasso
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Questions à Sabrina Le Bars, Présidente et co-fondatrice de Corasso

Il y a de nom­breuses idées reçues autour des can­cers ORL, notam­ment sur le fait qu’ils ne con­cer­nent que les hommes âgés ayant une con­som­ma­tion d’alcool et de tabac impor­tante. La ques­tion qui se pose est la case dans laque­lle on met les patients. On définit un « pro­fil type » qui pose ques­tion. Même si ce pro­fil type d’homme plutôt âgé et fumeur représente 60% des cas, c’est une idée qui reste encore trop ancrée. Et cela com­plique le diag­nos­tic des plus jeunes, comme en témoignent les patients à nos côtés aujourd’hui et ma pro­pre expéri­ence : j’ai été diag­nos­tiquée à 29 ans. Les can­cers ORL touchent en effet beau­coup plus les hommes âgés et ayant beau­coup con­som­mé de l’alcool et/ou fumé, mais pas seule­ment. Ils touchent aus­si les plus jeunes et les femmes.

Vous êtes Prési­dente de Coras­so, pourquoi avoir créé cette association ?

C’est une asso­ci­a­tion qui est née en 2014 suite à la ren­con­tre de deux patientes, Chris­tine Fauquem­ber­gue (co-fon­da­trice) et moi-même. Nous nous sommes ren­con­trées en 2010, atteintes du même can­cer. Au quo­ti­di­en, nous étions toutes les deux assez isolées. Alors, main dans la main, nous avons fait notre chemin de rémis­sion. Plus tard, nous avons été sol­lic­itées pour fonder cette asso­ci­a­tion. Nous ne pou­vions pas dire non ; il était fon­da­men­tal pour nous que cette asso­ci­a­tion existe pour accom­pa­g­n­er les patients.

Com­ment cela se passe au niveau des territoires ?

C’est encore très vari­able, nous sommes en train de dévelop­per notre réseau de bénév­oles en région. L’objectif pre­mier étant l’information, nous pour­suiv­ons en dévelop­pant notre site que nous voulons à terme être un Wikipé­dia des can­cers de la tête et cou des patients. Nous essayons d’être prévenants sans pour autant affol­er autour des effets.

Questions à Haitham Mirghani, Professeur, Chirurgien ORL à L’Hôpital Georges Pompidou

Com­bi­en de per­son­nes sont con­cernées par ces cancers ?

Au niveau mon­di­al, les can­cers tête et cou représen­tent le 7ème can­cer le plus fréquent. On dénom­bre 900 000 patients touchés par un can­cer ORL chaque année, avec de grandes dis­par­ités selon les zones géo­graphiques. Sur la ques­tion de l’épidémiologie, il faut savoir que la région du monde où il y a le plus de patients touchés par un can­cer tête et cou est le sous-con­ti­nent indi­en. Dans cette région, on dénom­bre beau­coup de can­cers qui touchent la cav­ité buc­cale (can­cers de la bouche, de la langue…) car beau­coup d’hommes con­som­ment de la chique à base de tabac qui est très nocive.

Sur la ques­tion des fac­teurs de risques tra­di­tion­nels, la con­som­ma­tion de tabac et d’alcool représente en effet un fac­teur majeur. Néan­moins on sous-estime les autres fac­teurs de risque. On observe aus­si d’autres can­cers imputa­bles à l’HPV (papil­lo­mavirus). Sur les 16 000 can­cers tête et cou iden­ti­fiés par an en France, on note une aug­men­ta­tion de cette patholo­gie chez les femmes et une baisse chez les hommes car la con­som­ma­tion de tabac diminue.

Si on prend l’exemple des can­cers de l’orophar­ynx (can­cers de la gorge), deux tiers des 5 000 nou­veaux can­cers par an sont des can­cers liés à un virus HPV. L’épidémiologie change, c’est impor­tant de le noter.

En quoi la vac­ci­na­tion HPV peut-elle faire évoluer les choses sur les can­cers ORL ?

L’HPV est un virus asso­cié à un can­cer du col de l’utérus, et donc féminin. Néan­moins, pro­gres­sive­ment et pour de nom­breuses raisons, on a changé de par­a­digme. Pour réduire la cir­cu­la­tion du virus, on vac­cine les femmes et les hommes. Ces pro­grammes de vac­ci­na­tion sont essen­tiels mais n’auront d’impacts épidémi­ologiques seule­ment dans plusieurs décen­nies. Quand on regarde des pays où la vac­ci­na­tion a été mise en place on assiste à une réduc­tion de plusieurs patholo­gies. En par­al­lèle, il va fal­loir trou­ver d’autres moyens pour que les gens soient davan­tage aver­tis et dépistés pour ces cancers.

Il y a trois grands types de traite­ment : la chirurgie, la radio­thérapie, et la chimio­thérapie. Depuis une dizaine d’années on par­le d’immunothérapie par exem­ple, mais ces traite­ments vien­nent avec des effets sec­ondaires. Un autre enjeu vient du fait que l’on a beau­coup de dif­fi­cultés à pro­pos­er des traite­ments per­son­nal­isés. Actuelle­ment, on traite les can­cers tête et cou liés à des fac­teurs de risque aus­si dif­férents que l’alcool ou le HPV de la même façon. Alors que la topogra­phie de la mal­adie diverge dans ces deux cas.

Questions à Émilie Carré, Secrétaire de Corasso

Pou­vez-vous nous présen­ter votre par­cours personnel ?

En 2019, j’ai com­mencé à avoir une voix cassée pen­dant plusieurs semaines. Au début je ne m’inquiétais pas for­cé­ment, bien que cela reve­nait régulière­ment. Au bout de quelques mois j’ai eu une douleur au niveau de l’oreille. Après plusieurs ren­dez-vous, j’ai réal­isé une biop­sie avec un chirurgien ORL. En jan­vi­er 2020 on m’a diag­nos­tiqué un can­cer sur la corde vocale gauche et j’ai eu une laryn­gec­tomie par­tielle. On a retiré mes cordes vocales, d‘où ma voix rauque actuelle.

J’ai décou­vert l’association Coras­so à tra­vers mon par­cours médi­cal, et surtout par mon ortho­phon­iste. Au début je ne com­pre­nais pas ce qu’il m’arrivait, voir que d’autres per­son­nes étaient con­cernées m’a aidé.

Pourquoi avez-vous décidé de témoign­er aujourd’hui ?

Dès le début, je me suis ren­due compte que j’avais besoin de faire quelque chose de ce qu’il m’arrivait. Cela a été telle­ment inat­ten­du qu’il est très impor­tant pour moi d’en par­ler pour faire décou­vrir cette mal­adie. Encore une fois, quand cela m’est arrivé à 22 ans, je n’avais jamais enten­du par­ler de ces mal­adies-là. Une voix cassée qui per­siste plus de trois semaines, ce n’est pas anodin. Cela peut être rien du tout, mais cela peut aus­si être plus grave et c’est sur ce point que j’aimerais insis­ter. Il faut con­sul­ter un spé­cial­iste si les symp­tômes durent.

Com­ment ont réa­gi vos proches ?

C’est tou­jours com­pliqué. Quand on doit prévenir ses proches ça l’est par­ti­c­ulière­ment. J’ai eu un peu de chance dans le sens où mon can­cer a été diag­nos­tiqué tôt, les traite­ments que j’ai eus (unique­ment chirur­gi­caux) n’ont pas entrainé de graves effets sec­ondaires. Ain­si, cela a un peu atténué la chose. Aujourd’hui j’ai cette voix (ndrl : rauque) que je vais garder toute ma vie, mais le plus impor­tant est que je sois guérie.

Questions à Géraldine Lescaille, Professeure, Chirurgienne ORAL à l’Hôpital la Pitié-Salpêtrière

Pourquoi le diag­nos­tic pré­coce est-il si important ?

Plus le dépistage est pré­coce, meilleur est le diag­nos­tic. Plusieurs types de can­cers ont été men­tion­nés. Si l’on prend l’exemple des can­cers de la cav­ité orale, les chirurgiens-den­tistes peu­vent iden­ti­fi­er les vacuités orales sans souci quand elles appa­rais­sent. Cela peut aus­si être la présence d’un aphte : on peut avoir un aphte tout à fait bénin, et la majorité des apht­es le sont. Néan­moins, quand on a un aphte qui per­siste avec une indura­tion, il faut absol­u­ment y prêter atten­tion et l’enlever. En tant que chirurgien, on préfère faire des biop­sies et qu’elles n’identifient rien, plutôt que de pass­er à côté de quelque chose. Un aphte de 8 jours dans la bouche, plus de 8 jours, ce n’est pas nor­mal et il faut impéra­tive­ment consulter.

Quelles sont les straté­gies thérapeu­tiques après les pre­mières pris­es en soin, notam­ment sur la réha­bil­i­ta­tion buc­co-den­taire comme il s’agit de votre spécialité ?

On inter­vient à dif­férents moments. Je suis chirurgi­en­ne ORAL mais j’étais chirurgi­en­ne den­tiste à la base. La réha­bil­i­ta­tion buc­co-den­taire est ce qui va suiv­re le traite­ment, après la tenue d’une réu­nion de con­cer­ta­tion pluridis­ci­plinaire. Ce traite­ment ne con­cerne pas unique­ment l’aspect esthé­tique, la réha­bil­i­ta­tion va jusqu’à remet­tre des dents aux patients. La radio­thérapie peut par exem­ple entraîn­er des effets indésir­ables : en ren­dant la bouche très sèche, en dimin­u­ant forte­ment la salive, des car­ries peu­vent appa­raitre. Ain­si, même si la radio­thérapie a beau­coup évolué, on essaie de prévenir au max­i­mum en amont pour éviter ces effets secondaires.

Com­ment mieux for­mer et sen­si­bilis­er les soignants ?

On inter­vient auprès des chirurgiens, on a un grand réseau de près de 800 per­son­nes. Les prati­ciens peu­vent nous con­tac­ter et pos­er des ques­tions. Il faut absol­u­ment que d’emblée, les pro­fes­sion­nels puis­sent avoir la piste d’un can­cer en tête. C’est ce mes­sage que l’on fait pass­er en interne, notam­ment au sein de mon ser­vice qui compte 120 chirurgiens. Pour cela, la réal­i­sa­tion d’une biop­sie est nécessaire.

Questions à Antoine Masse, Membre de Corasso

Pour­riez-vous revenir sur votre par­cours personnel ?

Il y a un peu plus d’un an, j’ai com­mencé à avoir des douleurs sur la langue. J’ai con­sulté mon médecin général­iste qui m’a dit qu’il s’agissait sim­ple­ment d’une mor­sure, et m’a ori­en­té vers un ortho­phon­iste. Après l’été, j’ai com­mencé à avoir une douleur à l’oreille ce qui m’a amené à con­sul­ter à nou­veau. On m’a ori­en­té vers un chirurgien ORL. Le pre­mier m’a fait réalis­er une petite biop­sie en sur­face, sans résul­tat. J’ai con­sulté un deux­ième chirurgien ORL qui m’a indiqué qu’il n’y avait aucune rai­son de s’inquiéter. En novem­bre, j’avais encore mal à la langue. J’ai con­sulté une troisième chirurgi­en­ne ORL qui m’a dit que cela ne présageait rien de bon. J’ai réal­isé une biop­sie en pro­fondeur sous anesthésie générale et on m’a annon­cé que c’était un cancer.

Que vous apporte l’association ?

J’en ai enten­du par­ler assez rapi­de­ment par mes proches. J’ai com­mencé à échang­er avec d’autres mem­bres de Coras­so sur les réseaux soci­aux, notam­ment Émi­lie ici présente. Je me suis ren­du compte que je n’étais pas seul, et qu’un pan­el de patients assez large existait.

Campagne de sensibilisation « Face aux symptômes »

Sab­ri­na Le Bars : L’enjeu est d’informer le grand pub­lic et les pro­fes­sion­nels de san­té qui sont en pre­mière ligne du diag­nos­tic sur les symp­tômes. L’objectif est que l’on évite les errances de diag­nos­tic. Selon les esti­ma­tions, il y aurait 70% de diag­nos­tics réal­isés à un stade avancé. Plus le diag­nos­tic est tardif, plus les séquelles seront lour­des et plus la qual­ité de vie sera amoindrie.

Nous n’avons pas de baguette mag­ique pour faire dis­paraitre les can­cers tête et cou, mais on peut informer sur ces can­cers et ces symp­tômes dif­fi­ciles à diag­nos­ti­quer. Out­re les fac­teurs de risques qui sont les plus con­nus (con­som­ma­tion de tabac et d’alcool), ces can­cers peu­vent aus­si touch­er des patients plus jeunes et des femmes. On a par­lé du tabac alcool et de l’HPV mais il y a aus­si les fumées tox­iques pour les pom­piers, ou les pous­sières de bois pour les ébénistes. Et pour cer­tains can­cers nous n’identifions pas encore d’explications.

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1 réflexion sur “Face aux symptômes | Table ronde du 7 novembre 2023”

  1. J’ai 71 ans. En ce qui me con­cerne, cela fait plus de 6 mois que j’ai des prob­lèmes à la mâchoire inférieure gauche. J’ai con­sulté plusieurs den­tistes, puis un par­o­don­to­logue après 4 mois, à chaque fois j’ai posé la ques­tion : “pour­rait-il s’a­gir d’un can­cer ?” La réponse était non. J’ai per­du une dent, une prochaine a bal­loté et tient encore tout juste à ce jour, en atten­dant la troisième qui com­mence à bal­lot­er à son tour.
    J’ai dû atten­dre 3 mois pour obtenir un ren­dez-vous avec un autre par­o­don­to­logue, qui m’a ori­en­tée vers un chirurgien den­tiste en urgence (trois semaines de délai). Biop­sie, résul­tat : car­ci­nome épi­der­moïde stade moyen, diag­nos­tic posé il y a un peu plus d’un mois.
    J’ai été dirigée vers l’on­copôle à Toulouse, où j’ai vu un onco­logue et où j’ai fait le par­cours scan­ner, endo­scopie, IRM, odon­to­logue. Mais à ce jour, je ne con­nais tou­jours pas la date d’in­ter­ven­tion. Je sais que je devrai déjà avoir une recon­struc­tion de la mâchoire, par prélève­ment d’une par­tie d’os dans la jambe. Un scan­ner de celle-ci est prévu le 4 décem­bre, donc l’in­ter­ven­tion n’au­ra pas lieu avant.
    C’est très long, et très dép­ri­mant de savoir qu’une sim­ple biop­sie il y a 5 mois, aurait suf­fi à rac­cour­cir con­sid­érable­ment tout le par­cours, et aurait peut-être pu éviter par­tielle­ment les traite­ments lourds aux­quels je devrai faire face.
    Les den­tistes et médecins général­istes ne sem­blent pas suff­isam­ment informés.
    Je pré­cise que comme je souf­fre de pol­yarthrite rhu­ma­toïde depuis3 ans, j’ai con­stam­ment des apht­es, con­séquence habituelle de cette mal­adie, et que je n’y ai donc pas prêté attention.

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