La recherche participative : comment l’expérience des patients fait avancer la médecine
Produire des connaissances scientifiques grâce à l’apport des citoyens, tel est l’ambition des projets de recherche participative. En santé, des patients le plus souvent peuvent aider à affiner les objectifs des études, leur mode de déploiement ou encore les questionnaires proposés aux participants. Que comprend le terme de « recherche participative » ? Quels sont ses intérêts ? Toutes les réponses, avec l’exemple de l’étude ORigineL, initiée par Corasso.

L’expression « recherche participative » est employée pour désigner un mode de recherche qui inclut la participation de personnes hors milieu scientifique, dont l’expérience possède une forte valeur ajoutée. Dans le cas d’ORigineL, c’est l’expérience de malades ayant souffert d’un cancer de la tête et du cou qui est mise en avant, dans le but d’investiguer les errances diagnostiques et leurs conséquences.
Quelle est la définition précise de la recherche participative ?
La définition retenue dans la Charte des sciences et recherches participatives en France, établie en 2017, est la suivante : « Les sciences et recherches participatives sont des formes de production de connaissances scientifiques auxquelles participent, aux côtés des chercheurs, des acteurs de la société civile, à titre individuel ou collectif, de façon active et délibérée. » Cette définition a été approuvée par tous les signataires de la charte, différents établissements d’enseignement supérieur et de recherche, ainsi que des acteurs du monde associatif.
Une démarche scientifique faisant intervenir des personnes qui ne font pas partie du monde de la recherche apporte des avantages indéniables, ainsi que des défis supplémentaires. L’ensemble des protocoles est soumis aux mêmes obligations de rigueur que pour toute autre étude scientifique, garantissant ainsi la qualité et la fiabilité des travaux menés.
Bien évidemment, des projets de recherche participative peuvent être mis en place dans n’importe quel domaine scientifique. Dans le secteur médical, les chercheurs s’appuient sur le vécu de patients, d’anciens patients, d’aidants, parfois de professionnels de la santé spécialisés. En effet, leur expérience est la plus riche, la plus proche de la réalité d’une maladie, de ses effets secondaires, de ses difficultés propres.
Comment fonctionne la recherche participative en santé ?
« L’implication des patients peut être très variable. On parle même d’échelle de participation. Il peut s’agir simplement de les solliciter pour répondre à un questionnaire, ou bien d’aider à définir le sujet de recherche, de collaborer pour écrire le protocole, de réfléchir à sa mise en place, à l’analyse des données, à la valorisation des résultats… », détaille Cyrille Delpierre, épidémiologiste et directeur de recherche à l’Inserm. Dans les cas où les patients sont sollicités tout au long du processus de recherche, ils sont parfois même surnommés « co-chercheurs ».
Gwenn Menvielle, également épidémiologiste et directrice de recherche à l’Inserm, ajoute : « L’étude ORigineL est assez unique à ma connaissance, puisque le sujet a été identifié directement par Corasso. » L’association s’est ensuite rapprochée de professionnels de santé et de partenaires académiques, notamment des équipes dirigées par les deux chercheurs précédemment cités, pour développer ce projet d’étude ambitieux sur l’errance diagnostique dans les cancers tête et cou.
» Découvrez notre article dédié à l’errance diagnostique et à ses conséquences sur la maladie
« Sabrina Le Bars, directrice de Corasso, m’a initialement contactée afin de partager notre expérience et nos contacts », poursuit Guillemette Jacob, fondatrice des Seintinelles, association qui facilite la mise en relation entre chercheurs et citoyens (malades ou non), dans le but de faire avancer la recherche sur les cancers. « Au vu du sujet qu’elle souhaitait développer, je lui ai proposé de se rapprocher des équipes de Gwenn Menvielle et de Cyrille Delpierre. »
La contribution de Corasso ne se limite pas à la simple définition du projet de recherche. L’association s’est impliquée à chaque étape de la conception de l’étude ORigineL, et restera mobilisée pour son déploiement dans le courant de l’année 2026 ainsi que pour l’exploitation des résultats.
Quels sont les intérêts de ces collaborations chercheurs-patients ?
« Nous, chercheurs, avons une connaissance très académique. Les patients, eux, ont la connaissance expérientielle », développe Gwenn Menvielle. « La problématique que nous souhaitons creuser, ce sont eux qui la connaissent le mieux. Pour prendre un exemple : au moment de rédiger le questionnaire de l’étude ORigineL, nous nous sommes basés sur les symptômes et les effets secondaires signalés par les membres de Corasso, qui sont bien plus proches de la réalité que les informations théoriques recensées sur les cancers tête et cou. »
Pour qu’une telle collaboration fonctionne, il faut « une combinaison des savoirs et des savoir-faire, extrêmement complémentaires », comme le souligne Guillemette Jacob. Des échanges sur un pied d’égalité, la rencontre entre deux mondes prêts à faire un pas l’un vers l’autre, sont deux critères essentiels pour une recherche participative réussie.
« L’avantage majeur de ce type de travail est de produire des données scientifiques qui répondent à un réel besoin, un besoin identifié par des personnes qui le vivent », complète Cyrille Delpierre.
Pourquoi faut-il absolument participer à l’étude ORigineL ?
Si vous avez été touché par un cancer rare de la tête et du cou, participer à l’étude ORigineL est un moyen de contribuer à faire avancer les connaissances sur l’errance diagnostique dont souffrent ces pathologies. Le questionnaire comprend tout un ensemble d’interrogations qui vous inviteront à faire le point sur votre parcours. La durée pour y répondre est estimée à 40 minutes environ.
» Pour découvrir si vous êtes éligible pour participer et pour apporter votre contribution en répondant au questionnaire, rendez-vous sur cette page
« Les réponses sont totalement anonymisées et elles seront croisées avec la consommation de soins de chaque patient. Ces données sont fournies par l’Assurance maladie, encore une fois de manière totalement anonymisée », informe le chercheur Cyrille Delpierre.« L’utilité est collective, mais elle est aussi individuelle », argumente Guillemette Jacob, des Seintinelles. « La maladie vous dépossède beaucoup de votre pouvoir d’agir. En participant à des études comme celle-ci, vous avez l’opportunité de réfléchir à ce que vous avez vécu. Cela peut aussi aider à légitimer votre ressenti et votre expérience devient un moyen d’aider les autres. Une manière de retrouver un peu de ce pouvoir d’agir qui vous a été volé par le cancer. »
Propos recueillis par Violaine Badie





