Les patients décrivent com­muné­ment une sen­sa­tion de « brûlure » ou de « coup de soleil ». Cet effet indésir­able imputable à la radio­thérapie cor­re­spond à une inflam­ma­tion, sou­vent impres­sion­nante, douloureuse et hand­i­ca­pante, provo­quée par les rayons ion­isants. De la préven­tion aux traite­ments, le point avec le Dr Anouch­ka Modesto, radio­thérapeute et co-respon­s­able du comité ORL de l’IUCT-Oncopole.

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Dans le cas de can­cers ORL, les effets sec­ondaires de la radio­thérapie touchent générale­ment la peau de la face ou du cou (on par­le alors de radio­der­mite). Quand les lésions inflam­ma­toires sont local­isées au niveau des muqueuses, elles s’accompagnent d’ulcérations ressem­blant à des apht­es et pren­nent le nom de mucites.

Brûlures dues à la radiothérapie : de quoi parle-t-on exactement ?

Avant tout, il est indis­pens­able de cor­riger une idée reçue trop répan­due. La radio­thérapie ne vise pas à « brûler » les cel­lules can­céreuses. Par con­séquent, cette sen­sa­tion de peau rouge, car­ton­née, inflam­ma­toire, con­séc­u­tive à un traite­ment par radio­thérapie ne peut pas être con­sid­érée à pro­pre­ment par­ler comme une « brûlure ». La radio­thérapeute Dr Anouch­ka Modesto, de l’Institut Uni­ver­si­taire du Can­cer de Toulouse — Onco­pole, explique : « Lors de séances d’irradiation, des par­tic­ules — le plus sou­vent des pho­tons pro­duits par un accéléra­teur — délivrent une forte énergie en ciblant les cel­lules tumorales afin de les détru­ire. Le but est soit de faire dis­paraître une tumeur, en cas de radio­thérapie exclu­sive, soit de dimin­uer le risque de récidive, quand elle est admin­istrée après une chirurgie. »

Les rayons, que l’on dit « ion­isants », ont pour effet de frag­menter l’ADN des cel­lules tumorales et donc de provo­quer leur destruc­tion. Ces mécan­ismes sont à l’origine de phénomènes inflam­ma­toires. « Bien que les rayons soient délivrés avec une pré­ci­sion bal­is­tique impor­tante dans le vol­ume cible (la tumeur, NLDR), il arrive que des organes sains situés à prox­im­ité reçoivent égale­ment de la dose. Cette irra­di­a­tion col­latérale engen­dre des inflam­ma­tions, au niveau de la peau et de la muqueuse buc­cale dans le cas de can­cers ORL », pour­suit la radio­thérapeute. Ce sont les fameuses « brûlures » décrites par les patients.

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» Décou­vrez notre dossier sur les dif­férentes tech­niques de radio­thérapie.

Cet effet indésirable de la radiothérapie est-il fréquent ?

Mal­heureuse­ment, il est « qua­si sys­té­ma­tique », répond le Dr Modesto. Elle tient toute­fois à rap­pel­er, qu’il s’agit d’un effet indésir­able tran­si­toire : « Les radio­der­mites et les mucites dis­parais­sent générale­ment en quelques semaines après l’arrêt du traite­ment de radiothérapie. »

Si les douleurs intens­es, la sen­sa­tion de brûlure, les apht­es dans la bouche, dis­parais­sent spon­tané­ment, d’autres effets indésir­ables cutanés peu­vent persister. 

Dans le cas de can­cers tête et cou, il peut s’agir d’une peau fibrosée. Égale­ment, les effets sec­ondaires tardifs de la radio­thérapie au niveau de la cav­ité buc­cale peu­vent entraîn­er une sen­sa­tion de bouche sèche qui s’améliore, en général, dans l’année qui suit la fin de la radiothérapie. 

Tous les cancers ORL sont-il concernés de la même manière ?

Le développe­ment de radio­der­mite ou de mucite dépend de la sit­u­a­tion de la zone à traiter, qui déter­mine la direc­tion des rayons admin­istrés et les couch­es qu’ils doivent tra­vers­er pour attein­dre la tumeur. Dr Modesto illus­tre : « Des can­cers de l’oropharynx ou de la langue seront davan­tage con­cernés par des atteintes des muqueuses buc­cales. Si on irradie un gan­glion cer­vi­cal, en revanche, l’inflammation touchera davan­tage la peau. »

Plus une tumeur est volu­mineuse et plus le risque de touch­er des organes sains en délivrant les dos­es de radio­thérapie est impor­tant. Par con­séquent, le risque d’irradiation col­latérale de la peau et des muqueuses aug­mente avec la taille de la tumeur cancéreuse.

Comment limiter les effets secondaires au niveau de la peau et des muqueuses  en lien avec une radiothérapie ?

Les pro­grès médi­caux de ces dernières décen­nies ont con­sid­érable­ment réduit les irra­di­a­tions col­latérales d’organes sains. Plusieurs fac­teurs sont à soulign­er, selon Dr Anouch­ka Modesto : « Les accéléra­teurs sont de plus en plus pré­cis, pour délivr­er la dose dans la zone à traiter et épargn­er les tis­sus sains péri lésion­nels. La manière de déter­min­er les vol­umes cibles (les tis­sus can­céreux qui doivent recevoir les rayons, NDLR) a aus­si beau­coup évolué. Lors de l’élaboration du plan de traite­ment pro­pre à chaque patient, ce vol­ume est déter­miné avec une grande pré­ci­sion à par­tir d’un scan­ner de cen­trage. Les cal­culs sont assez longs à réalis­er et expliquent le délai de 10 à 15 jours entre le scan­ner et le début de la radiothérapie. »

Quelques recom­man­da­tions per­me­t­tent de réduire l’intensité des brûlures. Dr Modesto cite :

  • le sevrage tabag­ique, fac­teur essen­tiel pour réduire la tox­i­c­ité des rayons sur les cel­lules saines ;
  • éviter de porter du par­fum ou tout autre pro­duit cos­mé­tique poten­tielle­ment irri­tant, con­tenant de l’alcool par exem­ple, pen­dant toute la durée du pro­to­cole de radiothérapie ;
  • éviter le con­tact avec l’eau de mer ou de piscine ;
  • éviter l’exposition solaire des zones irradiées.

Ces con­seils valent aus­si bien pour la péri­ode des soins que pour la péri­ode post-traite­ment, le temps de la cicatrisation.

Comment soulager cet effet indésirable ?

Durant tout le pro­to­cole de radio­thérapie, les patients béné­fi­cient d’un suivi médi­cal et de soins de sup­port, selon leurs besoins. « Les effets sec­ondaires à type d’inflammation au niveau de la peau ou bien les ulcéra­tions au niveau des muqueuses sont pris en charge directe­ment par l’équipe médi­cale et paramédi­cale de radio­thérapie », assure Dr Modesto. Peu­vent être pro­posés : des bains de bouche, des soins den­taires heb­do­madaires, des médica­ments antalgiques (y com­pris de la mor­phine), un suivi avec des ortho­phon­istes et des diététi­ciens pour pal­li­er les con­séquences de ces inflam­ma­tions. La douleur provo­quée par les mucites peut devenir un véri­ta­ble obsta­cle pour s’alimenter. Tout doit alors être mis en place pour lim­iter autant que pos­si­ble le risque de dénutrition.

Des infir­miers en radio­thérapie peu­vent aus­si être amenés à inter­venir en cas de tox­i­c­ités cutanées, pour délivr­er cer­tains soins. « Il est rare que l’on ori­ente les patients vers un der­ma­to­logue pour une radio­der­mite, sauf en cas de sur­in­fec­tion cutanée », com­plète la radio­thérapeute de l’IUCT-Oncopole.

Au-delà des soins médi­caux et paramédi­caux, l’appli­ca­tion de crèmes dédiées sur les zones cutanées affec­tées apporte le plus sou­vent un soulage­ment. Veillez à deman­der l’avis d’un pro­fes­sion­nel de san­té avant d’appliquer tout pro­duit sur des lésions de radiodermite.

Cer­tains cen­tres pro­posent des séances de pho­to­bio­mod­u­la­tion (traite­ment par la lumière), pour réduire l’inflammation et les douleurs liées à une radiodermite. 

Enfin, cer­taines approches com­plé­men­taires sont par­fois plébisc­itées. C’est le cas notam­ment des coupeurs de feu. Même si les bien­faits de ces pra­tiques ne peu­vent pas être éval­ués d’un point de vue sci­en­tifique, de nom­breux témoignages rap­por­tent un soulage­ment des douleurs liées aux brûlures de radio­thérapie. Restez tou­jours vig­i­lant quant aux soigneurs alter­nat­ifs, ils ne doivent en aucun cas essay­er de vous faire pay­er des sommes faramineuses, ni vous éloign­er du par­cours de soin classique. 

» Notre arti­cle dédié aux coupeurs de feu, aux bien­faits poten­tiels, aux don­nées sci­en­tifiques sur le sujet, est à lire ici.

Brûlures de radiothérapie apaisées, et après ?

Une fois les inflam­ma­tions calmées, des séquelles peu­vent per­sis­ter. Même si les douleurs ne sont plus aus­si vives, d’autres gênes sont sou­vent rap­portées, comme des zones de peau fibrosées, avec un effet « car­ton­né », une gêne pour avaler quand les fibros­es sont présentes au niveau de la gorge, une sécher­esse buc­cale… Face à ces symp­tômes, des soins adap­tés de kinésithérapie notam­ment peu­vent être pro­posés dans le cadre du suivi. 

Les cures ther­males ori­en­ta­tion Der­ma­tolo­gie, Voies Res­pi­ra­toires et/ou Affec­tions des muqueuses buc­co-lin­guales pro­posent égale­ment des soins ciblés. Ces soins ne sont pas des­tinés à apais­er des symp­tômes aigus. Il est recom­mandé d’atten­dre que la péri­ode inflam­ma­toire soit révolue avant d’envisager de se ren­dre en cure. Les cures ther­males réal­isées sur pre­scrip­tion médi­cale sont par­tielle­ment pris­es en charge par l’Assurance maladie.

» Pour en savoir plus sur les béné­fices des cures ther­males après un can­cer ORL, con­sul­tez notre dossier dédié.

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