Le 6 octobre, avait lieu la Journée nationale des aidants. L’occasion de donner la parole à Elsa, qui, comme une personne sur 10 en France aide un proche touché par un cancer : son mari, Benoît, est atteint d’un cancer du larynx.
Derrière la plupart des personnes atteintes de cancer, il y a un aidant, un proche, parfois plusieurs, dont le soutien moral, technique, social et financier est très précieux pour le patient. Comme Elsa, ils n’y étaient pas préparés. Un jour, sans crier gare, le cancer s’est immiscé dans leur quotidien. Le choc de l’annonce passé, ils ont fait face, se sont lancés à corps perdu dans le combat et s’y sont parfois égarés : épuisement, sentiment d’impuissance ou de culpabilité, anxiété exacerbée, dépression parfois… Qui sont ces aidants « naturels », à distinguer des aidants professionnels tels que les infirmières, les aides à domicile, les psychologues ou encore les assistantes sociales ? Le plus souvent, un membre de la famille, un ami, un voisin, un collègue… Des hommes et des femmes de l’ombre, ayant eux aussi grand besoin d’être soutenus. Car comme Elsa, par la force des choses, ils sont « multi casquettes ». Compagne de vie mais aussi infirmière, secrétaire, psychologue, confidente… « Cela ne me dérange pas », confie celle qui est aussi maman. « Dans la mesure où j’ai l’impression de lui apporter un certain réconfort et un peu de sérénité. Je me sens utile et ça me fait du bien ».
Depuis que l’on a découvert que Benoît avait un cancer du larynx, fixé sur une corde vocale en 2018, Elsa n’a rien lâché. A commencer par son travail. « Directrice de production dans une agence de presse TV, je peux coordonner beaucoup de choses à distance. Benoît ne pouvant plus parler, je prends des congés à chaque chimio, consultation ou examen, pour l’accompagner coûte que coûte car son combat, c’est aussi le mien ». L’épreuve de la maladie, ils la traversent ensemble. Elle ne leur laisse aucun répit. Malgré la radiothérapie, le cancer est revenu en octobre 2019 : « Après une laryngectomie partielle, quatre mois d’hôpital et un mauvais suivi, nous avons changé de chirurgien et d’hôpital. Benoît a enchaîné avec une laryngectomie totale carrée, une greffe de lambeau en avril 2020 et une radio-chimio jusqu’à l’automne 2020. Avec une infection et un problème de cicatrisation toujours à l’heure actuelle — merci la radio nécrose !-. Nouveaux traitements depuis mai dernier, immunothérapie et chimio jusqu’à début août, suivi d’un faux anévrisme de la carotide. Grosse frayeur, entraînant une opération en urgence avec des séquelles neurologiques pour Benoît ». Avec la pandémie, « le plus difficile a été le manque voire l’absence de communication pendant des semaines. J’ai déposé mon mari devant l’hôpital et je ne l’ai revu que sept semaines plus tard. Les visites étant interdites, cela a été un moment extrêmement difficile. Coupé du monde, épuisé, il ne pouvait plus parler : pas de téléphone, peu de sms… ».
Son combat, c’est aussi le mien.
Elsa
La jeune femme regrette le manque d’humanité de certains médecins, « des techniciens mais pas forcément les rois de la communication ! Un coup de fil par jour, même bref, aurait été rassurant ». Aujourd’hui, Benoît est rentré à la maison. S’il est autonome pour sa toilette et gère seul ses poches d’alimentation/ hydratation et sa trachéotomie, il a besoin d’un accompagnement quotidien. « Pour les démarches administratives, prises de rendez-vous, organisation des passages de l’infirmière, du kiné et le relationnel avec les prestataires médicaux. Je suis donc sa secrétaire ! », avoue Elsa non sans humour. Comme un grand nombre d’aidants, la jeune femme a le sentiment d’être plus une infirmière qu’une épouse. Mais qu’importe, elle se sent utile. Même si elle ne peut s’empêcher de se demander si elle fait les bons choix ou agit comme il faut, elle pense lui « apporter un certain réconfort et un peu de sérénité ».
Alléger la charge mentale
Malgré les apparences, Elsa n’est pas Wonderwoman. Elle a besoin de souffler, de se préserver pour éviter un éventuel burn out. « Pendant le premier confinement, j’ai cherché des outils pour gérer mon stress, ma solitude et trouver l’énergie pour avancer et faire avancer Benoît : l’hypnose m’a fait énormément de bien ». En plus de consulter une psychologue, elle échange beaucoup avec les membres de Corasso, « les seuls à pouvoir comprendre ce que je vis. Cette association est tellement bienveillante. J’y rencontre des personnes qui, malgré leur parcours encore plus chaotique, gardent un incroyable sens de l’humour. Toujours là pour vous réconforter ».
Comme les amis, précieux sans être envahissants, et la famille, qu’elle essaie d’épargner malgré tout. Reste qu’avec le confinement et les difficultés rencontrées, difficile d’avoir une vie sociale et de trouver des moments de répit. Et ce d’autant plus que trouver des paramédicaux pouvant venir à domicile est mission impossible. « L’hôpital me dit : « voyez avec le prestataire ou votre médecin traitant ». Je me démène pour trouver un établissement où mon mari pourrait faire de la rééducation pour ses problèmes neuro : il ne peut plus écrire ni articuler. J’ai appelé je ne sais combien d’orthophonistes : pas de place avant 2022 ! Quant aux établissements spécialisés en rééducation post AVC que j’ai sollicités, j’ai juste obtenu un refus sans explications ». N’étant pas du genre à baisser les bras, Elsa s’improvise donc kiné : « Je stimule Benoît avec les moyens du bord, en le faisant écrire, parler un peu… J’ai acheté un kit pour faire des exercices de kiné pour son bras fragilisé et je cherche des idées sur Google ». Tellement dans « l’action » depuis le début de la maladie, son rôle de femme est passé au second plan. Elsa gère l’urgence. Vit au jour le jour, sans pouvoir faire de projets. Mais elle n’a ni regrets ni états d’âme. Que de l’amour ! « Nous sommes très proches, complices et amoureux. Même s’il ne peut pas toujours l’exprimer, je sais qu’il apprécie ce que je fais pour lui et ça me fait du bien ».
Son moteur ? C’est Benoît. « Il a une telle énergie pour se battre ! Je puise mon énergie en lui et vice versa. On va dans le même sens. On ne s’apitoie pas. Même dans les moments difficiles comme actuellement, on se serre les coudes. Pas besoin de mots. Juste un regard, un geste affectueux, une étreinte, et c’est reparti ! Je sens bien qu’il flanche un peu, mais il est d’un courage. C’est une telle leçon ! ».
Propos recueillis par Céline Dufranc
Des ressources pour vous aider
- Les Cafés des aidants, proposés par l’Association française des aidants : aidants.fr
- L’association JADE pour les jeunes aidants : jeunes-aidants.com
- Des séjours de répit pour prévenir l’épuisement chez les aidants, avec la Fondation France Répit france-repit.fr
- Des séjours adaptés pour les patients avec SIEL BLEU
- L’appli Petit Bambou propose un programme « Aidants et soignants » composé de 13 méditations pour vous soutenir
- La Ligue contre le Cancer :
Parlons du soutien psychologique
Comment accompagner un proche atteint de cancer
INCa : Vivre auprès d’une personne atteinte d’un cancer
Cancer Info : 0 805 123 124