Après une longue période d’errance diagnostique, Julie apprend qu’elle a un carcinome adénoïde indifférencié. Une récidive plus tard, la jeune femme raconte combien cette expérience l’a profondément transformée.
« En décembre 2017, j’ai commencé à voir flou de l’œil droit. J’ai attendu février pour me rendre aux urgences où les médecins ont constaté une légère paralysie faciale. Ce qui m’a valu des séances d’orthophonie deux fois par semaine. La gêne augmentait. Je ressentais des décharges électriques contre l’oreille avant les repas. Puis de réelles douleurs neurologiques en mars, me poussant à retourner aux urgences pour faire le point. La paralysie augmente encore… On me fait une échographie à la recherche d’un zona qui appuierait sur le nerf. Rien. Même chose en avril avec une IRM cérébrale sans résultat. Là, je court-circuite le dernier rendez-vous aux urgences pour consulter plus rapidement une spécialiste en paralysie.
En juin, à la suite d’un scanner, les médecins suspectent une tumeur bénigne au niveau du rocher. Ils pensent que le problème, mineur, est là depuis plusieurs années. Une IRM plus poussée confirme la lésion du nerf. Le mois suivant, on m’hospitalise durant quatre jours. Les médecins pensent que l’origine du problème est ailleurs. J’ai droit à une batterie de tests à la recherche d’une maladie auto-immune, d’une sclérose en plaques… Tous les examens non intrusifs ayant été réalisés, on me propose alors une opération de deux heures pour réaliser une biopsie au niveau du nerf trijumeau. Et là, le couperet tombe en septembre : carcinome adénoïde kystique indifférencié, infiltré dans les nerfs, dont on ne connaît pas l’origine. Il faudra attendre un mois de plus pour que la biopsie au niveau de la parotide confirme qu’il s’agit bien du lieu primaire du cancer.
Un “diagnostic entonnoir”
Sept mois. Sept longs mois. C’est le temps qu’il a fallu avant que le chirurgien ne m’annonce le diagnostic, en présence de mon mari. Un “diagnostic entonnoir”, comme je l’appelle. Je n’avais jamais entendu parler de cancer de la parotide. Un cancer qui défie les probabilités.
« Avec le recul, je pense que j’ai été mal orientée.
Que cela a certainement eu des conséquences car plus le temps passait, plus la tumeur s’infiltrait dans les nerfs »
Jusqu’ici, j’avançais dans la direction que l’on me dictait : études d’ingénieur, couple, achat, mariage… Et soudain, à 28 ans, mes projets de vie s’écroulaient. Le projet d’être mère, de fonder une famille. Cela a été d’autant plus difficile que l’oncologue qui me l’a annoncé n’était pas très pédagogue. Je n’ai pas été consultée pour le choix des traitements, chirurgie (paroditectomie), radiothérapie et chimiothérapie dans le cadre d’un essai clinique. Heureusement, j’ai très vite été redirigée vers une chirurgienne et une radiothérapeute avec lesquelles j’ai pu aborder certains sujets de manière beaucoup plus ouverte. J’ai eu la chance de bénéficier de très bons experts en chirurgie : ils ont réussi à couper la partie du nerf endommagé et à greffer un nouveau nerf à la place pour me permettre de retrouver une partie de la motricité du visage. C’est vraiment important d’avoir confiance dans le médecin qui nous suit. Car c’est un travail d’équipe. Certes, le médecin a des connaissances mais nous, patients, nous avons nos ressentis et nos besoins qui doivent également être considérés. Comme j’aime à le dire : « la médecine soigne mais le patient guérit ». Tous les traitements médicaux conventionnels sont importants. Mais il ne faut négliger aucune autre aide : celle de ses proches, les aidants, le personnel médical, les associations, comme les centres Ressource, Corasso, Happytal, la psychologie, l’alimentation, l’activité physique, les petits bonheurs du quotidien, comme mon chauffeur de taxi, génial, que je voyais tous les jours… et les livres, évidemment ! Tout cela m’a énormément aidée.
Malheureusement, j’ai fait une rechute en mars 2020, lors du confinement. Cette fois encore, les médecins ont mis beaucoup de temps à reconnaître qu’il y avait un problème et à me proposer des solutions. Entre les premiers symptômes et le début du traitement en septembre (7 mois encore !), la maladie s’est aggravée, allant de la paralysie des mouvements du visage à celles de la corde vocale, de la déglutition et du mouvement de l’œil. Cette fois, j’ai un traitement anti-angiogénique à prendre à la maison deux fois par jour… Cela est bien moins contraignant que devoir se rendre à l’hôpital et j’ai la chance d’avoir très peu d’effets secondaires. Toutefois, je suis bien consciente que c’est un traitement qui stabilise la maladie pendant un temps mais ne guérit pas.
Agir et rebondir grâce aux livres : bibliothérapie
Cette période m’a donné l’occasion de me renseigner sur ce cancer, en lisant beaucoup de livres. Que ce soient des livres scientifiques, pour mieux comprendre le cancer, des livres de médecine holistique (alimentation, Qi gong, développement personnel, décodage biologique…) ou encore des témoignages, qui m’ont permis de me sentir moins seule et de donner de la légitimité à mes peurs. Toutes ces recherches m’ont amenée à découvrir un livre en particulier, « Anti Cancer Treatments », celui d’une jeune autrichienne de 28 ans qui avait traversé le même cancer que le mien, il y a 10 ans. Janina Collin s’est beaucoup investie dans la recherche de son traitement et a choisi de recevoir de la carbonethérapie au Japon. Que ce serait-il passé si je n’avais pas lu ce livre ?
Le protocole que l’on me proposait étant loin d’être satisfaisant, cette lecture m’a permis de me positionner pour recevoir un traitement de carbonethérapie en Allemagne l’été dernier, alors qu’aucun médecin en France ne me l’avait proposé. Forte de cette expérience, j’ai décidé de créer une bibliothèque de livres oncologiques, pour toutes les personnes qui souhaitent redevenir actrices de leur guérison et comprendre comment elles peuvent agir grâce à la lecture. C’est ce que l’on trouve sur mon compte Instagram : @k_lectrice
J’y partage mon histoire, l’errance diagnostique, ma rencontre avec les livres et je « joue » les critiques littéraires, en livrant mon analyse des livres que je lis en rapport avec le cancer, quel que soit le genre, pour permettre à chacun de trouver sa voie. La connaissance nous rend plus fort. La lecture de tous ces livres a contribué à changer mon hygiène de vie — je mange beaucoup plus d’aliments crus, de jus de légumes, beaucoup moins de produits transformés, de viande, de laitages‑, et ma façon de voir la vie en général.
Leçon de vie
Aujourd’hui, je suis plus à plus l’écoute de moi-même. Cette expérience m’a conduite à prendre davantage soin de ma santé mentale, que ce soit avec l’aide d’un psychologue, ou en observant mes pensées pour garder celles qui me font du bien. Je médite quotidiennement. Aspirant à vivre l’instant présent quand je le peux et considérant avec beaucoup plus de douceur mes douleurs post cancer. Petit à petit, je parviens à m’aligner avec mes valeurs et ce qui fait sens pour moi dans la vie. J’ai énormément de chance d’être aussi bien entourée par ma famille et mes amis, mes piliers. Même si j’ignore de quoi demain sera fait, j’apprends à vivre aujourd’hui comme j’aurais toujours aimé vivre ma vie ».
Les livres de chevet de Julie
Médecine holistique :
- “Le placebo, c’est vous !”, “Rompre avec soi-même”, Joe Dispenza
- “Tout peut être guéri”, Martin Brofman
Romans :
- “Kilomètre zéro”, Maud Ankaoua
- “Les dieux voyagent toujours incognito”, Laurent Gounelle
- “Les Thanatonautes”, Bernard Werber
Témoignages :
- “Anti Cancer treatments”, Janina Collin
- “L’aventure d’une guérison”, Dr Carl Simonton et Reid Henson
- “Revivre”, Guy Corneau
- “Cellules je vous aime”, Sylvie Staub