Des nanoparticules pour améliorer le pronostic des patients atteints de carcinomes épidermoïdes
Les résultats préliminaires d’une étude menée auprès d’une quarantaine de patients atteints de cancers ORL ‑traités en associant une injection de nanoparticules* et la radiothérapie sont encourageants. Le Professeur Christophe Le Tourneau, responsable du département des essais cliniques précoces de l’Institut Curie à Paris a présenté ces travaux prometteurs lors du congrès international de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO).
Les nanoparticules peuvent amplifier l’efficacité de la radiothérapie dans le traitement des carcinomes épidermoïdes**. C’est ce que suggère une étude clinique de phase I menée à l’Institut Curie à Paris et dans de nombreux centres européens. « A l’ASCO, nous avons présenté les résultats de cette étude menée auprès d’une quarantaine de patients, traités à la bonne dose et présentant un carcinome épidermoïde : tumeur la plus fréquente des cancers ORL situé dans la cavité buccale, l’oropharynx, le pharynx ou l’hypopharynx », souligne le Pr Christophe Le Tourneau.
Du fait de leur âge (plus de 70 ans) et/ou des maladies associées à leur cancer, certains patients ne peuvent être traités par l’association habituelle radiothérapie/ chimiothérapie. C’est le cas de ceux qui ont été inclus dans l’étude. « La chimiothérapie est un traitement trop lourd pour les personnes âgées et/ou atteints de certaines pathologies chroniques, autres que leur cancer. Ces patients ne peuvent bénéficier que d’une Radiothérapie seule. Or ce traitement est souvent insuffisant : la survie n’est malheureusement que de 12 à 14 mois en moyenne. Dans notre étude, au lieu d’offrir uniquement une radiothérapie aux patients, nous leur proposons (un ou deux jours avant la Radiothérapie) d’une injection de nanoparticules d’oxyde d’hafnium, directement dans la tumeur. La présence de ces nanoparticules démultiplie l’effet de la radiothérapie : elle amplifie la dose d’énergie létale dans la tumeur, ce qui entraîne la mort des cellules cancéreuses », précise le Pr Le Tourneau.
De nouveaux espoirs pour les patients
A ce stade, outre la bonne tolérance de l’injection de ces nanoparticules, les résultats d’efficacité de l’étude clinique sont prometteurs. « Une fois injectées dans la tumeur, les nanoparticules ne « bougent » plus : elles restent en place, même quand la tumeur a disparu. En terme d’efficacité, les résultats préliminaires sont suffisamment encourageants pour que nous mettions en place un essai de phase III randomisé***. C’est-à-dire que la moitié des patients auront une injection de nanoparticules et l’autre, n’en bénéficieront pas », note le Pr Le Tourneau. Aujourd’hui, 60% des patients atteints de cancer bénéficient, au moins une fois dans leur vie, d’une radiothérapie. « Si les résultats finaux de l’étude montrent que l’efficacité de la radiothérapie est bien améliorée grâce à l’injection de nanoparticules, cela sera un grand pas en avant pour de nombreuses personnes, notamment pour les patients curables n’ayant pas de métastases.», confie le Pr Le Tourneau.
Enfin, l’efficacité de l’immunothérapie pourrait, elle aussi, être démultipliée grâce à l’injection de nanoparticules dans la tumeur. « Quand l’immunothérapie est efficace, elle l’est de façon phénoménale : des patients qualifiés d’incurables sont guéris de leur cancer avec ce traitement. L’immunothérapie est très largement utilisée en cancérologie. Or, dans les faits, elle n’est efficace que chez environ 20% des patients. Grâce aux nanoparticules, nous aimerions étendre son action chez un plus grand nombre de personnes. Actuellement, des résultats d’essais cliniques évaluant l’efficacité de l’association nanoparticules / Radiothérapie pour booster l’efficacité de l’immunothérapie ont été présentés à l’ASCO par une équipe américaine et sont très encourageants », conclut le Pr Le Tourneau.
Hélia Hakimi-Prévot
* Les nanoparticules sont des éléments ayant une taille nanométrique, entre 1 et 100 nanomètres (1 nanomètre est 1000 millions de fois plus petit qu’un mètre).
** Le carcinome épidermoïde est une tumeur maligne qui naît dans les cellules squameuses (kératinocytes) de la peau. Les cellules squameuses constituent la structure cellulaire principale de l’épiderme (couche supérieure de la peau).
*** Un essai clinique de phase III inclut souvent plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de patients volontaires pour tester un nouveau médicament ou un vaccin. Les principaux objectifs de la phase III sont de démontrer l’innocuité et l’efficacité du traitement chez des patients représentatifs susceptibles de l’utiliser ;de confirmer la posologie efficace ; d’identifier les effets indésirables et les contre-indications. Mais aussi, d’en connaître les bénéfices et les risques pour la santé et de comparer les résultats à ceux obtenus avec des traitements existants.
Un essai randomisé est un protocole expérimental ayant pour but d’évaluer l’efficacité d’une nouvelle thérapie, d’une action de prévention ou d’un médicament. Il compare un groupe expérimental (groupe d’intervention) à qui l’on administre le nouveau traitement et un groupe (dit groupe de contrôle ou groupe témoin) suivant un traitement standard ou prenant un placebo. Un tirage au sort détermine, pour chaque personne entrant dans l’essai, s’il va recevoir le nouveau traitement ou le traitement standard ou le placebo.