La radiothérapie est nécessaire pour soigner la majorité des cancers tête et cou. Elle a un impact plus ou moins important sur la dentition.
Si la tumeur est localisée au niveau des mâchoires, sur le plancher buccal ou au niveau de l’oropharynx, les dents seront incluses dans le champ d’irradiation. Cela peut avoir plusieurs conséquences.
Un émail de moins bonne qualité
La qualité de l’émail peut être altérée, il devient alors moins résistant. Les dents sont donc plus fragiles. À partir de 35Gy environ, le patient devra être suivi très régulièrement chez son dentiste en ville et sera suivi conjointement en centre de lutte contre le cancer par l’équipe d’odontologie au moins pendant 5 ans après la radiothérapie.
L’asialie
Beaucoup de patients connaissent aussi une nette diminution de la qualité et du volume de salive. Les glandes salivaires principales et accessoires inclus dans le champ d’irradiation fonctionnent moins bien, voire plus du tout. On parle alors d’asialie (Retrouvez le témoignage de Max à ce sujet). « Or la salive est la première ligne de défense des dents contre les caries. Elle assure, en effet, un nettoyage par le biais du rinçage constant des dents. Elle contient également des enzymes et des anticorps capables de lutter contre les bactéries », affirme le Dr de Montalier. Quand on a moins de salive et qu’elle est de moins bonne qualité, les dents risquent de se carier rapidement si l’on ne fait rien pour les protéger. C’est pourquoi, dès le début de la radiothérapie, les patients se voient remettre des gouttières souples sur mesure. Ils devront les porter 5 minutes tous les jours avec un gel fluoré et après s’être brossé soigneusement les dents. Réduire le risque de carie est essentiel car lorsqu’une carie se développe, les dents peuvent s’infecter, s’abîmer et/ou se casser. Le dentiste risque alors de devoir les extraire. « Il faut éviter toute infection dentaire ou parodontale car elle risque d’engendrer notre ennemi principal : l’ostéoradionécrose de la mâchoire », rappelle le Dr De Montalier.
L’ostéoradionécrose
« Il s’agit d’une nécrose des mâchoires en lien direct avec la dose totale de rayonnement délivrée. La prise en charge d’une ostéoradionécrose demande un plateau technique adapté. Elle repose sur des actes de chirurgie plus ou moins étendus associés à des traitements médicamenteux (protocole Pentoxyfilline + Tocophérol) sur une longue durée et par des équipes dédiées. À Gustave Roussy, nous disposons d’un comité dédié à cette pathologie ; comité associant chirurgiens cervico-faciaux, maxillo-faciaux, chirurgiens-dentistes, infectiologue et radiothérapeute. La proposition thérapeutique sera toujours faite de façon collégiale pour chacun de nos patients. » précise le Dr De Montelier. Et de compléter : « la radiothérapie peut également induire une altération de la vascularisation des os des mâchoires sur le long terme, ce qui rend l’os alvéolaire plus fragile par rapport aux bactéries présentes en bouche. Dans ce contexte, la réalisation d’une extraction dentaire doit être entourée de plusieurs précautions (un geste le plus doux possible, l’emploi d’un anesthésique local avec une faible dose de vasoconstricteur, une antibiothérapie à la posologie adaptée à chaque patient et l’emploi de produits spécifiques comme des colles biologiques ou du gel de globules blancs et plaquettes). Ces extractions ne sont réalisables qu’en centre de lutte contre le cancer ou milieu hospitalier disposant des technologies adaptées. »
Trismus
Le Dr De Montalier explique ce trouble : « Le passage des rayons X au travers des muscles faciaux peut entraîner une fibrose des cellules musculaires. Cela se traduit par une difficulté de plus en plus importante pour ouvrir la bouche. Cette limitation d’ouverture n’est pas systématique mais elle doit faire l’objet d’une vigilance particulière de la part des patients et des praticiens. Elle peut se traiter au moyen d’exercices de kinésithérapies organisés par nos orthophonistes ou des kinésithérapeutes de ville. » Préserver son ouverture buccale est nécessaire, notamment pour se nourrir ou prendre soin de ses dents. Alors même si les exercices peuvent paraitre contraignants au début, il est nécessaire de persévérer pour qu’ils s’intègrent progressivement au quotidien. Les orthophonistes et kinésithérapeutes apportent un soutient précieux en ce sens.
Propos recueillis par Hélia Hakimi-Prévot et Sabrina Le Bars
Pour aller plus loin :
Le bilan dentaire avant les traitements
La reconstruction bucco-dentaire après les traitements
Les essentiels pour préserver ses dents