« Soyez bienveillant avec vous-même et partagez votre expérience »

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Com­ment con­tin­uer de s’aimer lorsque l’on a un can­cer tête et cou ? C’est la ques­tion que nous avons posée à la psy­cho-onco­logue Sophie Lantheaume, respon­s­able de l’équipe Soins de Sup­port, Coor­di­na­tion Can­cérolo­gie, Recherche Clin­ique à l’Hôpital Privé Drôme Ardèche. 

nl240109 photo onco psy sophie lantheaume

Que diriez-vous aux femmes et aux hommes, qui souffrent du regard des autres ou qui, parfois, culpabilisent d’avoir un cancer ORL ?

Tout d’abord, je leur deman­derais la fonc­tion de cette cul­pa­bil­ité. La cul­pa­bil­ité est avant toute chose une colère con­tre soi-même. Quelles sont les con­séquences de la cul­pa­bil­ité, émo­tion­nelle­ment, mais aus­si au niveau de leurs pen­sées et de leurs com­porte­ments. Cette cul­pa­bil­ité peut-elle servir à « mod­i­fi­er » cer­tains com­porte­ments ? Je pense par exem­ple à met­tre en place davan­tage de com­porte­ments liés à la san­té lorsque la cul­pa­bil­ité vient du fait de se sen­tir coupable d’avoir dévelop­pé un can­cer (fumer par exem­ple) : cette cul­pa­bil­ité peut-elle m’aider à met­tre en place un sevrage tabag­ique par exem­ple ? Ensuite, lorsque ce sen­ti­ment de cul­pa­bil­ité appa­raît, il est impor­tant de se par­ler à soi-même comme on le ferait avec une per­son­ne que l’on aime. Nous avons ten­dance à être beau­coup plus com­patis­sant envers les autres qu’envers soi-même : c’est tout l’objet de mon dernier ouvrage1 sur l’auto-compassion. Savoir dans un pre­mier temps repér­er ces pen­sées qui nous font mal et ensuite ten­ter de les mod­i­fi­er pour pro­gres­sive­ment avoir des pen­sées et des ressen­tis plus bien­veil­lants envers soi-même. Le regard que les autres por­tent sur nous-même est sou­vent plus dif­fi­cile à « assumer » lorsque l’on porte soi-même un regard négatif sur soi. Le regard de l’autre fait effet miroir. Le pre­mier pas à réalis­er est donc dans un pre­mier temps vers soi… 

Comment faire face à son image et s’aimer quand même ?

Tra­vailler l’image de soi et dévelop­per davan­tage d’autocompassion peut se faire avec un pro­fes­sion­nel psy­cho­logue par exem­ple. Les dif­fi­cultés de s’aimer soi-même peu­vent aus­si bien venir des con­séquences de la mal­adie mais aus­si d’éléments, de vécus passés qui sont ren­for­cés mal­heureuse­ment par l’expérience de mal­adie. D’où l’intérêt d’aller vers un thérapeute. L’ouvrage S’aimer même avec un can­cer per­met d’avoir accès à un cer­tain nom­bre d’outils comme les médi­ta­tions cen­trées sur l’autocompassion. On sait aus­si que partager avec d’autres per­son­nes qui vivent la même chose, la même expéri­ence, per­met de s’alléger un peu des émo­tions qui nous tra­versent. C’est ce que l’on nomme l’humanité partagée : nous nous sen­tons moins seul dans ce que nous tra­ver­sons. L’idée glob­ale est de ne pas rester seul et c’est mal­heureuse­ment ce qu’instinctivement nous avons ten­dance à faire lorsque notre image cor­porelle est altérée : nous avons ten­dance à nous repli­er sur nous-même alors que la com­pas­sion de l’autre et une présence bien­veil­lante sont impor­tantes. Enfin, d’autres pro­fes­sion­nels de soins de sup­port peu­vent aider dans ce proces­sus. Je pense notam­ment aux socio-esthéti­ci­ennes qui appor­tent un bien-être et per­me­t­tent, par les dif­férents soins et la rela­tion d’aide adap­tés, de met­tre au tra­vail l’image cor­porelle et l’image de soi.

Pour se sen­tir moins seul.e lorsque l’on est touché.e par un can­cer tête et cou, il est pos­si­ble d’échanger avec les adhérent.e.s de Coras­so en dis­tan­ciel dans le groupe Face­book fer­mé Coras­so Échangeons, lors de nos visio­con­férences ou encore en présen­tiel

Pourquoi certains détournent le regard lorsqu’ils croisent des patients qui portent les stigmates de la maladie ?

Voir les con­séquences de la mal­adie et des traite­ments chez les patients, c’est, pour les « bien-por­tants », se con­fron­ter directe­ment à la pos­si­bil­ité qu’ils puis­sent tomber eux-mêmes malades et vivre la même chose. S’ils détour­nent le regard, c’est sou­vent parce qu’ils ne se sen­tent pas de se con­fron­ter et de faire face à cette « éven­tu­al­ité ». Baiss­er son regard par­le aus­si d’un pos­si­ble sen­ti­ment de honte. Cer­taines per­son­nes dis­ent que dans ces moments-là, elles ne savent pas quoi faire : « Je ne sais pas où regarder. Si je regarde la per­son­ne, elle va penser que je la dévis­age et si je ne la regarde pas, elle va penser que c’est de la pitié, ou qu’elle n’est pas regard­able ». Je dirai que pour que chaque per­son­ne se sente plus à l’aise avec l’Autre, et l’autre malade, il faut se con­fron­ter régulière­ment à cela : lire des choses sur le sujet, regarder, écouter des témoignages. Car effec­tive­ment, apporter un regard bien­veil­lant et com­patis­sant envers les autres, ça se tra­vaille tout autant que le regard bien­veil­lant et com­patis­sant envers soi-même !

Comment aider les malades à faire preuve d’auto-compassion envers eux-mêmes ? Quel exercice « clé » pourrait les soulager ? 

Il faut déjà les aider à iden­ti­fi­er qu’ils ont des pen­sées « dures » envers eux-mêmes, ensuite par­ler de ce qu’est l’auto-compassion et puis leur pro­pos­er des out­ils : l’écoute de pod­cast sur le sujet peut aider par exem­ple ; enten­dre des témoignages d’autres patients ; par­ticiper à des groupes de parole avec des pairs aus­si (si on se sent de se retrou­ver avec d’autres patients) ; dans mon ouvrage, il y a un accès tout à la fin à des médi­ta­tions d’autocompassion spé­ci­fique­ment dans l’expérience de la mal­adie en ligne grâce au QRcode ; enfin, accéder à un pro­fes­sion­nels (psy­cho­logue, socio-esthéti­ci­enne, etc.).

Pro­pos recueil­lis par Céline Dufranc

1S’aimer même avec un cancer

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