Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mercredi 30 octobre 2024, le Sénat adoptait à l’unanimité un projet de loi visant à réduire le reste à charge des frais médicaux pour les femmes atteintes d’un cancer du sein. Si cette avancée est encourageante pour les patientes concernées, elle pose cependant une question importante : pourquoi ne pas étendre cette mesure à l’ensemble des personnes touchées par le cancer ou d’autres pathologies graves et invalidantes, qui peuvent entraîner des dépenses conséquentes et des situations financières délicates ?
Une récente étude de France Assos Santé a révélé que les coûts cachés de la santé non couverts par l’Assurance maladie atteignent en moyenne plus de 1 500 euros par an pour les personnes malades chroniques, en situation de handicap ou de perte d’autonomie. Ces « restes à charge invisibles », qui concernent le petit matériel de soin, les produits qui soulagent ou sont nécessaires pour apaiser les effets secondaires de certains traitements, des frais d’alimentation ou séances chez le diététicien, le psychologue, etc. viennent s’ajouter aux dépassements d’honoraires, aux franchises, aux participations forfaitaires, au forfait journalier, etc., dont le montant, d’après la DREES, atteint près de 800 € en moyenne par an pour les personnes en affection de longue durée et 900 euros pour les personnes atteintes de cancer. Ces frais constituent un obstacle important pour ceux qui, en plus de leur parcours de soins, doivent gérer une charge financière très lourde.
Peut-on accepter une hiérarchie de la souffrance ? Les autres cancers, qui concernent 86 % des patients en oncologie, seraient-ils moins éprouvants ou moins coûteux ? Cette loi, bien que positive, met en lumière une injustice : celle d’une prise en charge inégale qui laisse de côté des milliers de malades aux besoins tout aussi impérieux.
L’exemple, les cancers ORL touchent chaque année plus de 16 000 personnes en France. Ces patients subissent souvent des traitements invasifs sans alternative ciblée : l’ablation d’une partie du visage ou de la cavité buccale entraîne des besoins en prothèses, implants, ainsi que des soins pour soulager la douleur et l’angoisse. En plus des effets esthétiques et fonctionnels, ces dépenses additionnelles représentent une part importante des coûts non remboursés pour les malades.
Les autres types de cancers impliquent également des frais non pris en charge :
- Cancers du poumon : La réhabilitation respiratoire et les soins de support engendrent des coûts supplémentaires.
- Cancers gynécologiques (ovaire, col de l’utérus, endomètre) : En plus des traitements, les patientes doivent souvent financer des soins de fertilité, les soins liés aux complications de la radiothérapie, de la curiethérapie et de lymphoedème secondaire post curage ganglionnaire qui touche 40% des femmes suite à un cancer du col de l’utérus.
- Cancers colorectaux : La colostomie requiert des soins quotidiens et des produits spécifiques.
- Cancers du sang (leucémies, lymphomes, myélomes) : Les traitements intensifs, comme les greffes de moelle, sont suivis de coûts additionnels pour gérer les effets secondaires.
Cette injustice ne se limite pas aux cancers. D’autres pathologies invalidantes, comme la sclérose en plaques (SEP) ou la sclérose latérale amyotrophique (SLA), génèrent des frais exorbitants pour des soins essentiels à la qualité de vie. Ces patients font face à des coûts élevés pour des équipements, des traitements symptomatiques, des aides techniques et des soins d’accompagnement, alors qu’ils sont souvent contraints de cesser leur activité professionnelle. Une prise en charge améliorée des soins pour le cancer du sein est une avancée, mais elle reste insuffisante si elle ne s’étend pas à tous les citoyens confrontés à des pathologies graves et invalidantes, qu’il s’agisse de cancers ou d’autres maladies chroniques dévastatrices.
Ces exemples illustrent la réalité d’un système où les malades, déjà fragilisés par la maladie, doivent en plus affronter une précarité financière pour accéder aux soins essentiels. Une mesure de prise en charge élargie serait une avancée cruciale pour leur dignité. Il est urgent de mettre fin aux inégalités de notre système de santé en assurant un soutien équitable à toutes et tous, sans distinction de type de cancer ou de pathologie.
Face à la maladie, chaque citoyen mérite une prise en charge qui respecte sa dignité et ses besoins spécifiques. La justice en matière de santé ne peut être sélective. C’est pour cette raison que nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les parlementaires, d’amender en deuxième lecture la proposition de loi relative à la prise en charge des soins liés au cancer du sein afin d’étendre son bénéfice à tous les patients atteints par un cancer et à toutes les pathologies graves et invalidantes.
Associations signataires :
- Aïda
- Aider à Aider
- ARTC Sud
- Association Ose
- Cancer Contribution
- Cerhom
- Collectif Triplettes Roses
- Corasso
- ELLyE
- Étincelle
- GPS Cancer
- Imagyn
- Juris Santé
- La Niaque
- Laurette Fugain
- Life
- Lymphosport
- No Taboo
- Onco-Partage
- Patients en Réseau