Le droit à l’oubli

Pour regarder vers l’avenir

Vous avez ou avez eu un can­cer et vous souhaitez emprunter mais vous vous deman­dez si vous devez déclar­er votre mal­adie et pay­er une sur­prime ? Le point avec Isabelle Huet, direc­trice générale de l’association Rose Up qui par­ticipe au com­bat pour le droit à l’oubli.

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Acheter une voiture ou un apparte­ment, créer sa petite entre­prise, sont des pro­jets que vous pou­vez avoir envie de réalis­er même si vous avez été malade. Mais cela néces­site sou­vent de souscrire un crédit auprès d’une banque, asso­cié à une assur­ance qui vous pro­tège avec votre famille en cas de dif­fi­culté impor­tante (perte d’emploi, inva­lid­ité, décès…). Or, jusqu’à encore récem­ment, en ayant un can­cer de la tête ou du cou, vous étiez con­sid­éré comme étant à « risque aggravé de san­té »1. Con­séquence ? Vous voir appli­quer des sur­primes allant de 300 à 1500 %, des exclu­sions de garanties (décès, inca­pac­ité, inva­lid­ité, perte d’emploi…), voire, vous faire refuser l’assurance de votre emprunt, était la règle. C’est pour lut­ter con­tre cette dou­ble peine que plusieurs asso­ci­a­tions se sont mobil­isées autour du « droit à l’oubli » 2. Mis en œuvre en 2016 et amélioré par la loi Lemoine du 17 févri­er 2022, ce droit de ne plus déclar­er sa mal­adie sous cer­taines con­di­tions s’appuie sur la con­ven­tion AERAS (S’As­sur­er et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé).

« De 20 ans, le droit à l’ou­bli est d’abord passé à 10 ans, puis à 5 ans depuis le 1er juin 2022 ».

le droit à l'oubli

Qui peut en bénéficier ?

Depuis la loi Lemoine, le droit à l’ou­bli est passé à 5 ans pour tous les can­cers. Et ce, quel que soit l’âge du patient au moment du diag­nos­tic. Con­crète­ment, cinq ans après la fin du pro­to­cole thérapeu­tique (phase des traite­ments act­ifs) et en l’absence de rechute, les anciens malades n’ont plus à déclar­er leur mal­adie à leur assureur dans les ques­tion­naires médi­caux aux­quels ils sont soumis. C’est pourquoi il est impor­tant de deman­der à son médecin un doc­u­ment attes­tant la fin des traitements. 

Les traite­ments d’en­tre­tien (immunothérapie, hor­monothérapie) et la chirurgie recon­struc­trice ne sont pas comp­tés dans ce délai de 5 ans.

Autre avancée impor­tante : la sup­pres­sion du ques­tion­naire médi­cal sous cer­taines con­di­tions. Con­crète­ment, pour les prêts immo­biliers ou mixtes inférieurs à 200 000 € par per­son­ne (400 000 € pour un cou­ple) et dont l’échéance arrive avant le 60e anniver­saire de l’emprunteur, ce dernier n’a pas à rem­plir de ques­tion­naire médical.

Comment déclarer un cancer tête et cou dans le questionnaire de santé ? 

Si vous ne rem­plis­sez pas les con­di­tions précé­dentes, vous devrez rem­plir un ques­tion­naire médi­cal et déclar­er votre mal­adie. Si vous êtes guéri(e), la déc­la­ra­tion est aus­si oblig­a­toire, si la fin de vos traite­ments date de moins de 5 ans. En indi­quant votre can­cer dans le ques­tion­naire médi­cal, vous informez l’assureur de votre risque de san­té et la com­pag­nie en tien­dra compte pour établir son tarif. Pour gag­n­er du temps, il est con­seil­lé de con­serv­er toutes les pièces de son dossier au fur et à mesure pour ne pas avoir à les rechercher ou les réclamer quand on veut emprunter : compte-ren­du d’opération indi­quant la taille de la tumeur (stade 0, I, II, III, IV) et la local­i­sa­tion du can­cer si vous avez subi une chirurgie, cer­ti­fi­cat de guérison/rémission, bilans et analy­ses biologiques. 

Il peut arriv­er que le médecin-con­seil demande des exa­m­ens addi­tion­nels (IRM, tomod­en­sit­o­métrie, laryngoscopie…). 

Si votre can­cer est diag­nos­tiqué après avoir signé votre con­trat d’as­sur­ance emprun­teur, vous n’avez pas besoin de le déclar­er, car la plu­part des con­trats actuels garan­tis­sent que les con­di­tions ne peu­vent pas être changées. En revanche, si vous avez un can­cer avant de sign­er le prêt, vous devez le déclar­er. Si vous ne le faites pas et qu’un prob­lème survient à cause de la mal­adie, le con­trat peut être annulé, sauf si le droit à l’ou­bli s’applique.

Les 3 conseils d’Isabelle Huet

1 — Anticiper et con­serv­er tous vos exa­m­ens médi­caux, comptes-rendus … 

2 — Faire jouer la con­cur­rence en deman­dant plusieurs devis. Vous n’êtes pas tenu de choisir l’assurance emprun­teur de la banque qui octroie le crédit. Grâce au mécan­isme de la délé­ga­tion d’assurance, vous êtes libre de préfér­er un con­trat indi­vidu­el pro­posé par une autre compagnie.

3 — Bien lire les con­trats, par­ti­c­ulière­ment les con­di­tions particulières.

À qui s’adresser en cas de difficultés ? 

Si vous ne déclarez pas votre can­cer (le con­cept même du droit à l’oubli), il n’est pas cen­sé pos­séder cette infor­ma­tion. Mais si, pour une rai­son ou une autre, vous déclarez des infor­ma­tions sur votre mal­adie, l’assureur ne doit pas en tenir compte dans son éval­u­a­tion du risque. S’il vous impose néan­moins une sur­prime ou une exclu­sion en rai­son de votre can­cer passé et guéri, vous avez plusieurs solutions : 

Saisir la Commission de Médiation de la Convention AERAS :

Com­mis­sion de médi­a­tion AERAS
4 Place de Budapest
CS 92459
75436 Paris cedex 09

Les autres recours

  • Médi­a­teur de la com­pag­nie d’assurance
  • Sai­sine judiciaire

Vous vous posez encore des ques­tions ? Rose­Up pro­pose un out­il qui vous per­met, en répon­dant à quelques ques­tions, de con­naître vos droits. À retrou­ver ici.

Par Céline Dufranc

1une per­son­ne est con­sid­érée comme présen­tant un risque aggravé de san­té si elle est malade ou a été malade et qu’elle présente un risque de mal­adie ou de décès supérieur à la moyenne.

2 loi n°2016–41 du 26 jan­vi­er 2016 de mod­erni­sa­tion de notre sys­tème de santé

3 https://www.aeras-infos.fr/sites/aeras/accueil/la-convention-aeras/documents-de-reference/la-grille-de-reference-aeras.html

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