La lecture labiale

Après cer­taines inter­ven­tions chirur­gi­cales, un patient peut se retrou­ver dans l’in­ca­pac­ité de pro­duire des sons. Les caus­es sont diverses : 

  • Après une opéra­tion des cordes vocales, une péri­ode de repos vocal est sou­vent néces­saire pour per­me­t­tre la cicatrisation. 
  • Cer­taines chirur­gies néces­si­tent la pose d’une tra­chéo­tomie avec bal­lon­net, pour per­me­t­tre au patient de respir­er mal­gré un œdème au niveau du cou et prévenir les fauss­es routes. 
  • En cas de laryn­gec­tomie totale, les cordes vocales sont entière­ment retirées, empêchant toute pro­duc­tion vocale classique. 

Dans ces sit­u­a­tions, la com­mu­ni­ca­tion avec les soignants et les proches devient plus com­plexe. L’écrit peut être util­isé comme moyen de sub­sti­tu­tion, mais il reste plus lent et par­fois con­traig­nant, surtout dans les échanges quotidiens. 

Selon la nature de l’intervention chirur­gi­cale et les raisons de la perte de la voix, le recours à la lec­ture labi­ale peut être tem­po­raire ou durable. 

Dans cer­taines sit­u­a­tions, la perte de la voix est tran­si­toire, notam­ment lorsqu’elle est liée à la cica­tri­sa­tion des cordes vocales ou à la présence tem­po­raire d’une tra­chéo­tomie avec bal­lon­net, posée pour pro­téger les voies res­pi­ra­toires pen­dant la guéri­son du cou. Dans ces cas-là, il est essen­tiel de met­tre rapi­de­ment en place un mode de com­mu­ni­ca­tion adap­té, pour que le patient puisse con­tin­uer à échang­er avec ses proches et les soignants. L’orthophoniste accom­pa­gne alors le patient et son entourage en pro­posant des con­seils pra­tiques, des out­ils de com­mu­ni­ca­tion, et par­fois des ajuste­ments dans l’environnement, dans l’attente du retour de la voix. 

Dans d’autres cas, la perte de la voix – du moins dans sa forme antérieure – est défini­tive. Cela peut arriv­er, par exem­ple, après une laryn­gec­tomie totale ou cer­taines chirur­gies impor­tantes du lar­ynx, comme les CHEP (crico-hyoï­do-épiglot­topex­ies). L’objectif prin­ci­pal de la réé­d­u­ca­tion ortho­phonique est alors de per­me­t­tre au patient de retrou­ver une nou­velle façon de par­ler, que ce soit en mobil­isant d’autres organes pour pro­duire des sons (par exem­ple en faisant vibr­er l’oesophage dans le cas de laryn­gec­tomie totale), ou grâce à des dis­posi­tifs externes (comme les électrolarynx). 

Cepen­dant, une part impor­tante de la réé­d­u­ca­tion est égale­ment d’aider le patient et ses proches à se com­pren­dre mal­gré l’altération ou l’absence de voix, car la maîtrise d’une nou­velle voix peut pren­dre plusieurs mois. Cela se fait par de la guid­ance et la mise en pra­tique de con­seils (comme ceux dévelop­pés plus loin), mais égale­ment par des mis­es en sit­u­a­tion, comme s’en­traîn­er à com­mu­ni­quer avec un fond sonore, en marchant, ou en étant plus éloignés. Les ren­con­tres entre per­son­nes opérées sont égale­ment très enrichissantes, car elles per­me­t­tent de se met­tre à la place de celui qui “reçoit” le mes­sage. C’est sou­vent l’occasion d’échanger avec bien­veil­lance sur les obsta­cles à la com­mu­ni­ca­tion, et de mieux com­pren­dre les dif­fi­cultés que peu­vent ren­con­tr­er leurs interlocuteurs.

Bien qu’elle puisse sem­bler dif­fi­cile au début, c’est une com­pé­tence qui se développe avec le temps et la pra­tique. Quelques adap­ta­tions sont néces­saires pour faciliter la lec­ture labiale : 

1/ Adapter sa façon de parler 

  • Par­lez lente­ment mais naturelle­ment. Il n’est pas néces­saire d’articuler syl­labe par syl­labe, mais mieux vaut éviter de par­ler trop vite. 
  • Favorisez les phras­es cour­tes, en mar­quant des paus­es pour laiss­er le temps à l’interlocuteur de vous comprendre. 
  • Artic­ulez claire­ment, sans exagér­er. Une artic­u­la­tion tonique per­met non seule­ment de mieux lire sur les lèvres, mais cer­tains sons peu­vent aus­si devenir légère­ment audi­bles, ce qui aide à la compréhension. 

2/ Adapter l’environnement 

Pour que la lec­ture labi­ale soit effi­cace, il faut veiller à créer les bonnes conditions : 

  • La bouche doit rester bien vis­i­ble : assurez-vous qu’il y ait suff­isam­ment de lumière et que vous soyez en face à face. 
  • Prox­im­ité et posi­tion­nement : dans une con­ver­sa­tion à plusieurs, prenez le temps de vous posi­tion­ner cor­recte­ment, face à votre inter­locu­teur. Il est en général recom­mandé de se tenir à max­i­mum 2 mètres de son interlocuteur. 
  • Évitez les envi­ron­nements bruyants : il vaut mieux priv­ilégi­er des lieux calmes car la lec­ture labi­ale demande beau­coup d’attention et de con­cen­tra­tion, surtout les pre­miers temps. 

Quelques conseils pratiques : 

  • Utilisez l’écrit pour les noms pro­pres, les adress­es, noms de médica­ments ou mots tech­niques, plus dif­fi­ciles à devin­er car ils ne font pas par­tie du lan­gage courant. 
  • Asso­ciez les gestes à la parole si cela s’y prête. Le lan­gage cor­porel peut aider à la compréhension. 
  • Refor­mulez régulière­ment. Cela per­met de s’assurer que le mes­sage a bien été com­pris, et d’éviter les malentendus.

Il est tout à fait nor­mal que la lec­ture labi­ale soit fati­gante et par­fois frus­trante au début. Associ­er les mou­ve­ments de lèvres (les visèmes) aux sons demande de l’entraînement. D’autant plus que plusieurs sons ont des mou­ve­ments labi­aux iden­tiques – le con­texte de la phrase devient alors essen­tiel pour décoder le mot. 

Avec de la patience, de l’attention et un peu d’adaptation, la lec­ture labi­ale peut devenir un véri­ta­ble out­il de com­mu­ni­ca­tion, au ser­vice du lien entre le patient et ses proches. 

Quand la lecture labiale est difficile : le cas des chirurgies de la bouche 

La lec­ture labi­ale repose sur l’observation des mou­ve­ments des lèvres, de la langue et par­fois de la mâchoire pour com­pren­dre ce que dit une per­son­ne, même en l’absence de son. 

Cepen­dant, après cer­taines chirur­gies de la région orale – comme les mandibulec­tomies (abla­tion par­tielle ou totale de la mâchoire inférieure) ou les glos­sec­tomies (abla­tion par­tielle ou totale de la langue) – ces mou­ve­ments peu­vent être lim­ités ou altérés. Dans ces sit­u­a­tions, la lec­ture labi­ale devient beau­coup plus com­plexe, voire impos­si­ble dans un pre­mier temps. 

C’est pourquoi d’autres moyens de com­mu­ni­ca­tion sont sou­vent pro­posés en com­plé­ment ou en rem­place­ment, comme l’écriture, l’utilisation de pic­togrammes, ou encore des appli­ca­tions de com­mu­ni­ca­tion assistée. Ces out­ils per­me­t­tent au patient de con­tin­uer à échang­er avec son entourage pen­dant la péri­ode de réé­d­u­ca­tion, en atten­dant une amélio­ra­tion des mou­ve­ments bucco-faciaux.

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