Le tabagisme et l’alcoolisme sont des facteurs bien connus de risque et d’aggravation des cancers des Voies Aéro Digestives Supérieures (VADS) . Face à cette situation, une prise en soin en addictologie est vivement recommandée avant l’amorce de traitement et tout au long de la prise en charge. Séverine Prévot, infirmière clinicienne en addictologie et Elodie Flahou, infirmière tabacologue au centre Oscar Lambret (Hauts-de-France) font le point sur les conditions d’un sevrage réussi.
Où peut-on bénéficier d’un suivi en addictologie quand on est atteint d’un cancer des Voies Aéro Digestives Supérieures (VADS) et dépendant d’une substance (alcool, tabac, drogues…) ?
Le médecin traitant peut assurer le suivi addictologique. Certains centres hospitaliers prenant en charge les patients pour leur cancer bénéficient également de professionnels de santé formés à l’addictologie.
Les patients peuvent également être suivis dans l’un des 385 Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) pour tous types de dépendances. Les CSAPA dépendent des centres hospitaliers publics et privés. Ils offrent une prise en charge globale : psychologique, sociale, éducative et médicale. Ils proposent différents types d’approche : individuelles (éducatives, sociales, psychothérapeutiques…), collectives (groupes de parole ) et familiales. La personne sevrée peut continuer à y être accueillie dans le cadre d’entretiens individuels ou d’ateliers de groupe pour consolider son arrêt. Le site Drogues-Info-Service dispose d’un moteur de recherche permettant de trouver l’un des 385 CSAPA proche du lieu de résidence.
Autre option de prise en charge dédiée aux usagers de drogues : les CAARUD (Centre d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques pour Usagers de Drogues). Ces centres s’adressent à des personnes qui ne veulent ou ne peuvent arrêter leur consommation, et qui sont exposées à des risques sanitaires et sociaux (accidents, infections.…) du fait de leurs modes de consommation ou des produits consommés. Les CAARUD sont financés par l’Assurance Maladie et portés par des associations ou des établissements publics de santé. Le site Drogues-Info-Service dispose, là encore, d’un moteur de recherche permettant de trouver l’un des 146 CAARUD répartis sur l’ensemble du territoire.
Les Maisons de Santé Pluriprofessionnelle (MSP) sans tabac prennent en charge les patients fumeurs souhaitant s’investir dans une démarche de sevrage. Enfin, ces derniers peuvent être accompagnés gratuitement, par téléphone, par les tabacologues de Tabac Info Service en appelant le 3989.
Quels conseils généraux pouvez-vous donner aux patients souhaitant arrêter de fumer et/ou de consommer de l’alcool ?
Quel que soit le type d’addiction, nous expliquons toujours au patient que le sevrage ne peut être réussi que s’il est motivé à changer de comportement. On n’effectue pas ce genre de démarche pour faire plaisir à son entourage mais pour prendre sa santé en main.
Pour les fumeurs, les substituts nicotiniques (pris en charge par la sécurité sociale) constituent une aide précieuse au sevrage. Certaines modifications de comportement (cacher son tabac, ses briquets, cendriers…) permettent également de faciliter le sevrage. Pour l’alcool, il existe des traitements (uniquement sur prescription médicale). Mais le changement de comportement est aussi essentiel, par exemple, en diminuant ses consommations, en faisant ses courses différemment (par exemple, en achetant ses fruits et légumes au marché et non dans un supermarché disposant de rayons dédiés à l’alcool). Lorsque l’on entreprend un sevrage, il est important d’ informer ses proches et d’obtenir leur soutien.
Quels sont les bénéfices du sevrage sur la santé générale du patient et ses chances de guérison ?
Le sevrage permet au patient d’être en meilleure condition pour recevoir ses traitements. Cela améliore sa qualité de vie et contribue également à ce qu’il soit dans de bonnes conditions psychologiques, tout au long de sa prise en charge. Car il se dit qu’il met, ainsi, toutes les chances de son côté pour se soigner de façon optimale et limiter la survenue d’autres pathologies (cancers, maladies cardiovasculaire, respiratoires.…) pouvant être liées à la consommation d’alcool, de tabac ou d’autres substances psycho-actives. L’amélioration des chances de guérison liée au sevrage est individuelle : elle dépend de la pathologie mais aussi, du patient. Chaque personne est unique et la littérature scientifique sur les liens entre sevrage et pronostic du cancer est dense. Je conseille aux patients d’en parler à l’équipe médicale (infirmiers et médecins) qui les suit pour obtenir une réponse personnalisée.
Quels sont les risques d’un non-sevrage ?
L’arrêt des substances psycho-actives est intéressant pour la santé générale du patient. Chez les personnes traitées pour un cancer des Voies Aéro Digestives Supérieures, le non-sevrage a un impact négatif sur les traitements ( les effets secondaires sont notamment majorés) et sur la qualité de vie. Dans certains cas, le non-sevrage peut aggraver la maladie ou favoriser une récidive.
Quels conseils donneriez-vous aux proches de patients atteints de VADS souhaitant les accompagner lors du sevrage ?
Nous conseillons à l’entourage des patients d’éviter de les culpabiliser ou de juger leur addiction. Certaines questions stigmatisantes comme “Tu fumes encore ?” “Tu as bu combien de verres aujourd’hui ?” doivent être bannies. Car cela ne fait que renforcer le stress du patient. Pour favoriser le sevrage, les proches doivent plutôt l’encourager en le laissant gérer cette démarche en toute autonomie. Ils doivent être à l’écoute des difficultés de leur proche et essayer de trouver des solutions avec lui.