Les traite­ments du can­cer peu­vent engen­dr­er des douleurs, des restric­tions de mobil­ité et des ten­sions mus­cu­laires. Autant de maux qui peu­vent être pris en soins grâce au “dry needling”. Mathilde Mar­tins — kinésithérapeute, diplômée d’é­tat, exerçant en réé­d­u­ca­tion max­il­lo-faciale (DU Tech­niques de réé­d­u­ca­tion max­il­lo-faciales) et prenant en charge des patients atteints de can­cer tête et cou – nous explique cette tech­nique peu connue.

Qu’est-ce que le dry needling ? 

Le dry needling (ou ponc­tion sèche) con­siste à insér­er de fines aigu­illes directe­ment dans des points gâchettes mus­cu­laires (appelés « trig­ger points ») qui cor­re­spon­dent aux points de douleur, aux con­trac­tions et aux nœuds.  L’objectif est de relâch­er les ten­sions, réduire la douleur, amélior­er la mobil­ité et la qual­ité de vie du patient à court et moyen terme. 

Cette approche cible des zones hyper­sen­si­bles dans le mus­cle, sou­vent respon­s­ables de douleurs locales ou référées (douleurs à dis­tance du point palpé). Il s’agit d’inhiber le « trig­ger point » en piquant cette zone mus­cu­laire pour par­venir à soulager le patient. 

Les douleurs traitées par le dry needling sont dites « myofas­ciales » : elles provi­en­nent des mus­cles et de leurs fas­cias (le fas­cia est l’en­veloppe qui entoure un mus­cle ou un groupe de mus­cles). « Needling » fait référence aux aigu­illes util­isées pour cette tech­nique et « dry » sig­ni­fie « sec ». En effet, on ne fait pas d’injection et l’aiguille ne trans­porte aucun médicament.

La plu­part du temps, le « dry needling » n’est pas util­isé seul ; c’est une tech­nique qui va être asso­ciée à d’autres tech­niques pas­sives ou actives util­isées lors de la prise en soins du patient.

Qui a droit de le pratiquer ?

En France, seuls les kinésithérapeutes peu­vent pra­ti­quer le dry needling. Cette tech­nique béné­fi­cie d’un cadre régle­men­taire depuis 2017, année qui a mar­qué son autori­sa­tion pour les kinésithérapeutes sous réserve d’une for­ma­tion dédiée. En 2022, le Con­seil d’État con­firme que cette tech­nique fait par­tie des com­pé­tences du kinésithérapeute. Si l’institution ne men­tionne pas de for­ma­tion spé­ci­fique oblig­a­toire, elle la recom­mande forte­ment pour des raisons de sécurité.

Quelles différences entre « dry needling » et acupuncture ?

L’acupuncture est une pra­tique issue de la médecine tra­di­tion­nelle chi­noise ; cette méth­ode est fondée sur des con­cepts énergé­tiques. Le « dry needling », quant à lui, est une tech­nique occi­den­tale ciblant spé­ci­fique­ment des points gâchettes ou des zones mus­cu­laires douloureuses. Pour les deux tech­niques, les aigu­illes util­isées sont très sem­blables (aigu­illes fil­i­formes), mais le raison­nement dif­fère. En effet le « dry needling » néces­site un bilan diag­nos­tic clin­ique kinésithérapeu­tique très spécifique.

Concrètement, comment se déroule une séance de « dry needling » ? 

Tout d’abord, le kinésithérapeute demande le con­sen­te­ment éclairé du patient (sou­vent écrit) car il s’ag­it d’une tech­nique inva­sive (util­i­sa­tion d’aigu­illes). Ce pro­fes­sion­nel de san­té réalise un bilan diag­nos­tic kinésithérapeu­tique assez poussé afin de jus­ti­fi­er l’in­térêt du « dry needling » dans la prise en soins. Il iden­ti­fie le ou les « trig­ger points » et intro­duit une aigu­ille dans le point gâchette mus­cu­laire. Les normes d’hy­giène dans ce type de pra­tique sont très strictes. 

Le kinésithérapeute va chercher le « local twitch response », c’est-à-dire une con­trac­tion soudaine et momen­tanée du mus­cle (petit « tres­saute­ment ») qui entraîne par­fois une sen­sa­tion de douleur fugace ou de cour­ba­ture. L’aiguille peut rester en place quelques sec­on­des à quelques min­utes selon l’objectif escomp­té. Après la séance, le patient peut ressen­tir une légère douleur mus­cu­laire pen­dant 24 à 48h (sim­i­laire à des cour­ba­tures), signe que le mus­cle a été stim­ulé. Le « dry needling » n’est pas effi­cace à 100 % chez tous les patients. Par ailleurs, dans cer­tains cas, plusieurs séances sont néces­saires pour un résul­tat optimal. 

Quel est l’intérêt du « dry needling » pour les personnes ayant un cancer tête et cou ? 

Après chirurgie et radio­thérapie, la qual­ité de vie de ces patients est altérée. Ils peu­vent présen­ter des ten­sions mus­cu­laires, des fibros­es, des douleurs cer­vi­cales ou faciales, ou encore une diminu­tion d’ouverture buc­cale (en lien avec un tris­mus). Cer­taines de ces sit­u­a­tions pour­raient être améliorées ou soulagées grâce au « dry needling »*. 

Par exem­ple, cette tech­nique peut aider lors des DTM (dys­fonc­tions tem­poro-mandibu­laires), fréquem­ment ren­con­trées chez les patients ayant eu de la radio­thérapie, où cer­tains mou­ve­ments de la mâchoire sont altérés. Le masséter, prin­ci­pal mus­cle man­d­u­ca­teur, est sou­vent rétrac­té après radio­thérapie, lim­i­tant l’ouverture buc­cale. Le « dry needling » peut con­tribuer à gag­n­er plusieurs cen­timètres d’ouverture mandibulaire**. 

Les patients traités pour un can­cer tête et cou peu­vent égale­ment présen­ter des cer­vi­cal­gies aiguës, cou­plées à une diminu­tion de la mobil­ité cer­vi­cale (ils ne peu­vent plus tourn­er la tête cor­recte­ment d’un côté ou des deux côtés). D’après les études sci­en­tifiques, réalis­er du « dry needling » sur le trapèze supérieur dimin­uerait la douleur, aug­menterait l’am­pli­tude du mou­ve­ment et amélior­erait la qual­ité de vie des patients***. Le « dry needling » pour­rait égale­ment aider à réduire les céphalées de ten­sions d’origine mus­cu­laire****. Il existe à ce jour, peu de lit­téra­ture sci­en­tifique sur le sujet.

Quelles sont les contre-indications de cette technique ? 

Le « dry needling » ne doit jamais être effec­tué chez un patient dont le traite­ment est en cours (chimio­thérapie, radio­thérapie). 

Cette tech­nique est égale­ment con­tre-indiquée en cas :

  • d’infection locale (plaie, infec­tion cutanée, inflam­ma­tion active au site de ponction),
  • de trou­bles sévères de la coagulation, 
  • d’al­ler­gies au niquel ou au chrome, 
  • de pho­bie des aiguilles. 

Même chose en présence de tumeur, métas­tase ou de lym­phœdème impor­tant dans la zone à traiter. 

Par ailleurs, des pré­cau­tions spé­ci­fiques s’imposent en zone cer­vi­co-faciale (can­cers tête et cou). Il faut éviter les zones à risque de pas­sage nerveux impor­tant (tels que nerf facial) ou vas­cu­laire majeur  ain­si que les zones de peau frag­ilisée par radio­thérapie récente. Et tou­jours respecter un délai suff­isant après chirurgie ou radio­thérapie (l’avis d’un onco­logue est recommandé).

Comment trouver un kinésithérapeute formé au « dry needling » ? 

Il n’existe pas, à ce jour, d’annuaire recen­sant les pro­fes­sion­nels de san­té for­més au « dry needling ». C’est sou­vent le bouche-à-oreille qui fonc­tionne. Dans cer­tains hôpi­taux et cen­tres dédiés au traite­ment du can­cer, les onco­logues con­nais­sent des kinésithérapeutes for­més à cette tech­nique et peu­vent alors ori­en­ter leurs patients vers ces spécialistes. 

Pro­pos recueil­lis par Hélia Hakimi-Prévot

Sources :

  • * Dun­ning J, Butts R, Bli­ton P, Vathrakokoilis K, Smith G, Lineberg­er C, et al. Dry needling and upper cer­vi­cal spinal manip­u­la­tion in patients with tem­poro­mandibu­lar dis­or­der: A mul­ti-cen­ter ran­dom­ized clin­i­cal tri­al. Cranio. 2024 Nov;42(6):809–22.
  • Dıraçoğlu D, Vur­al M, Karan A, Aksoy C. Effec­tive­ness of dry needling for the treat­ment of tem­poro­mandibu­lar myofas­cial pain: a dou­ble-blind, ran­dom­ized, place­bo con­trolled study. J Back Mus­cu­loskelet Reha­bil. 2012;25(4):285–90. doi:10.3233/BMR-2012–0338. PMID:23220812.
  • **Özden MC, Ata­lay B, Özden AV, Çankaya A, Kolay E, Yıldırım S. Effi­ca­cy of dry needling in patients with myofas­cial tem­poro­mandibu­lar dis­or­ders relat­ed to the mas­seter mus­cle. Cranio. 2020 Sep;38(5):305–11.
  • Fer­nán­dez-Carnero J, La Touche R, Orte­ga-San­ti­a­go R, Galan-del-Rio F, Pes­quera J, Ge HY, et al. Short-term effects of dry needling of active myofas­cial trig­ger points in the mas­seter mus­cle in patients with tem­poro­mandibu­lar dis­or­ders. J Oro­fac Pain. 2010 Winter;24(1):106–12. PMID:20213036.
  • *** Meju­to-Vázquez MJ, Salom-Moreno J, Orte­ga-San­ti­a­go R, Truy­ols-Domínguez S, Fer­nán­dez-de-Las-Peñas C. Short-term changes in neck pain, wide­spread pres­sure pain sen­si­tiv­i­ty, and cer­vi­cal range of motion after the appli­ca­tion of trig­ger point dry needling in patients with acute mechan­i­cal neck pain: a ran­dom­ized clin­i­cal tri­al. J Orthop Sports Phys Ther. 2014 Apr;44(4):252–60.
  • **** Gildir S, Tüzün EH, Eroğlu G, Eker L. A ran­dom­ized tri­al of trig­ger point dry needling ver­sus sham needling for chron­ic ten­sion-type headache. Med­i­cine (Bal­ti­more). 2019 Feb;98(8):e14520.

POUR ALLER PLUS LOIN : Dry Needling, points trig­ger Myofas­ci­aux, de véronique De Laere-Debelle, édi­tions ArtThema.

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