Béatrice Brouillet, sophrologue à Gustave Roussy : “Pour une conscience plus sereine”
Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est la sophrologie ?
La sophrologie est une méthode qui nous aide à développer une conscience plus sereine. C’est un entraînement du corps et de l’esprit qui apporte sérénité et mieux être. Les techniques utilisées sont des outils traditionnels : respirations, relaxation, concentration, visualisation… elles sont adaptées à chacun en fonction de son projet et de ses capacités du moment. La sophrologie n’est pas une médecine mais elle nous aide à gérer, à chacun des temps de notre parcours, les difficultés du moment : anxiété, douleur, troubles du sommeil, stress, baisse de l’estime de soi… C’est par la répétition des techniques, en s’appuyant sur le renforcement positif de ce que nous vivons, que nous allons être mieux et modifier notre rapport au monde.
Concrètement, comment se déroule une séance ?
Le corps et l’esprit fonctionnent ensemble, pour nous l’être humain est global. Et ça n’est pas parce que nous avons un diagnostic de cancer que nous sommes réduits à cette maladie. Le corps en sophrologie est l’espace d’entraînement. Nous allons, par des exercices, stimuler cette présence corporelle et ce qui se vit dans le moment présent, avec des orientations différentes selon les exercices. Ensuite on parle de ce qui s’est vécu. Ça n’est pas un processus d’analyse mais juste être dans la présence concrète et les ressentis du moment. Puis je redonne une partie de la séance à travailler avec un support écrit ou enregistré. Selon sa fragilité, soit la personne vient me voir, soit je me rends à son chevet à l’hôpital. Parfois il y a une demande précise, parfois juste une sensation de mal être dont on ne saisit pas toujours l’origine, formulée comme une « envie de se détendre ». J’ai le souvenir d’une patiente venue dans l’objectif de se détendre, au bout de quelques séances quand on s’est séparées, elle m’a dit que lorsqu’elle était venue, elle n’en pouvait plus et pensait à arrêter ses traitements. D’où l’importance de cette alliance avec le patient. On est dans la présence à l’autre et c’est à partir de ça que se dirige la séance. Il n’y a pas de recette unique, ni de baguette magique.
En quoi la sophrologie peut-elle être particulièrement aidante lorsqu’on a un cancer de la tête ou du cou ?
Les cancers de la tête et du cou se développent dans une zone que l’on peut difficilement soustraire au regard des autres ce qui amène souvent au repli sur soi. Il y a aussi une atteinte de l’image de soi et les tensions sont omniprésentes, ainsi que l’expérience douloureuse. Mais, comme dans les autres cancers, dès qu’on se concentre dans la zone porteuse de la maladie, il y a souvent de nombreuses activations négatives et un retentissement émotionnel important. J’ai appris à éloigner les patients de ces zones, au moins au début, pour éviter de stimuler les pensées négatives, et les amener à explorer d’autres parties du corps. Retrouver un corps plus large capable de sensations agréables, ayant des compétences au mieux-être. Et qui au quotidien nous aide concrètement. Ramener de la conscience dans ces processus.
Prendre conscience que nous sommes des êtres humains pleins de valeurs, porteurs de projets quel que soit notre moment. Que nous avons des ressources parfois oubliées ou à découvrir. Par exemple nous avons tous des capacités au relâchement, mais dans nos situations de stress nous oublions souvent ce savoir ou parfois nous ne l’avons jamais expérimenté. En pratiquant une technique on va en faire l’expérience, on en prend conscience. Puis en répétant l’exercice on acquière une compétence qui nous servira à mieux gérer notre quotidien. Dans la douleur chronique, je compare souvent le phénomène à une autoroute qui déverserait sans arrêt à grande vitesse des informations à notre cerveau. Dans les techniques je vais non seulement éloigner la conscience de la zone douloureuse mais aussi comme ouvrir des itinéraires « bis » où on va aller flâner sur les routes latérales ramenant plein d’autres présences : forme, détente, sensations agréables, chaleur douce… permettant de changer le rapport à la douleur, et même parfois l’oublier, le temps de la séance au moins. Un « OFF » salutaire ! D’autres techniques plus complexes s’utiliseront quand on aura déjà quelques acquis.
Propos recueillis par Céline Dufranc
BON À SAVOIR :
- Il existe de nombreuses vidéos en ligne pour vous initier gratuitement ou des applis, très pratiques, comme My Charlotte, Accord-Sophro…
- L’association ARTC Sud finance et propose des séances aux patients hospitalisés comme aux aidants et même aux soignants les services d’une hypnothérapeute.