Rencontre avec Sophie Lantheaume, psycho-oncologue et chercheuse à l’Hôpital privé Drôme Ardèche Ramsay Santé. Co-auteure du livre S’aimer même avec un cancer1, la jeune femme incite ses patients à pratiquer l’autocompassion.
Qu’est-ce qui vous a conduit à devenir onco-psychologue ?
J’ai toujours été attirée par les milieux du soin, baignant dedans depuis toute petite car certains membres de ma famille sont des professionnels de santé. Je voulais accompagner l’humain dans ses difficultés et l’aider à trouver ou développer des ressources pour affronter les situations difficiles que la vie met parfois sur notre chemin. Durant mes études de psychologie, j’ai pu suivre un chirurgien oncologue et assister à des annonces de cancer. À cette occasion, j’ai pu palper une boule dans le sein d’une dame et je me suis demandé : « Comment une si petite chose peut entraîner autant de conséquences dans la vie d’une personne ? ». Et puis la vie a fait que certains membres de ma famille ont aussi été touchés par cette maladie. Je me suis interrogée sur la place de celui qui est à côté du malade et sur le sentiment d’impuissance. Enfin, passionnée par la recherche, j’ai fait un Doctorat après mon Master 2 de Psychologie de la Santé et je me suis spécialisée en Psycho-oncologie. J’allie donc l’accompagnement des patients atteints de cancer et je m’appuie sur leur vécu, pour alimenter mes recherches dans des actions, dispositifs, qui pourraient améliorer leur qualité de vie.
Comment vous sont adressés les patients ?
Dès le diagnostic du cancer, une infirmière d’annonce rencontre le patient et lui propose les soins de support adaptés à ses besoins et difficultés. Elle lui remet un flyer présentant les soins de support proposés dans l’établissement. Le patient a la possibilité de prendre directement rendez-vous avec le psychologue ou d’être orienté par l’infirmière pour une consultation « en bureau ». Lors d’une hospitalisation, le psychologue peut être contacté par l’équipe médicale pour une visite « au lit du patient ».
Quels sont les bienfaits d’un accompagnement psychologique pour le patient ?
Le psychologue est présent pour parler des souffrances, angoisses ou inquiétudes que peuvent engendrer la maladie chez les patients atteints de cancer. Il les accompagne pour les aider à trouver les ressources, émotionnelles, physiques, etc. nécessaires, pour traverser cette expérience de vie difficile. Il les aide à trouver les moyens pour comprendre leurs émotions et réactions et les outils pour se sentir acteur dans leur prise en soin. Il soutient aussi les proches.
Il n’y a pas de séance type mais comment se déroule une consultation ?
C’est très dépendant des patients, des thérapeutes, de la formation des thérapeutes (je suis plutôt d’obédience intégrative) et de la relation qui se crée entre le patient et le thérapeute. Certaines séances s’apparenteront à du soutien psychologique, d’autres à de la psychothérapie avec des objectifs de travail fixés en collaboration avec le patient. Dans les grandes lignes, la toute première séance permet de recueillir les premiers vécus du patient dans son parcours de maladie et d’évaluer sur quelles ressources il s’appuie pour faire face et continuer à avancer : comment se sent-il, là, dans l’instant, avec tout ce qu’il lui arrive ? Les séances durent en moyenne 1 heure et se découpent en 4 axes : recueil et accueil des émotions, partages et psychoéducation, évaluation et transmission d’objectifs pour la prochaine séance.
Ce qui est important, c’est de se rappeler qu’une séance chez le psy, c’est avant toute chose une rencontre et que la relation construite avec le thérapeute, c’est 70% du travail psychothérapeutique ! D’où l’importance de se sentir bien, en confiance dans la relation. Ce qui peut parfois prendre du temps.
Combien faut-il compter de séances en moyenne pour observer une amélioration de l’état du patient ?
Il faut en moyenne trois séances pour asseoir une (bonne) relation thérapeutique avec le patient. Tout dépend ensuite des objectifs fixés mais aussi du parcours du patient dans la maladie. Par exemple, on dit que pour traiter une phobie, il faut compter 4 séances chez le psy ! Mais c’est « en théorie ». Un patient atteint de cancer ne vient pas qu’avec sa maladie. Il vient avec toute une histoire que le thérapeute va essayer de démêler avec lui. Il faut suivre le rythme que le patient impose et que la maladie, ainsi que parfois les effets secondaires, nous imposent. Disons qu’une dizaine de séances est une bonne moyenne pour observer une évolution chez le patient.
Leur donnez-vous des exercices à réaliser pour aller mieux ?
Oui. Les exercices sont intéressants pour avancer dans les objectifs fixés avec le patient mais aussi pour que le patient puisse constater son évolution et se sentir acteur. Je travaille beaucoup avec des outils utilisés en psychologie positive2. Cela permet de s’axer sur les ressources que le patient possède et de les renforcer, plutôt que de se centrer uniquement sur ce qui ne fonctionne pas ou ce qui manque. Par exemple, j’invite les patients à inscrire chaque soir dans un petit journal jusqu’à trois choses satisfaisantes qui se sont passées au cours de la journée. Il ne s’agit pas de grandes choses ! Cela peut être un paysage qu’ils ont admiré, une lecture enivrante, l’appel d’un ami, etc. L’idée est d’aider le patient à (ré)orienter son attention vers des choses agréables car la maladie offre son lot d’émotions désagréables et notre cerveau a tendance à se centrer uniquement sur le négatif.
Est-ce pris en charge dans le cadre de l’ALD du patient ?
Oui. À partir du moment où le patient est pris en charge dans un établissement de soin qui a l’autorisation de faire de la cancérologie, il a accès à une prise en charge psychologique durant son parcours de traitement. Si l’équipe de psychologue est « débordée », il est possible pour le patient de se tourner vers certaines associations qui financent les accompagnements psychologiques, comme la Ligue Contre le Cancer par exemple. Une fois sorti des traitements, il existe des soins de support post-cancer pris en charge3. Il suffit d’une prescription de l’oncologue ou du médecin traitant. Ces soins concernent les patients ayant terminé leur traitement « actif » (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie…) depuis moins d’un an. Ils ouvrent droit au suivi psychologique, à l’activité physique adaptée et à la diététique. Par exemple, en Ardèche, il faut se rapprocher de la Ligue Contre le Cancer Ardèche et dans la Drôme, c’est l’association Agir Contre le Cancer 26 qui s’en occupe.
Propos recueillis par Céline Dufranc
Différentes associations du collectif GPS cancer, proposent des séances psy :
- Étincelle : accompagnement psy et sexo pour les patientes et leurs proches (gratuit pour les adhérentes)
- La Niaque : une ou deux séances de thérapie brève dans le cadre d’un accompagnement au retour de l’activité (gratuit)
- Rosa Mouv : 3 psychologues pour accompagner les patients
- L’association Laurette Fuguain propose un soutien via une coach auprès des fratries et parents dont les enfants sont hospitalisés dans les services d’hématologie
À Marseille et aux alentours, le réseau ILHUP peut intervenir à domicile.
1Editions IN PRESS