Délivrer les rayons plus rapidement pour réduire les effets indésirables
Cette nouvelle technique de radiothérapie est encore en phase d’essai. Elle suscite toutefois de grands espoirs quant au traitement de nombreux cancers et pourrait être déployée à plus grande échelle dans les prochaines années. Découvrez son mode d’action et ses spécificités, avec l’expertise du Pr Eric Deutsch, chef du service Radiothérapie à Gustave Roussy et professeur d’oncologie-radiothérapie à l’Université Paris-Saclay.
Les premières études concernant cette technique remontent à 10–15 ans à peine. Les effets de la radiothérapie FLASH sont d’abord observés aux Etats-Unis, puis en France par des chercheurs de l’Institut Curie. Depuis, l’intérêt n’a fait que croître pour cette méthode qui pourrait apporter un confort non-négligeable aux patients devant être traités par des rayons.
Qu’est-ce que la radiothérapie FLASH ?
Son nom fait référence à la rapidité à laquelle sont délivrés les rayons. Dans le cadre d’une radiothérapie, on parle de « débit de dose », la dose de rayonnement délivrée dans les tissus étant mesurée en gray. Le Pr Eric Deutsch explique : « La radiothérapie FLASH implique un très haut débit. Pour illustrer, dans des cancers tête et cou, ce sont à peu près 70 grays qui sont administrés au total lors d’un protocole classique. Les séances étant réparties du lundi au vendredi, pendant 7 semaines, cela représente 2 grays délivrés par séance, en 1 minute environ. En FLASH, le principe est de donner la même dose sur un temps beaucoup plus court, de l’ordre de quelques centièmes de secondes à peine. »
La radiothérapie FLASH n’est donc pas une radiothérapie spécifique, plutôt un mode de délivrance des doses de rayonnement. Ainsi, elle peut être combinée à d’autres technologies existantes. « On peut par exemple envisager de la stéréotaxie en FLASH, de la protonthérapie en FLASH, etc. », poursuit le Pr Deutsch. Pour information, la radiothérapie stéréotaxique consiste à concentrer des doses importantes de rayons sur des très petites zones (pour des tumeurs très petites par exemple). La protonthérapie, quant à elle, utilise des protons (particule élémentaire constitutive du noyau des atomes), quand une radiothérapie classique utilise des photons (particule associée aux ondes électro-magnétiques) . Le bénéfice de l’emploi de protons est une délivrance plus précise dans les tissus cancéreux, avec moins de dispersion dans les tissus sains alentour.
« En FLASH, le principe est de donner la même dose sur un temps beaucoup plus court, de l’ordre de quelques centièmes de secondes
à peine. »
La radiothérapie FLASH a déjà fait l’objet de beaucoup d’études en laboratoire. De plus en plus d’essais cliniques sont proposés à des patients, principalement pour des tumeurs superficielles de la peau. « Dans un premier temps, nous avons besoin de mieux comprendre comment fonctionne le FLASH, quels sont les effets exacts sur les tissus et quels sont les effets indésirables », détaille le radiothérapeute de l’Institut Gustave Roussy. Les tumeurs superficielles offrent l’avantage de pouvoir observer ces effets à l’œil nu. « Bien évidemment, notre intérêt est d’ensuite élargir et proposer la technique à des cancers plus profonds, comme des cancers du larynx ou du pharynx. » En théorie, toutes les localisations cancéreuses pourraient bénéficier de la technologie FLASH.
Quels sont les avantages de cette radiothérapie ?
Ils sont majeurs, comme l’illustre le Pr Eric Deutsch : « Délivrer les rayons à un débit très rapide permet de diminuer les séquelles de la radiothérapie de manière importante, sans perte d’efficacité sur les cellules cancéreuses. » La diminution des séquelles a été quantifiée pour l’heure uniquement sur modèle animal, avec une réduction d’environ 30 % des effets indésirables des rayons. Les chercheurs sont optimistes quant à la possibilité que cette réduction de 30 % puisse tout à fait être observée également chez l’homme.
La diminution des séquelles concerne aussi bien les effets indésirables aigus (inflammation, radiodermite…) que les effets tardifs (fibrose, ostéoradionécrose…).
« La diminution des séquelles concerne aussi bien les effets indésirables aigus que les effets tardifs. »
Quel avenir pour le FLASH ?
Plusieurs essais cliniques sont en cours pour évaluer les effets de cette technologie. En France deux projets ambitieux, l’un porté par l’Institut Curie et l’autre par Gustave Roussy sont destinés à évaluer l’intérêt d’une combinaison des techniques FLASH + VHEE pour Very High Energy Electron — électron à très haute énergie -. La technologie FLASH a été testée jusque-là avec des protons et des électrons de basse énergie, qui ne permettent d’atteindre que des tumeurs relativement superficielles. « Ces électrons VHEE présentent des propriétés physiques et biologiques avantageuses dans le traitement des tumeurs profondes. D’une extrême précision, cette nouvelle technologie vise à raccourcir les traitements et cibler en particulier des cancers de mauvais pronostics localisés près d’organes vitaux, jusque-là inaccessibles », peut-on lire sur le site internet de l’Institut Curie.
« Les essais cliniques nous permettent de mieux comprendre la biologie du FLASH. Cela aidera ensuite à affiner des protocoles de traitement en fonction des effets observés, qui seront probablement différents des protocoles actuels. Peut-être que nous ne serons plus sur des séances de radiothérapie 5 jours sur 7 pendant 7 semaines, mais c’est encore trop tôt pour se prononcer plus précisément à l’heure actuelle », avise le Pr Deutsch.
« Les essais cliniques nous permettent de mieux comprendre la biologie du FLASH. Cela aidera ensuite à affiner des protocoles de traitement en fonction des effets observés, qui seront probablement différents des protocoles actuels. »
Propos recueillis par Violaine Badie