Depuis quelques jours mes sinus me font mal, et de plus en plus, j’ai un goût bizarre dans la bouche.
Je dois donc consulter un ORL devenu ami.
Il me dit : « ce n’est rien, fais des fumigations ».
A quelques temps de là, je pars en vacances rejoindre femme et enfants, bien heureux. Car je me sens super fatigué …
Je m’arrête sur l’autoroute pour prendre de l’essence, « zut, c’est quoi mon code de carte bleue ? ». Je suis obligé de faire un chèque, la mémoire me faisant défaut. Ouf, une semaine plus tard, ça me revient, rien de grave donc …
Je retourne à la maison, les douleurs n’ayant pas disparu, je consulte à nouveau mon ORL. Il me propose à nouveau des fumigations qui ne changent rien à mon état ! Je lui demande donc s’il ne connait pas un confrère que je pourrais consulter, afin d’avoir un autre avis. Lui me connait trop et, peut-être banalise-t-il les choses, n’ayant pas, inconsciemment, le cœur à m’annoncer de mauvaises nouvelles.
Je rencontre, donc, rapidement son confrère qui me dit que j’ai « de gros polypes, faisons un scanner sans perdre de temps ».
Le surlendemain tard, 21 heures, je passe ce scanner et j’attends les résultats. En regardant les clichés, avec le praticien, je remarque un côté net et l’autre brouillardeux. Ayant dit bonsoir au radiologue, celui-ci me dit « vous devez vous dire pourquoi moi ? ». En rentrant chez moi je repense à cette remarque. Mais, épuisé, je cesse de réfléchir et continue mon chemin jusqu’à la maison.
Le lendemain, rendez-vous chez l’ORL muni des radios. « Sacrés polypes, je ne sais pas les opérés ceux-là » affirme l’ORL. Il me donne le nom et le numéro de téléphone d’un confrère compétent en la matière.
Ce soir-là, avant de retrouver ma femme pour fêter notre anniversaire de mariage, je téléphone à ce médecin qui me donne rendez-vous dés le lendemain, étant donné la teneur de mon appel.
Je dois m’organiser avec mon PDG pour la matinée, n’ayant pas envie de parler de ce genre de souci pour l’instant …
De l’entrevue faite avec le Docteur André COSTE, se décide une biopsie à effectuer pour voir ce qui se passe. « Nous vous donnerons les résultats dans les 10 jours. »
Appel téléphonique à mon travail … « Pouvez-vous venir demain ? »
Et l’annonce arrive !!!
Vous avez un cancer des sinus, il est nécessaire de vous opérer. Nous avons une place en avril.
« Eh bien, je ne sais pas si je pourrais attendre jusque-là, je suis si fatigué ! »
Entendant ma réponse, il repart au secrétariat, et revient pour m’annoncer qu’il peut m’opérer le 17 janvier 2001. Nous sommes fin décembre 2000 ! On discute donc de l’opération. Je ne sais pas trop à ce moment ce que je peux comprendre et retenir aux vues de mon état de sidération.
Seule certitude, ne plus travailler avant l’opération pour être le plus en forme possible.
Je me rends à mon bureau, et l’ordonnance faisant foi, je me mets en congé, et ce jusque …
Puis les mains sur le volant, il me faut une demi-heure pour me calmer, et pouvoir annoncer à ma femme ce cancer !
Mon épouse décide de rentrer immédiatement à la maison pour me rejoindre.
Elle m’attend, elle a prévenu les enfants (14 & 16 ans). Et là, je me sens pris en main. Béatrice me libère de toutes les tâches matérielles. Elle explique les faits à nos garçons et nos familles. Je ne dois pas m’en faire, tout doit pouvoir aller. Je me sens épaulé, soutenu tant moralement que psychiquement.
Nous passons les quelques jours avant l’opération assez calmement. Les choses sont dites. L’un des enfants pense que je vais mourir et l’autre me tient la main en affirmant que tout va aller. Entre les deux, il y a la réalité de ce qui est à faire et la confiance en l’équipe médicale.
Le jour précédant l’opération ma femme et sa mère rencontrent le Docteur Coste qui les rassure quant à l’intervention. Moi, je prends mes quartiers dans ma chambre et fais connaissance avec le personnel hospitalier.
Le soir arrive … que c’est dur !
Le lendemain « Hou, ça fait mal ! », je me demandais où j’étais, tellement dans le brouillard. J’entends une voix qui dit que l’opération s’est bien déroulée, pas trop de dégâts. Mais d’ici peu il va falloir faire de la radiothérapie. Hein ? me dis-je, c’est quoi ça ? de toute façon, il faut se plier à tout cela. J’ai accepté et dois faire confiance. Me remettre corps et âme à la médecine.
Je remonte peu à peu la pente. Je suis en vie et peux profiter de tous ceux que j’aime famille et amis.
Le travail doit reprendre, et il est salutaire. Le PDG vient presque tous les jours à la maison. Nous travaillons ensemble.
La radiothérapie me fatigue de plus en plus au fil des mois. Heureusement, ma diplopie se réduit assez vite pour me permettre de vivre normalement à nouveau, et conduire.
Il me faut effectuer une visite médicale du travail pour pouvoir retourner au bureau. Et là, oh surprise, le médecin du travail me dit que le PDG lui a demandé de me déclarer inapte ! Ce sur quoi il n’est pas d’accord. Il pense que je peux reprendre mes fonctions. Nous avons tout de suite contacté l’inspection du travail. Dés le lendemain l’inspectrice était présente. Et nous voilà, elle et moi, dans le bureau du PDG. Il faut savoir, aussi, que je n’avais plus de bureau et plus rien à faire ! A chaque phrase déplacée, le PDG prenait une amande. J’ai accepté d’être licencié avec une belle indemnité. Travailler dans ces conditions n’avait plus aucun sens ! De plus, un autre poste m’attendait ailleurs.
Deux ans plus tard, RECIDIVE !!!!
Donc, rebiopsie en hospitalisation.
Et là, retrait du plancher de l’œil, de la moitié du palais et d’une partie gauche de la mâchoire supérieure.
Dures sont les contraintes qui s’imposent après cette opération. S’habituer à poser, enlever et nettoyer les prothèses.
Malgré cela, il faut tenir le coup, ne pas abdiquer. Le travail m’aide et, il y a de quoi faire, bureau, voyages fournisseurs et clients, ils ont besoin de moi ! J’ai été très peu absent, car ni radiothérapie, ni chimiothérapie à faire … ouf !!
Quatre ans plus tard, le Dr COSTE me propose de rencontrer un « esthéticien » ou plus précisément un chirurgien maxillo-facial, le Dr Bertrand BAUGEAT.
Ce dernier me propose une opération pour améliorer mon « look » et ma vie quotidienne. C’est un gros travail, mais ça vaut le coup. « On y va ! », j’accepte. Une fois l’opération terminée, me voilà avec la tête comme une balle de tennis, des sondes un peu partout, des tuyaux dans le flanc gauche. Il n’est pas aisé de bouger, mais je le veux. Je ne souhaite plus jamais être dépendant de ces prothèses.
Une fois les bandages enlevés, je ne peux que constater l’énorme chirurgie qui a été faite.
Je ne peux que dire « merci » aux professeurs COSTE ET BAUGEAT d’avoir pris soin de moi. D’avoir mis leurs énergies et compétences pour me permettre de vivre et de ne plus être défigurer.
Cette reconstruction m’a permis de reprendre confiance et de me restructurer aussi psychiquement. Si cela a engendré de nouvelles souffrances physiques, le gain en a été fulgurant.
C’est comme un nouveau départ. C’est aussi grâce à l’accompagnement compréhensif de ma famille, de mes amis que j’ai pu « renaître ».
C’est à chacun de se prendre en main en acceptant celles qui se tendent pour nous aider.
Michel
Ma gueule ? Et alors ?
Eh, c’est ma gueule !
Ma gueule, quoi !
Quoi ma gueule ?
Quelle question aimerais-tu qu’on te pose ?
Pourquoi suis-je encore vivant ?
Je suis encore vivant parce que j’avais besoin… pour moi… mais aussi pour ma famille, de les soutenir… mes enfants, ma femme.
Mais aussi pour faire un bras d’honneur à l’entreprise dans laquelle je travaillais… qui pendant les mois où j’étais chez moi, est venue tous les jours pour que nous puissions travailler. Ils avaient absolument besoin… de moi.
Et quand j’ai pu revenir enfin dans l’entreprise, ils ont demandé que j’aille voir le médecin du travail, à qui ils avaient dit : “Celui-là, il doit être inapte.”
Donc, on s’est battu, pour qu’ils puissent comprendre que non, ça marche pas comme ça !
3 réflexions sur “Michel, touché par un cancer des sinus depuis 2001”
Longue vie à vous Michel, témoignage poignant!
Merci pour vitre témoignage.
Michel,
En lisant votre article, j’ai revu une partie de mon parcours. Ayant un œil qui me piquait depuis plus de 3 mois suivi d’une sinusite uniquement du côté gauche, début août 2012, mon médecin généraliste m’a proposé de voir un ORL. Ce dernier a prescrit tous les examens nécessaires sur 1 mois puis m’a pris rendez-vous au CHU. Je n’avais pas encore 52 ans quand l’interne ORL, m’a annoncé fin octobre que j’avais un cancer du sinus maxillaire gauche. Ma fille, infirmière, m’accompagnait. Dès l’annonce, je lui ai dit que je me battrai pour son frère et elle. Au départ, j’ai refusé une opération dégradante qui allait me défigurer mais la radiothérapeute m’a dit que si je refusais de me faire opérer, je n’aurais que quelques mois à vivre dans d’affreuses douleurs. J’ai alors repris contact avec le chirurgien. Rendez-vous le 7 décembre accompagnée de mes enfants alors âgés de 23 et 25 ans. Il a commencé par énumérer tous les risques de l’opération : qu’il touche le deuxième nerf optique ou le lobe frontal. Puis il nous a annoncé que si j’étais toujours opérable, l’opération ne pourrait avoir lieu que mi-janvier alors que j’étais au stade 4. Devant le mécontentement de ma fille, il s’est arrangé pour que cette opération ait lieu le 18 décembre mais m’a guidée vers un expert. Je suis entrée dans la salle d’opération à 8h pour en sortir à 20h avec un gros pansement sur l’œil gauche : exentération complète de l’œil pour tout enlever. Le professeur m’a avoué quelques jours plus tard qu’il ne savait pas vraiment jusqu’où allait la tumeur. Suite à l’opération, j’ai eu 33 séances de rayons avec en simultané 3 séances de 3 à 5 jours de chimiothérapie. Un mois après tout ce traitement, j’ai été obligée d’être alimentée par une pompe gastrique. Je n’ai pas travaillé pendant 2 ans. Fin 2014, j’ai fait ma première crise d’épilepsie, maladie déclarée à cause des rayons. L’os de mon orbite étant trop friable, une prothèse de l’œil est impossible et je vis donc avec un pansement blanc pour cacher le “trou” . Au cours de cette épreuve, j’ai constaté que nous avons une force en nous mais surtout que le soutien de notre famille, nos amis et notre entourage est une aide précieuse.
Même s’il m’a fallu environ 7 ans pour retrouver mon rire, je suis devenue grand-mère et je profite de chaque moment de joie, d’amour et d’amitié.