J’avais 22 ans quand on a découvert par hasard que j’avais un cancer du cavum. Un carcinome indifférencié du nasopharynx.
C’était une maladie génétique très rare causée par le virus Epstein-Barr. Cette maladie se transmet par la salive et est présentr chez 80% des adultes. Maladie à laquelle je n’avais pourtant aucune prédisposition génétique.
C’était absurde.
J’ai quand même dû me faire opérer pour la biopsie. Puis pour me faire enlever 4 dents de sagesse avant le début du traitement qui a duré 2 mois. 35 séances de radiothérapie et 3 chimiothérapies oto-toxiques à haute dose.
Je souffrais énormément des brûlures à l’intérieur de la gorge, d’aphtes. Je n’avais plus de goût du tout. À la moitié du traitement, je ne pouvais déjà plus manger (seulement de la soupe, même pas de purée) et je n’ai ensuite plus pu parler.
Ça a duré un mois. Sans manger ni parler.
J’ai fêté mes 23 ans à l’hôpital, les techniciens de radiothérapie m’ont chanté “Joyeux anniversaire” mais je ne pouvais même pas répondre. J’avais quand même pu aller au restaurant manger une soupe avec mon fiancé, sans pouvoir parler, ni choisir ce que je voulais manger, ni même vraiment sentir le goût des aliments.
Je devenais presque sourde à cause de l’intensité des acouphènes causés par la chimiothérapie, et je vomissais 4 à 5 fois par jour. La peau de mon cou était devenue noire et tombait en lambeaux.
J’ai perdu 14 kg.
J’ai terminé le 16 août 2017.
Au bout d’un mois et demi, n’ayant plus de salive, j’ai dû réapprendre à manger en très, très petites quantités avec 3 litres d’eau pour quelques cuillères. J’ai bu mon premier soda lors d’une croisière que ma maman m’a offerte avec mon fiancé pour nous détendre une fois l’épreuve passée. C’était comme si c’était la toute première fois, ça piquait.
Environ 2 mois après la fin de mon traitement, je suis retournée à l’université, maigre, sans muscle, et un petit peu défigurée. Je cachais l’arrière de mon crâne, brûlé par le point de sortie des rayons, avec un foulard et je me coiffais avec ce qu’il me restait de cheveux pour passer inaperçue.
Il me fallait presque 1h de métro pour aller en cours, comme pour rentrer. Et je devais rester debout même si mes jambes tremblaient, je n’avais pas de carte handicap.
Je pouvais enfin formuler quelques mots mais j’avais besoin de boire entre chaque mot. Puis entre chaque phrase.
Après quelques mois, j’ai pu réduire la quantité d’eau de 3L par jour à une petite bouteille pour la journée. Ensuite, j’ai pu m’en sortir avec des chewing-gums.
J’ai validé mon année et j’ai poursuivi mes études dans le master de mon choix.
Deux ans plus tard, j’ai beaucoup progressé mais je sais que je resterai très légèrement handicapée.
J’ai des acouphènes permanents à vie, et j’ai peut-être 20% de salive en moins. Mon cou est encore marqué et je ne suis pas sûre que ça parte un jour.
Je suis mariée depuis un an avec mon fiancé, j’ai aujourd’hui 25 ans, je termine mes études et je souhaite devenir maman.
Laurence
Quoi ma gueule ?
Ma gueule ? Et alors ?
C’est ma gueule !
Quoi ma gueule ?
Quelle question aimerais-tu qu’on te pose ?
Un cancer à 22 ans…, c’est possible ?
C’est possible, malheureusement…, parce que… moi, j’avais 22 ans quand j’ai appris que j’avais des polypes, suite à une consultation… pour des symptômes… de malaises plutôt oculaires. Donc…, on m’a envoyée faire une tomodensitométrie, un TDM. C’est… donc une imagerie médicale pour… pour voir si j’avais quelque chose de cérébral éventuellement. Et…, à ma grande surprise, j’avais des polypes, dans la gorge. Parce que, heureusement, c’était un TDM du crâne, mais on voyait la gorge. Sinon, on n’aurait jamais su puisque je n’avais jamais eu de symptômes. Et donc…, j’ai fait cet examen, j’ai découvert que j’avais des polypes. Ensuite, j’ai dû consulter un ORL, qui a demandé des examens complémentaires : une IRM, précisément, qui a révélé, en fait, que j’avais vraiment une masse… et un ganglion… presque aussi gros que la masse juste à côté. Donc, à ce moment-là, j’ai été confiée à l’équipe ORL de l’hôpital Tenon dans le 20ème et… eux, à leur tour, ils m’ont fait une biopsie, pour… savoir si, oui ou non, c’était quelque chose de malin ou juste une tumeur bénigne. Deux semaines plus tard…, au rendez-vous post opératoire, on m’a dit que : “Oui, effectivement, c’était bien un cancer, un cancer qui se soignait très bien. Mais c’était bien un cancer.” Et donc, qu’il fallait que je fasse… un TEP Scan pour… pour savoir à quel stade j’en étais. Et… donc le TEP Scan a révélé que, heureusement pour moi, j’étais que… à un stade 2 : je pouvais me soigner. Et… le…, le traitement qu’on me proposait était unique pour ce… ce cas-là et… il fonctionnait à 95%.
Par la suite…, en discutant avec… avec l’équipe médicale, j’ai appris que c’était un cancer plutôt juvénile donc…, qu’on a entre 16 et 20 ans à peu près, parce que c’est un cancer qui est viral, qui est causé par le virus Epstein-Barr, qui se transmet par la salive, qui est présent dans la salive de 80 % des adultes en France et… qui cause également la mononucléose. Et donc…, je n’ai jamais eu la… la mononucléose, du moins, pas à ma connaissance.
Et… c’est aussi une maladie qui est génétique, c’est-à-dire, qu’au delà du virus Epstein-Barr, c’est aussi une maladie qui touche principalement les populations du Maghreb et de Chine du Sud voire d’Asie du Sud-Est et… n’ayant aucune, absolument aucun lien avec… avec ces pays-là, c’était très absurde…, pour moi comme pour l’équipe médicale, de constater que j’avais bien cette maladie-là, qui est… qui est très, très rare et… pour laquelle je n’avais absolument aucune prédisposition génétique.
Making off
Quoi ma gueule ?