DU Radiothérapie des cancers ORL : Partage de l’expérience patients

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Séance d’échange ani­mée par Chris­tiane Comte, Patri­cia Hervineau et Sab­ri­na Le Bars

Ce ven­dre­di 14 févri­er a eu lieu un événe­ment fon­da­teur dans l’enseignement don­né aux médecins : sur l’invitation du Dr Pierre Blan­chard, 90 min­utes d’échange avec trois patientes ayant vécu l’expérience d’un can­cer ORL traité par chirurgie et radio­thérapie à Gus­tave Roussy. C’est, dans notre Cen­tre de Lutte Con­tre le Can­cer, une pre­mière dans l’enseignement don­né aux médecins, promise à être suiv­ie de beau­coup d’autres.

L’une de ces trois patientes, Sab­ri­na Le Bars, a par­ticipé à la fon­da­tion de Coras­so. Il y a six ans, cette asso­ci­a­tion de patients était des­tinée à faire con­naître les can­cers ORL rares aujourd’hui, Coras­so va au-delà. Dès le début du cours, Sab­ri­na Le Bars donne le ton : « Il s’agit de partager votre exper­tise et notre expéri­ence. »

Cette heure et demie a per­mis de mesur­er com­bi­en, au-delà de l’expérience sin­gulière, les trois patientes qui ani­maient ce cours por­taient en réal­ité un véri­ta­ble regard expert sur la mal­adie. Cha­cune, tour à tour, a racon­té les grandes lignes de sa mal­adie, les traite­ments : les espoirs et les craintes avant une chirurgie qui touche au vis­age, à la voix ; avant la radio­thérapie, ses béné­fices et ses con­traintes (le masque, la brûlure, les prob­lèmes de sali­va­tion, les fauss­es routes, la gorge car­ton­née…) ; avec l’absolue néces­sité de réé­d­u­ca­tion, kinésithérapie, ortho­phonie… Chaque témoignage était celui d’une gueule cassée – terme util­isé par Coras­so en référence à la cam­pagne de com­mu­ni­ca­tion Quoi ma gueule ?

Aujourd’hui, ces vis­ages et ces voix, après de longues réé­d­u­ca­tions, sont ceux de citoyens qui font béné­fici­er les soignants de leurs con­nais­sances : celles issues de leur pro­pre expéri­ence, et celles acquis­es grâce à une réflex­ion plus large sur les rouages de la médecine et les par­cours de soin. Avec, tou­jours, un alliage de recon­nais­sance de l’humanité et de la qual­ité pro­fes­sion­nelle de ceux qui ont pris soin, mais aus­si d’esprit cri­tique vis-à-vis de ce qui n’a pas fonctionné.

Des mes­sages forts

Les patientes ont fait pass­er des mes­sages essen­tiels, au pre­mier rang desquels l’enjeu de l’information : besoin, dès le début puis tout au long du par­cours, d’être à la fois infor­mé et ras­suré, sans faux-sem­blant. La recon­nais­sance d’une zone d’incertitude médi­cale est audi­ble si elle est accom­pa­g­née d’une parole qui épaule. La sub­til­ité et le tact extrême néces­saire, pour le médecin, de jauger la volon­té de tel patient de savoir ou non, et de mesur­er pour chaque per­son­ne, à chaque instant, le « jusqu’où dire et com­ment dire » ; la tem­po­ral­ité, enfin, de l’information à don­ner : « On ne se débar­rasse pas d’une infor­ma­tion comme d’un sac à dépos­er d’un coup, l’information se délivre au rythme du patient, et ce qui n’est pas dit aujourd’hui pour­ra sans doute l’être demain. »

L’intégration, oblig­a­toire et pré­coce, des soins de sup­port fut le deux­ième mes­sage clé. Opéré et irradié pour un can­cer ORL, les ques­tions de dég­lu­ti­tion, d’alimentation, de phona­tion, d’ouverture de bouche ou encore de douleur se posent avec acuité. Le rôle du kinésithérapeute, de l’orthophoniste, du nutri­tion­niste, du psy­cho­logue aus­si, est alors vital. Selon la patholo­gie, kinésithérapie et ortho­phonie doivent être com­mencés très tôt, et pour cela, l’information du patient et l’organisation du par­cours est au cœur de la réus­site. Le recours pos­si­ble à des pra­tiques médi­cales telles que sophrolo­gie ou auricu­lothérapie doit aus­si être inté­gré dans les ressources disponibles pour le patient. Enfin, l’existence de médecines par­al­lèles, prop­ices à l’abus de con­fi­ance mais large­ment et notoire­ment util­isées, doit être abor­dée libre­ment entre patient et médecin.

La rela­tion sin­gulière soigné-soignant fut le fil rouge de l’échange. Au-delà du strict champ de l’information, ce sont bien la con­fi­ance et la recon­nais­sance de l’expertise respec­tive qui ont été mis­es en lumière. La par­tic­i­pa­tion du patient à la déci­sion dépend de cha­cun : cer­tains patients souhait­ent être « acteurs de leur traite­ment », d’autres moins ; mais dans les sit­u­a­tions les plus com­plex­es, comme la dis­cus­sion entre recon­struc­tion et pro­thèse, une rela­tion de con­fi­ance mutuelle et de réelle trans­parence per­met un choix, au final, partagé. Ce col­loque sin­guli­er pré­vaut dans tous les cas, quels que soient les out­ils mod­ernes de com­mu­ni­ca­tion et leur automa­ti­sa­tion : « Appren­dre par SMS mon pre­mier ren­dez-vous de radio­thérapie, donc com­pren­dre que j’étais en rechute sans même avoir revu mon onco­logue, c’est un trau­ma­tisme. ». La force de cette rela­tion se traduit jusque dans l’épineuse ques­tion de l’adhésion thérapeu­tique : « Ne cul­pa­bilisez pas si un patient refuse telle propo­si­tion de traite­ment, c’est une pos­si­bil­ité, son droit… », dit Sab­ri­na Le Bars.

Une inter­ac­tiv­ité soutenue avec les étudiants

Le cours lui-même fut illus­tratif de la demande d’échange entre soignés et soignants. Les étu­di­ants, à l’évidence récep­tifs à cet enseigne­ment venu des patients, ont abor­dé tous les sujets, posé de nom­breuses ques­tions : ressources mobil­isées par les patients pour entr­er dans le dif­fi­cile par­cours face au can­cer ? Impli­ca­tion dans les réu­nions de con­cer­ta­tion pluridis­ci­plinaire, sen­ti­ment d’avoir par­ticipé, été acteur du pro­jet de soins ? Rôle du médecin trai­tant ? Et l’après-cancer, sen­ti­ment de libéra­toire ou d’abandon ?…
2020 mar­que donc à Gus­tave Roussy l’an I de l’engagement des patients dans l’enseignement des médecins. Dans le champ du médi­cal comme du social, plus rien ne peut se faire en ce 21e siè­cle sans une prise en compte véri­ta­ble des usagers et des per­son­nes accom­pa­g­nées. Cet enjeu de Démoc­ra­tie en San­té trou­ve toute sa force dans le domaine de l’enseignement des pro­fes­sion­nels : c’est vrai pour tous les métiers du soin, et le cours Radio­thérapie des can­cers ORL illus­tre l’apport majeur de trois patientes, issues ou non du monde asso­ci­atif, diplômées ou non, pour par­ticiper à la for­ma­tion des médecins.

Doc­teur François Blot, Doc­teur réan­i­ma­teur, Mis­sion éthique et expéri­ence patients Gus­tave Roussy

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