Des patients partenaires pour sensibiliser les étudiants aux cancers oraux dans les facultés

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Blan­dine Burghard, jeune chirurgien-den­tiste, a mené une enquête sur “la con­nais­sance des fac­teurs de risque et du dépistage du can­cer oral des étu­di­ants et chirurgiens-den­tistes en France ». Objec­tif ? Point­er les lacunes et pro­pos­er des pistes d’amélioration.

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Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes svp ?

Je suis doc­teur en chirurgie den­taire de la fac­ulté d’Aix Mar­seille J’ai com­mencé mes études d’odontologie en 2015 (PACES) et je suis diplômée depuis décem­bre 2022. J’ai d’ailleurs tout récem­ment reçu le prix de thèse URPS de la région PACA. Je suis égale­ment nom­mée pour le prix UFSBD de l’AFD (con­grès nation­al des den­tistes) qui a lieu le 29 novem­bre 2023.

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Dans quelle optique avez-vous mené cette enquête dans le cadre de votre thèse de fin d’étude ?

Le can­cer de la tête et du cou n’est pas seule­ment mécon­nu de la pop­u­la­tion. Il y a égale­ment cer­taines lacunes con­cer­nant une par­tie des pro­fes­sion­nels de san­té. En effet, dans cer­tains cas, un retard diag­nos­tic aurait pu être évité avec un exa­m­en des muqueuses buc­cales (pou­vant être fait par les chirurgiens-den­tistes, les médecins général­istes, les ORL, les stom­a­to­logues…). Mon objec­tif étant d’é­val­uer les lacunes exis­tantes, en adres­sant un ques­tion­naire à 1098 per­son­nes (398 chirurgiens-den­tistes, 649 étu­di­ants et 51 internes) et de pro­pos­er des pistes d’amélio­ra­tion dans la con­clu­sion de ma thèse.

Quels ont été ses principaux enseignements ?

Mon enquête a con­fir­mé que cer­taines zones anatomiques de la muqueuse buc­cale (par exem­ple la luette, le planch­er de la bouche…) ne sont pas suff­isam­ment exam­inées lors de con­sul­ta­tion de con­trôle. Alors que para­doxale­ment, les élé­ments à rechercher lors d’un dépistage du can­cer oral sont mieux con­nus (lésion ulcéreuse, lésion rouge et/ou blanche, lésion pig­men­taire…). La théorie est donc acquise mais l’application clin­ique l’est moins. Cepen­dant, un groupe de répon­dants a sta­tis­tique­ment de meilleurs résul­tats : ceux qui ont été con­fron­tés à un cas de can­cer oral par­mi leur patien­tèle et/ou leur entourage.

Votre enquête a montré que certains facteurs de risque de cancers de la tête et du cou n’étaient pas encore assez connus par les dentistes ? A quoi l’attribuez-vous ?

En ce qui con­cerne le HPV, il a été recon­nu comme fac­teur de risque seule­ment depuis quelques années, ce qui peut expli­quer en par­tie qu’il soit moins bien con­nu que le tabac et l’alcool, ces derniers étant recon­nus depuis bien plus longtemps. Le lichen plan est respon­s­able dans 2% des cas d’une trans­for­ma­tion en lésion maligne, ce qui représente peu de cas. Les prati­ciens étant rarement con­fron­tés à cette sit­u­a­tion, cela peut expli­quer cette mécon­nais­sance à pro­pos de cette lésion à poten­tiel malin.

Actuellement, combien d’heures sont consacrées au cancer durant les études d’odontologie ?

20 heures, dont huit aux can­cers de la tête et du cou, de la deux­ième à la six­ième année.

Ce n’est pas énorme… Que préconisez-vous pour que cela évolue ?

Il faudrait enseign­er dès le début des études (2e année) que les muqueuses buc­cales sont tout aus­si impor­tantes à exam­in­er que l’organe den­taire. Nous sommes des médecins de la cav­ité orale, il faut donc que l’enseignement des patholo­gies de la muqueuse prenne une place plus impor­tante dans le cur­sus uni­ver­si­taire. Par exem­ple, la sen­si­bil­i­sa­tion à un exa­m­en clin­ique plus appro­fondie, comme la tech­nique des trois cer­cles, pour­rait amélior­er le dépistage du can­cer oral.

De quoi s’agit-il ?

Il s’agit d’ordonner l’examen clin­ique de façon la plus effi­cace et logique pos­si­ble en véri­fi­ant toutes les zones anatomiques de la cav­ité orale. Cet exa­m­en est divisé en trois étapes :

1er cer­cle : les lèvres et les zones extérieures par rap­port aux dents

2e cer­cle : les zones intérieures par rap­port aux dents

3e cer­cle : la langue et le car­refour aéro-pharyngé

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Avez-vous pensé à d’autres pistes d’amélioration ?

Le délai d’orientation est égale­ment un point essen­tiel à amélior­er pour dimin­uer la part de can­cer oral diag­nos­tiqué à des stades tardifs. Toutes lésions per­sis­tantes de plus de trois semaines, sans éti­olo­gie, doivent être con­sid­érées comme suspectes.

Dans votre étude, vous relevez que “lorsque l’individu est marqué personnellement ou professionnellement par un cas de cancer oral, il a de meilleures connaissances sur le sujet ». Cela aurait donc beaucoup plus d’impact que la théorie ?

L’étude se base sur les répons­es de 1098 par­tic­i­pants dont 450 ayant déjà été con­fron­tés à un cas de can­cer oral (patien­tèle et/ou entourage). Ce nom­bre impor­tant de par­tic­i­pants nous a per­mis de cal­culer grâce à un logi­ciel sta­tis­tique la sig­ni­fica­tiv­ité de nos résul­tats. Il a donc été démon­tré que les per­son­nes qui ont été con­fron­tés ont de meilleures con­nais­sances, de façon sig­ni­fica­tive, à pro­pos des fac­teurs de risque, et qu’elles effectuent de façon plus sys­té­ma­tique l’examen de cer­taines zones anatomiques, pou­vant être le siège de lésion can­céreuse. Ain­si la con­fronta­tion avec un cas de can­cer oral aurait plus d’impact que des cours théoriques.

Comment sensibiliser l’ensemble des étudiants ?

Par le biais d’une inter­ven­tion, lors d’un cours théorique, d’un patient ayant vécu un diag­nos­tic tardif de son can­cer oral. Ce patient pour­ra expli­quer son par­cours, et les étu­di­ants seront impactés par son dis­cours, par ses séquelles physiques et psy­chologiques égale­ment. Tout cela per­me­t­tra de mon­tr­er aux étu­di­ants les con­séquences directes d’un retard diag­nos­tique qui aurait peut-être pu être évité avec un exa­m­en des muqueuses buc­cales com­plet. Pour que cela ne reste pas let­tre morte, un pro­jet « pilote » pour­rait voir le jour à l’école de médecine den­taire d’Aix-Marseille à la fin de l’année uni­ver­si­taire en cours, au plus tard au début de l’année uni­ver­si­taire 2023–2024.

Toutes ces pistes peu­vent être améliorées grâce à l’enseignement dans les fac­ultés, à la for­ma­tion con­tin­ue et à la cer­ti­fi­ca­tion péri­odique.

Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de vous rapprocher de Corasso ?

Lors de l’analyse des résul­tats de l’étude, la con­clu­sion était sans appel : les répon­dants qui ont été con­fron­tés à un cas de can­cer oral ont de meilleurs con­nais­sances et atti­tudes clin­iques. La seule solu­tion qui per­me­t­trait de con­fron­ter tous les étu­di­ants et tous les prati­ciens serait donc de faire inter­venir directe­ment des patients dans les fac­ultés, sous la forme d’un témoignage. Pour ce faire, j’ai donc décidé de me rap­procher d’une asso­ci­a­tion de patients, et il s’avère que Coras­so est la seule asso­ci­a­tion française sou­tenant les patients ayant eu un can­cer de la tête et du cou, dont un can­cer de la cav­ité buccale.

Que vous a apporté cette collaboration ?

J’ai beau­coup appris de mes échanges avec Sab­ri­na Le Bars. Elle m’a don­né des pistes de recherche très intéres­santes. Elle m’a par exem­ple rap­pelé qu’il exis­tait égale­ment des cas de can­cer des VADS (tête et cou) sans fac­teur de risque associé.

Le fait d’avoir mené cette enquête va-t-elle orienter/influencer votre pratique et votre relation avec vos patients ?

Bien sûr. Je suis beau­coup plus atten­tive aux fac­teurs de risque que les patients peu­vent évo­quer lors de l’anamnèse.

Pro­pos recueil­lis par Céline DUFRANC

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