Corasso appelle à un dépistage précoce de la maladie
Depuis début novembre, Corasso, a lancé une campagne ‑papier et vidéo- pour sensibiliser le grand public et les professionnels de santé à la prévention des cancers tête et cou. Ne pas négliger les signes annonciateurs de ces maladies même lorsqu’ils semblent anodins, c’est le leitmotiv des personnes qui ont témoigné de leur parcours et expérience lors de la journée de tournage, le 31 août dernier à Paris.
« Si vous ressentez l’un de ces symptômes pendant plus de 3 semaines, consultez ! », c’est le message fort porté par la nouvelle campagne de communication de l’association Corasso, dédiée aux cancers tête et cou. Un message qui s’adresse à la fois au grand public et aux professionnels de santé. Mais quels sont ces symptômes ? « Au niveau de la tête et du cou, toute modification — grosseur telle qu’un ganglion, aphte, blessure dans la bouche, dent qui bouge, difficulté à avaler ou à parler, douleur, narine bouchée, perte auditive, difficultés de convergence oculaire… — asymétrique qui perdure au-delà de 3 semaines, doit alerter le patient. Car elle peut être un symptôme annonciateur d’un cancer. Or, plus tôt les patients sont diagnostiqués, plus ils ont de chance de guérir et meilleure sera la qualité de vie pendant et après les traitements », Sabrina Le Bars, présidente de l’association de patients Corasso.
Cette année, Corasso, a souhaité sensibiliser à la prévention des cancers tête et cou par le biais d’une dizaine de témoignages filmés de patients, d’aidants et de soignants. Ces témoignages sont diffusés sur les réseaux sociaux de l’association. Corasso espère également obtenir un spot TV. « Tout dépendra de la générosité des mécènes et de tous ceux qui croient en nous. Nous aimerions aussi obtenir des subventions publiques. Notre campagne de prévention a du sens car les cancers tête et cou brisent la vie de nombreuses personnes et sont très couteux pour la collectivité. Alors que diagnostiquée à temps, cette maladie peut-être guérie dans 90% des cas. Nous avons tout intérêt à délivrer cette information au même titre que celle de la prévention liée à la sédentarité, à la consommation de tabac, d’alcool… Il faut être à l’écoute de son corps, de ses symptômes et être réactif quand on voit que les symptômes ne disparaissent pas », souligne Sabrina Le Bars. D’autre part, des affiches — mettant en exergue l’importance de consulter, quand les symptômes persistent au-delà de 3 semaines — sont visibles dans les gares et pourront être diffusées dans la presse magazine.
Des médecins engagés…
Pour mener à bien cette campagne, l’association a été accompagnée par l’agence de communication bearideas : Caroline Larroque (directrice de clientèle) et Sacha de Potestad (chef de projet). Durant toute une journée — dans le cadre d’un studio de tournage parisien — médecins, patients et proches aidants se sont livrés — face aux caméras — sur leur parcours et la nécessité de mieux prévenir les cancers tête et cou. Mais, pourquoi témoigner ? « Les symptômes peuvent apparaître banals, (ulcération ressemblant à un aphte non douloureux, mal de gorge, douleur à l’oreille). Les patients peuvent retarder une consultation parce que ça n’apparait pas urgent, et au niveau médical, on peut passer à côté, ça arrive. C’est pour cela que l’on sensibilise », affirme le Pr Sylvie Boisramé, Professeure des universités et praticienne hospitalière en chirurgie orale et cheffe de pôle organes des sens (ODS) au CHU de Brest. « Les tumeurs sont souvent difficiles à voir pour un non-ORL, parce qu’elles grossissent dans une cavité et elles mettent du temps à devenir symptomatiques », précise le Pr Philippe Céruse, chirurgien ORL et cervico-facial à l’hôpital de la Croix-Rousse, à Lyon.
Côté patients, les arguments abondent. « Il vaut mieux sensibiliser le grand public, mais aussi, les professeurs en faculté de médecine, à ces cancers dont les symptômes sont peu connus », affirme Antoine, récemment opéré d’un cancer de la langue. « Ces cancers n’arrivent pas qu’aux personnes de plus de 40 ans. Les jeunes adultes et les enfants peuvent aussi en souffrir. Mon cancer ORL, un carcinome épidermoïde des cordes vocales, s’est déclaré à 22 ans », note Emilie, secrétaire pour Corasso. Pour David, « il ne faut rien lâcher ! ». Ce jeune patient traité pour un cancer du nez aimerait contribuer à ce que l’on puisse mieux connaître et prévenir les cancers tête et cou. « Ne rien lâcher, c’est se battre pour soi, mais aussi pour les autres ! Pour faire reculer la maladie coûte que coûte. C’est ce que je me suis promis de faire dès mon entrée au bloc opératoire pour l’amputation de mon nez », poursuit-il. Comme de nombreux patients, David a connu l’errance thérapeutique. « C’est le troisième médecin ORL que j’ai consulté qui m’a prescrit une biopsie. Les autres spécialistes pensaient que je n’avais rien de grave. Or j’ai, très tôt, eu l’intuition que j’avais quelque chose d’étrange. Il faut savoir s’écouter et se faire confiance », indique-t-il.
« Il vaut mieux sensibiliser le grand public, mais aussi, les professeurs en faculté de médecine, à ces cancers dont les symptômes sont peu connus »
Antoine, 38 ans, touché par un cancer de la langue
… pour favoriser une prise en charge plus rapide
Véronique, quant à elle, a dû attendre un an entre les premiers symptômes de son cancer de la parotide et son opération. « Au début, je sentais juste une petite boule indolore sous la peau, devant l’oreille. Je pensais que c’était bénin. Mais la biopsie post-opératoire a révélé un cancer. J’aimerais que mon témoignage contribue à une prise en charge plus rapide des patients ». Christine, elle aussi, s’est battue pour obtenir un diagnostic. « Pendant longtemps, j’avais des problèmes de convergences, de chutes à répétition. Les ophtalmologues me disaient qu’il fallait porter des lunettes et faire des séances d’orthoptie. Quand on a des symptômes persistants, il faut, à un moment donné, s’affirmer pour se faire entendre des médecins et surtout, ne pas tarder à consulter. Si mon cancer de la glande lacrymale avait été diagnostiqué plus tôt, je n’aurais sûrement pas dû subir l’ablation de mon œil gauche », confie-t-elle, avec tristesse et colère. Chantal, pour sa part, se bat aux côtés de son époux Joseph traité, il y a quelques années, pour un cancer de la parotide. « Nous avons connu un véritable parcours du combattant. Entre 2010 (apparition d’une petite grosseur à l’avant de l’oreille) et 2016 (diagnostic du cancer), mon mari s’est « baladé » avec une tumeur que l’on pensait bénigne ! Aucun médecin ne nous avait parlé d’un éventuel cancer », note-t-elle. Aujourd’hui, Joseph est en rémission. « Si je témoigne pour cette campagne, c’est pour donner de l’espoir à tous les patients. Il y a une vie après le cancer. Être aux côtés des personnes que l’on aime et continuer à se faire plaisir… cela fait aussi partie de la guérison ! », conclut-il.
Propos recueillis par Hélia Hakimi-Prévot
3 questions à Sabrina Le Bars, présidente de l’association de patients Corasso
Quel est l’objectif de cette campagne de communication ?
Le but de cette campagne, c’est de faire sortir de l’ombre les cancers tête et cou (ORL, voies aéro digestives supérieures, maxillo facial et cervico faciales) pour limiter l’errance diagnostique, mais aussi, les complications et les décès évitables. Ce sont des cancers très peu connus, qui souffrent de tabous. En effet, on les associe souvent à l’alcoolisme et au tabagisme et, depuis quelques années, au papillomavirus : maladie sexuellement transmissible qui reste également taboue, au sein de la population.
Pourquoi la prise en charge des cancers tête et cou est un sujet aussi important ?
Ces cancers font partie de ceux dont on parle peu. Or ils peuvent abîmer le visage, la voix, ils isolent beaucoup les patients. Une grande majorité de la population ne connaît pas ces pathologies. Résultat : quand ils sont exposés à des symptômes banaux pouvant ressembler à ceux liés aux virus hivernaux (maux de gorge, nez bouché, douleur à l’oreille…) ou encore dent qui bouge, aphte, ganglion…, ils se disent que « ça va passer ». Or, au bout d’un moment, comme l’a rappelé le Pr Sylvie Boisramé (chirurgienne à Brest, spécialiste des cancers tête et cou), quand le symptôme ne disparaît pas – et tant que l’on n’a pas prouvé qu’il est bénin – il faut suspecter sa malignité. Il ne faut pas, pour autant, tomber dans la phobie du moindre symptôme mais cela vaut le coup de consulter lorsqu’un symptôme dure plus de 3 semaines.
Que faire pour améliorer le diagnostic de ces pathologies ?
Certains patients n’ont pas le profil type des personnes atteintes d’un cancer tête et cou : ce sont plutôt des femmes jeunes, qui ne sont ni alcoolo-dépendantes, ni fumeuses. Ces personnes-là ne peuvent se douter d’un éventuel cancer ORL face à des symptômes anodins : « elles passent entre les mailles du filet plus facilement que les patients ayant des facteurs de risque de cancer tête et cou. Or elles devraient consulter dès lors que ceux-ci persistent plus de 3 semaines. Les jeunes hommes sont tout autant concernés.
Par ailleurs, il faut savoir s’écouter : en cas de doute – par exemple, quand le symptôme évolue ou que le traitement prescrit n’est pas efficace — il ne faut pas hésiter à demander un deuxième avis médical. En effet, certains médecins, peu sensibilisés ou formés aux cancers tête et cou, peuvent se tromper de diagnostic, ou encore, penser que le(s) symptôme(s) dont souffre le patient est bénin. L’erreur est humaine. Nous sommes très respectueux et reconnaissants du travail des professionnels de santé : ils sauvent des vies !