Après un cancer ORL, le risque de rechute dépend du stade initial de la maladie. En cas de métastase, le choix du traitement s’effectue au cas par cas. Les progrès thérapeutiques, tels que l’immunothérapie, offrent de beaux espoirs aux patients. Ils permettent, dans certains cas, d’obtenir une rémission complète et prolongée de la maladie. Corasso fait le point sur la question avec le Dr Caroline Even, cheffe du service de l’oncologie médicale ORL, Gustave Roussy.
Qu’est ce qu’une métastase et comment se manifeste la rechute en cas de cancer ORL ?
Dans les cancers ORL, la rechute peut survenir de deux façons : soit la maladie récidive au niveau loco-régional (site de la tumeur initiale ou ganglions du cou) : c’est le cas de figure le plus fréquent. Soit, dans d’autres organes, à distance de la zone primitive : c’est ce que l’on appelle une métastase. En effet, ce terme désigne une tumeur formée à partir de cellules cancéreuses (issues d’une tumeur primitive ou de ganglions régionaux) qui ont migré dans une autre partie du corps où elles se sont installées. Les organes les plus fréquemment touchés par une métastase sont les ganglions, les poumons, les os et le foie.
Quand la maladie rechute au même endroit que l’épisode initial, la situation peut être complexe pour le patient car la zone concernée a déjà été traitée par chirurgie et/ou par radiothérapie. Cela suppose aussi que la maladie a « échappé » aux traitements proposés.
Plusieurs cas de figure peuvent expliquer l’échappement thérapeutique. Parfois, en cas d’opération, la tumeur primitive est bien enlevée mais des cellules tumorales environnantes non détectables lors de l’intervention n’ont pas pu être retirées. Dans ce cas, on observera plus souvent une récidive loco-régionale. En cas de radiothérapie, dans certains cas, les cellules cancéreuses peuvent être résistantes à l’irradiation et, là encore, engendrer soit une récidive loco-régionale, soit des métastases.
Comment évalue t‑on le traitement nécessaire en cas de rechute de cancer ORL ?
Lorsque le patient présente une rechute de son cancer ORL, son dossier médical est étudié dans le cadre d’une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP). Ces réunions regroupent des professionnels de santé de différentes disciplines dont les compétences sont indispensables pour prendre une décision accordant aux patients la meilleure prise en soin en fonction de l’état de la science. En RCP, nous évaluons toutes les possibilités thérapeutiques possibles.
Pour trouver le traitement optimal, nous devons répondre à une multitude de questions et notamment : quel est le type de rechute du patient ? Est-ce loco-régional ou métastatique ? La rechute est-elle opérable ? Une nouvelle radiothérapie est-elle envisageable ? Les traitements locaux ne sont pas toujours possibles : irradier à nouveau une zone qui a déjà bénéficié d’une radiothérapie nécessite une réflexion sur les bénéfices et les risques (effet secondaires) d’un tel traitement. En cas de rechute loco-régionale, lorsque l’on ne peut pas proposer un traitement local, notre stratégie thérapeutique est la même que pour un patient présentant des métastases.
Quelle est la stratégie thérapeutique en cas de rechute loco-régionale quand un traitement local ne peut être envisagé et en cas de métastases ?
Il existe plusieurs traitements systémiques : la chimiothérapie cytotoxique, les thérapies ciblées, l’immunothérapie et éventuellement l’hormonothérapie. Le choix s’effectue au cas par cas mais aussi, en fonction du type de cancer initial : carcinome épidermoïde (tumeur maligne qui naît dans les cellules squameuses de la peau) ou tumeur rare.
Quand le patient présente peu de métastases (une seule ou deux), avant de proposer un traitement systémique, nous pouvons discuter d’un traitement local : radiothérapie ou radiologie interventionnelle (radiofréquence ou cryothérapie). La radiofréquence consiste à détruire la tumeur en utilisant une source d’énergie et en « brûlant » les tissus atteints. La chaleur permet la destruction de la tumeur. Quant à la cryothérapie, elle consiste à détruire des cellules tumorales par le froid, en introduisant directement dans la tumeur une aiguille dont l’extrémité est refroidie à ‑180 degrés. L’intervention est guidée par l’imagerie (scanner). Parfois, une chirurgie est également possible.
De même, lorsque l’on a opté pour une chimiothérapie ou une immunothérapie pour traiter la rechute, ce traitement peut s’avérer très vite efficace : une ou deux métastases peuvent rester alors même que l’on est en cours de traitement. On peut aussi décider d’effectuer le traitement local en complément de la chimiothérapie ou de l’immunothérapie visant à éradiquer la(les) métastase(s) restante(s). Attention toutefois, ces changements de traitement ne sont pas systématiques : ils sont discutés, au cas par cas, pour chaque patient.
Enfin, outre les traitements médicamenteux, de cas de rechute loco-régionale ou de métastase, les soins de supports médicamenteux (anti-nauséeux, anti-douleurs) ou non médicamenteux (soutien psychologique, nutritionnel, activité physique adaptée à l’état de santé, hypnose, auriculothérapie…) permettent d’améliorer certains symptômes, la tolérance au traitement et la qualité de vie du patient. Les soins de supports font partie intégrante du traitement des rechutes et métastases de cancer ORL.
Quel est le risque de faire une rechute après un cancer ORL ?
On sait que 40 à 60% des patients ayant eu un carcinome épidermoïde à un stade avancé (stades 3 et 4) rechutent — soit au niveau loco-régional, soit au niveau métastatique — dans les 5 ans. Globalement, 30% des patients ayant eu un stade avancé font une rechute loco-régionale, 30% font une rechute métastatique et 30% encore ont une rechute à la fois loco-régionale et métastatique.
Pour les stades 1 et 2, les chances de guérison sont de 80 à 90%.
Concernant les tumeurs rares, le risque de rechute dépend de chaque type de tumeur rare. Nous ne disposons pas de statistiques sur cette question.
Quel avenir et quels espoirs peut-on donner aux patients ayant été traités pour une rechute de leur cancer ORL ?
Nous expliquons aux patients ayant eu une rechute loco-régionale (non accessible à une chirurgie de rattrapage ou une réirradiation) ou des métastases qu’ils ne pourront pas guérir. Leur maladie n’est malheureusement pas curable. Les espoirs de survie dépendent du type de cancer initial, de l’évolution que le patient présente et du délai de rechute par rapport au traitement initial. Je ne donne jamais de statistiques aux patients. Car les chances de survie dépendent, en réalité, de chaque patient.
Les progrès thérapeutiques offrent, néanmoins, de beaux espoirs aux patients en rechute. L’arrivée de l’immunothérapie ces dernières années donne une possibilité thérapeutique supplémentaire. Chez certains patients en rechute, ce traitement est plutôt bien toléré et permet une rémission durable, complète et prolongée.
Après un cancer ORL, peut-on prévenir ou limiter le risque de métastase ?
Les traitements que nous proposons pour un premier cancer ORL sont toujours adaptés au risque de rechute loco-régionale et métastatique. Autrement dit, ils sont censés permettre de prévenir les rechutes. Pour les stades précoces, le traitement repose soit sur de la chirurgie, soit sur de la radiothérapie. Pour les stades plus avancés, nous proposons soit de la chirurgie associée à de la radiothérapie+/-chimiothérapie, soit de la radiochimiothérapie seule. Plus le stade du cancer est avancé, plus le risque de rechute globale est important.
Concernant la nutrition, aucun régime alimentaire n’a prouvé son efficacité pour prévenir les rechutes de cancer ORL. Le sevrage du tabac et/ou de l’alcool fait partie intégrante du traitement pour éviter les rechutes, notamment chez les patients ayant présenté un cancer épidermoïde. Enfin, l’activité physique adaptée (quand elle est possible) est très bénéfique pour la santé des patients ayant eu un cancer ORL.