La recherche en pleine ébullition
Alors que l’Institut national du Cancer (INCA) répertorie sur son site Internet* les essais cliniques dans le domaine des cancers tête et cou, également appelés cancers des Voies Aérodigestives Supérieures (VADS) ou ORL, Corasso fait le point sur les principales recherches en cours.
Actuellement, la chirurgie et la radiothérapie sont les traitements les plus efficaces pour la majorité des cancers de la tête et du cou. La chimiothérapie, quant à elle, peut être utilisée en association avec la radiothérapie, soit comme traitement unique, soit après la chirurgie. Pour les cancers de mauvais pronostic, la chimiothérapie est associée à la radiothérapie pour augmenter l’efficacité des traitements. Seule particularité française : pour les patients candidats à une laryngectomie totale, une chimiothérapie peut être proposée en première intention. « Cette chimiothérapie néo-adjuvante (c’est à dire que l’on fait avant) permet de sélectionner les « bons répondeurs » : ceux qui pourront être irradiés et qui auront donc une chance d’échapper à la chirurgie. Cette stratégie diffère de celle des anglo-saxons. Aux Etats-Unis, il n’y a pas de chimiothérapie néo-adjuvante. Tous les patients sont d’abord irradiés. Ceux pour lesquels la radiothérapie a échoué sont, ensuite, opérés », affirme le Pr Beatrix Barry, vice-présidente de la Société Française de Carcinologie cervico-faciale (SFCCF).
Des études pour connaître la meilleure stratégie de traitement
Pour les patients dont la tumeur est à un stade avancé ou métastatique, la radiothérapie associée à la chimiothérapie est souvent proposée. Dans les cancers de la tête et du cou, la chimiothérapie et l’immunothérapie constituent également des traitements palliatifs, proposés aux personnes présentant une récidive inopérable ou des métastases après un premier traitement. De nombreuses d’études concernant la stratégie de traitement à adopter sont en cours. « L’étude SALT ORL, par exemple, compare l’attitude française dans les cancers nécessitant une laryngectomie totale à l’attitude anglo-saxonne. Autrement dit, l’objectif est de savoir si une chimiothérapie néo-adjuvante sélectionnant les patients pouvant être opérés ou irradiés est une stratégie plus ou moins efficace (en termes d’espérance de vie et de qualité de vie) qu’une radiothérapie effectuée d’emblée chez tous les patients. Les premiers résultats de l’étude devraient être connus d’ici 3 ans au plus tard », note le Pr Barry.
Autre étude stratégique, SANTA. Elle compare le traitement classique des cancers des glandes salivaires (radiothérapie seule) à un traitement associant radiothérapie et chimiothérapie. Dans le domaine de la chirurgie, de nouvelles recherches sont également menées. « Deux études, l’une française et l’autre européenne (menée en Suisse) comparent la chirurgie seule à la radiothérapie seule dans le traitement des tumeurs de l’amygdale diagnostiquées à un stade précoce », ajoute le Pr Barry. Par ailleurs, un essai clinique étudie la place de la radiothérapie stéréotaxique (technique d’irradiation de haute précision) chez les patients qui développent des métastases pulmonaires uniques ou peu nombreuses.
De nombreux essais cliniques dédiés à l’immunothérapie
Pour traiter les cancers tête et cou (tous types confondus), les essais cliniques impliquant l’immunothérapie sont très nombreux. Ces études testent, par exemple, l’efficacité de l’immunothérapie en traitement adjuvant (après un premier traitement) pour les tumeurs de mauvais pronostic. Ou encore, l’association immunothérapie / radiothérapie comparée à la combinaison chimiothérapie / radiothérapie. « En immunothérapie, deux molécules phares ont actuellement l’autorisation de mise sur le marché, le nivolumab et le pembrolizumab, mais de nombreuses autres sont testées dans les études cliniques», indique le Pr Barry. Un patient sur quatre bénéficie actuellement de l’effet thérapeutique de l’immunothérapie. Traitement qui représente un espoir considérable. En effet, pour les patients ayant la chance d’y répondre favorablement, l’immunothérapie s’avère très efficace.
Aujourd’hui, s’il n’est pas possible de prédire qu’un traitement d’immunothérapie sera efficace sur un patient donné, des études en cours tentent d’identifier des marqueurs histologiques de réponse aux traitements. « Par ailleurs, actuellement, même si nous ne savons pas exactement quels patients vont répondre à l’immunothérapie, nous bénéficions de quelques pistes grâce au score CPS. Ce score est calculé en tenant compte du nombre de protéines (appelées PDL‑1) présentes à la surface des cellules cancéreuses. Certains médicaments d’immunothérapie tels que le pembrolizumab, ne peuvent être prescrits qu’aux patients ayant un score CPS ≥1. Ces patients ayant de grandes chances de pouvoir répondre à ce traitement », assure le Pr Barry.
Des travaux pour optimiser le suivi des patients
Une série d’études cliniques sont en cours pour connaître les meilleures modalités d’accompagnement des patients présentant un cancer tête et cou. « Par exemple, un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) baptisé PETAL cherche à connaître l’intérêt de former des infirmières afin qu’elles puissent accompagner les patients vers l’arrêt du tabagisme. Un autre essai clinique, intitulé SURVEIL, mené à l’Institut Gustave Roussy, compare le suivi classique des patients ayant un cancer tête et cou (consultations régulières et examens en cas de signes d’appel) à un suivi plus intensif, incluant des examens systématiques : un scanner et un TEP-scan tous les 6 mois », conclut la spécialiste.
Thérapies ciblées : de nouveaux espoirs pour les patients
Les thérapies ciblées correspondent à un médicament qui s’attaque aux cellules cancéreuses en repérant, chez elles, une cible précise (récepteur, gène ou protéine) et en épargnant au maximum les cellules saines. Les essais cliniques en cours sur les thérapies ciblées concernent essentiellement des tumeurs évoluées. Le cétuximab (Erbitux) est actuellement la seule thérapie ciblée utilisée pour les cancers tête et cou. De nombreuses études en cours comparent les associations de traitement par chimiothérapie / Erbitux à l’immunothérapie pour les tumeurs localement avancées. « L’étude REACH, par exemple, compare l’association avelumab / cétuximab / radiothérapie à un traitement classique par radio-chimiothérapie (ou par radiothérapie/ Erbitux), selon l’état général du patient », indique le Pr Barry. D’autres études s’intéressent, par ailleurs, à l’intérêt du cétuximab chez les patients en récidive. « L’essai ELAN-UNFIT évalue, par exemple, la possibilité de remplacer la chimiothérapie (méthotrexate) par le cétuximab en traitement de première intention chez les patients âgés et fragiles présentant une tumeur métastatique ou en rechute », précise le Pr Barry. Enfin, un autre médicament de thérapie ciblée : l’afatinib (un inhibiteur de tyrosine kinase) est actuellement en cours d’évaluation dans les cancers tête et cou.
Par Hélia Hakimi-Prévot
Pour répondre à sa mission d’information, Corasso vous tiendra régulièrement informés de l’avancée de toutes ces études et vous présentera chacune d’elles en détail au cours des prochaines newsletters. Un entretien est d’ailleurs prévu dans les prochains jours avec le Professeur Jean-Pierre Delord au sujet des vaccins personnalisés pour limiter les risques de récidives de certains cancers tête et cou. Vous avez des questions sur ce vaccin ? Envoyez-les à contact@corasso.org pour que le Pr Delord vous réponde.
*En savoir plus : registre des essais cliniques, Institut national du Cancer : https://www.e‑cancer.fr/Professionnels-de-la-recherche/Recherche-clinique/Le-registre-des-essais-cliniques/Le-registre-des-essais-cliniques