L’état nutritionnel est un élément important de la réussite des traitements. Raison pour laquelle il est indispensable de rencontrer une diététicienne dès le début de sa prise en charge. Le point avec Caroline CHAPOLARD, diététicienne nutritionniste dans le
Service ORL du CHU de Montpellier.
Pourquoi est-il important d’être suivi par une diététicienne-nutritionniste ?
En raison du risque de dénutrition, un problème que l’on rencontre couramment chez les patients atteints de cancers. Elle peut être due à plusieurs facteurs comme la maladie elle-même, qui fait que le patient dépense plus de calories, les séquelles chirurgicales, la difficulté à déglutir (dysphagie), la perte d’appétit, les nausées et vomissements, l’hypersalivation ou au contraire l’asialie (absence de salive), voire la douleur. Mais une alimentation adaptée peut aider à prévenir la dénutrition et améliorer la qualité de vie des patients. L’adage, « mieux vaut prévenir que guérir », prend ici tout son sens car l’état nutritionnel pré-opératoire du patient conditionne les suites post-opératoires.
Quelles peuvent être les conséquences d’une dénutrition ?
Elles sont nombreuses. Un amaigrissement engendre une fonte de la masse musculaire et donc une baisse de tonus et une plus grande fatigabilité. D’autres conséquences sont moins visibles comme une diminution des défenses immunitaires. La dénutrition accroit les risques de retard de cicatrisation et d’infection et de ce fait une prolongation de l’hospitalisation, un retour à domicile retardé avec un risque de réhospitalisation. De plus, les traitements de chimiothérapie sont calculés selon la surface corporelle et donc du poids, plus le poids diminue, plus la dose de chimiothérapie est diminuée. Or, les effets secondaires augmentent avec la diminution de la masse musculaire.
Pour limiter ces risques, comment a‑t-on accès à ces consultations ?
Une unité diététique est présente dans la plupart des établissements de soins. Mais si une prise en charge diététique n’est pas initiée durant votre parcours de soin, il ne faut pas hésiter à la demander. Dans le service ORL du CHU de Montpellier, je vois les patients dès la biopsie, pour faire un bilan de l’état nutritionnel. Dans le cadre du Parcours de soins des patients laryngtomisés totaux, ces derniers viennent en hôpital de jour avant l’intervention pour rencontrer l’orthophoniste, un patient témoin et la diététicienne. Cette hospitalisation a pour objectif d’informer le patient des séquelles de l’intervention, de la prise en charge nutritionnelle et orthophonique. Une nutrition artificielle peut être décidée en fonction du grade nutritionnel de ce dernier.
Quels types de conseils donnez-vous ?
Ils sont très variés, et dépendent des difficultés rencontrées par les patients. En cas de dysphagies, je donne des conseils nutritionnels pour atteindre la texture recommandée par l’orthophoniste tout en permettant une couverture des besoins caloriques. En cas d’hyposalivation, on favorisera une alimentation lubrifiée et mixée, qui glisse mieux. Il est conseillé de boire pendant le repas, de fractionner les prises et de consommer des aliments acides qui augmentent la salivation (eau citronnée, préparation à base de fruits rouges…). En cas de lésion buccale douloureuse à la prise alimentaire, on peut conseiller des adaptations de repas telles qu’une texture modifiée, la prise des liquides à la paille pour éviter le déplacement du bol alimentaire dans la bouche.
Comment maintenir un bon état nutritionnel ?
L’indicateur le plus simple permettant de savoir si les besoins en énergie de l’organisme sont couverts par les apports alimentaires, c’est le poids. Je recommande de se peser une fois par semaine, le matin à jeun. Si l’on constate une perte de poids importante et rapide il faut le signaler rapidement à son médecin. Une perte de 5% de son poids en 1 mois ou 10% en moins de 6 mois correspond à une dénutrition. En pré-opératoire, l’intervention diététique dépend du grade nutritionnel du patient qui dépend lui-même de son statut nutritionnel et du risque de morbidité de l’intervention. La prise en charge diététique peut conduire à une simple remise de conseils nutritionnels, à la mise en place de compléments nutritionnels oraux voire l’initiation d’une nutrition artificielle par sonde naso-gastrique.
Quand doit-on recourir à la nutrition entérale/parentérale ?
Si l’on diagnostique une dénutrition chez un patient et que ce dernier consomme moins des 2/3 de ses besoin il est recommandé de mettre en place une nutrition artificielle par sonde-nasogastrique. Dans le cadre d’une intervention chirurgicale, elle doit être initiée au minimum 10 jours avant l’intervention. Si cette nutrition artificielle dure plus d’un mois, une pose de gastrostomie peut être prévue.
Si le tube digestif n’est pas fonctionnel, nous pouvons avoir recours à une nutrition parentérale (intraveineuse). Cette dernière a un risque de complications plus important et doit être discutée.
Propos recueillis par Céline Dufranc
BON A SAVOIR : après l’hospitalisation, après un bilan initial, un parcours post-cancer est prescrit par l’oncologue ou le médecin traitant dans un montant maximal de 180 euros par an et par patient, sans reste à charge ni avance de frais pour le patient. Il peut comprendre un bilan d’activité physique, qui donne lieu à l’élaboration d’un projet d’activité physique adaptée, un bilan diététique, un bilan psychologique ainsi que des consultations de suivi diététiques et psychologiques.
–> Se renseigner sur le site de l’ARS (agence régionale de santé) dont vous dépendez.
COUPS DE POUCE :
Chef RICO : Des recettes pour retrouver le goût des bonnes choses en versions hachées, mixées et/ou en petite quantité : cake à la feta et à la menthe, riz au lait vanillé enrichi, bavarois à la fraise, hachis parmentier au poulet et pruneaux, muffin aux pommes mixées et à la poudre d’amande etc
IDÉES RECETTES :
Un bar à compléments alimentaires
A Levallois-Perret, l’Institut Rafaël, maison de l’après-cancer, a installé un Bar à compléments alimentaires pour que les patients puissent goûter différents produits. Caroline Perrault, responsable de la cuisine, crée des recettes gourmandes à base des CNO pour leur permettre de mieux les consommer et de garder un lien social en se mettant à table avec les proches, tout en mangeant « utile ».