Dépistés souvent tardivement à un stade avancé, les cancers de la tête et du cou sont redoutés pour leurs conséquences esthétiques et fonctionnelles. Le point avec nos experts.
Cancer de la tête et du cou : décryptage
Près de 15 000 nouveaux cas de cancers tête et cou sont diagnostiqués chaque année en France. 70% sont dépistés à un stade avancé. La majorité de ces cancers se développent au niveau du revêtement des muqueuses* de la bouche, de la gorge et du larynx. Ils ont tendance à s’étendre en superficie mais aussi, à creuser les muqueuses en profondeur. D’autres types de cancers tête et cou peuvent survenir autour des muqueuses. Beaucoup plus rares, ils touchent notamment les glandes salivaires et les tissus durs tels que les os ou le cartilage du nez et des oreilles, par exemple.
En France, 80% à 90% des cancers tête et cou sont des carcinomes épidermoïdes**. Ces termes médicaux font référence aux cancers survenant au niveau de l’épithélium : revêtement externe (en surface de la peau) ou interne (surface d’une muqueuse) de nos organes. Lorsqu’ils se développent dans la bouche, ces cancers touchent le plus souvent le bord de la langue ou le dessous de la langue (plancher de la bouche). Mais ils peuvent se loger à tous les niveaux de la cavité buccale : gencives, joues et palais. Quand ils apparaissent au niveau du pharynx (gorge), les cancers tête et cou se nichent dans les amygdales, dans l’arrière de la langue et/ou le fond de la gorge. Les carcinomes épidermoïdes peuvent aussi atteindre le larynx. « Au niveau des cordes vocales, nous pouvons observer des tumeurs de petite taille, débutantes, faciles à traiter. Car elles entraînent immédiatement une modification de la voix incitant le patient à consulter », affirme le Dr Stéphane Temam, médecin ORL, chef du service Cancérologie Cervico-Faciale, à l’Institut Gustave Roussy (Villejuif ). Cette situation est rare pour les autres localisations des cancers tête et cou. « En effet, quand nous diagnostiquons des tumeurs situées dans la bouche ou la gorge par exemple, elles sont souvent volumineuses et déjà bien évoluées. Car pour ces localisations, les tumeurs doivent avoir pris suffisamment d’ampleur pour entraîner des symptômes », poursuit le Dr Temam.
Tabac et alcool sont les deux grandes causes de cancers tête et cou mais elles sont loin d’expliquer à elles seules, la survenue de toutes ces pathologies. Quant à la douleur, elle reste le principal symptôme révélateur des carcinomes épidermoïdes. Malheureusement, dès lors que ces tumeurs commencent à entraîner des symptômes, le cancer devient évolutif. Sans traitement, l’état du patient se dégrade, plus ou moins rapidement, au fil du temps. Les cellules cancéreuses, d’abord limitées à l’organe concerné, peuvent se détacher de la tumeur et migrer vers les tissus voisins par le biais des vaisseaux sanguins. Elles peuvent alors envahir d’autres parties du corps : les ganglions situés à côté de l’organe concerné, les poumons, les os, le foie. Ces nouvelles tumeurs sont appelées des métastases. Néanmoins, pour plus de 50% des patients, les cancers épidermoïdes restent une maladie loco-régionale : le taux de patients atteints de métastases est, heureusement, faible.
*Les muqueuses sont de minces couches de tissu tapissant la paroi interne de nos organes.
**Le carcinome épidermoïde est une tumeur maligne qui naît dans les cellules squameuses (kératinocytes) de la peau. Les cellules squameuses constituent la structure cellulaire principale de l’épiderme (couche supérieure de la peau).
Cancers ORL, maxillo-facial, de la tête et du cou, des voies aérodigestives supérieures : comment s’y retrouver ?
Ces appellations se recoupent mais n’ont pas tout à fait la même signification. Comme leur nom l’indique, les cancers tête et cou regroupent tous types de cancers que l’on peut présenter au niveau de la tête et du cou comprenant les cancers des muqueuses, des glandes salivaires, de la glande thyroïde et de la peau. Quant aux cancers de la sphère maxillo-faciale, ils peuvent apparaître sur les lèvres, l’intérieur des lèvres et des joues (muqueuse buccale), les gencives, la langue (les deux tiers de la partie avant), les tissus sous la langue (plancher de la bouche), les tissus derrière les dents de sagesse et la partie osseuse de la bouche (palais dur ou voûte palatine).
En revanche, les cancers ORL ou des voies aéro-digestives supérieures (également appelés VADS) désignent ceux qui touchent le pharynx, le larynx, la cavité buccale, le nez et les sinus. Précisons que 95% des cancers tête et cou concernent le pharynx, le larynx et la cavité buccale et 5%, les cavités naso-sinusiennes (nez et sinus).
Corasso a choisi de vous informer sur l’ensemble de ces cancers mais par souci de clarté et pour représenter l’ensemble des personnes concernées, nous parlons plus volontiers de cancers et de cancers rares de la tête et du cou.
Qui est concerné par les carcinomes épidermoïdes ?
L’âge médian de survenue des carcinomes épidermoïdes est de 64 ans. Mais ces cancers peuvent survenir à tout âge. « Selon les sous-types de cancers tête et cou, l’âge des patients peut changer. Par exemple, pour les cancers liés au papillomavirus, l’âge médian est de 54 ans aux Etats-Unis », précise le Dr Temam. Chez les enfants, les cancers tête et cou sont, heureusement, très exceptionnels (quelques centaines de cas par an, en France). Avec le vieillissement de la population, la fréquence de certains cancers tels que ceux de la cavité buccale (bouche) est en nette augmentation chez les personnes âgées. Au sein de cette population, les cancers sont difficiles à prendre en charge : les patients âgés sont souvent fatigués, polymédiqués (prenant plusieurs médicaments de façon régulière, souvent, pour des maladies chroniques). Le cancer et ses traitements risquent de dégrader rapidement leur état de santé.
Principalement masculins, ces cancers sont en augmentation chez les femmes, avec la hausse de leur consommation de tabac et d’alcool, mais aussi avec l’augmentation de cas de papillomavirus humains (HPV) ces dernières années.
Cancers tête et cou : des causes multiples
Problème de santé publique, le tabagisme et l’alcoolisme sont les deux principales explications de la survenue des cancers tête et cou. Toutefois l’infection à papillomavirus humains (HPV) est de plus en plus en cause dans certains types de cancers. Les mutations génétiques et la sénescence représentent d’autres causes importantes. D’autres facteurs carcinogènes sont identifiés sur des sous-types très rares de cancers ORL. L’exposition à la poussière de bois par exemple, engendre une maladie professionnelle : le cancer de l’ethmoïde (sinus situé entre les deux yeux). Quant au cancer du naso-pharynx (appelé également rhino-pharynx ou cavum), région qui correspond à celle des végétations, il est dû au virus de la mononucléose (l’Epstein-Barr Virus). En région méditerranéenne et dans le sud-est asiatique, ce cancer est fréquent. En France, il l’est beaucoup moins.
« Nous rencontrons le cancer du naso-pharynx chez les personnes d’origine asiatique ou maghrébine. Elles ont une susceptibilité génétique pouvant engendrer ce cancer à partir du virus bénin de la mononucléose, souvent rencontré durant l’enfance. En dehors de ces populations, ce cancer reste très exceptionnel. Concernant la survenue d’autres cancers rares (ceux des glandes salivaires ou les sarcomes) — en dehors de situations très particulières d’immunodépression* prolongée (personnes ayant reçu une greffe d’organe, de moelle ou étant sous immunosupresseurs médicamenteux**) ou de maladies génétiques — aucune explication n’est aujourd’hui apportée par la science »
Dr Stéphane Temam, médecin ORL, chef du service Cancérologie Cervico-Faciale, à l’Institut Gustave Roussy (Villejuif).
*L’immunodépression est la réduction des réactions immunitaires d’un organisme contre un antigène. Les personnes immunodéprimées ont un risque accru d’infections graves, de maladies et une mortalité plus importante.
** Les immunosuppresseurs sont des traitements qui limitent l’action du système immunitaire. On les utilise lorsque le système immunitaire ne fonctionne pas correctement ou que l’on souhaite le mettre au repos (pour prévenir le rejet de la greffe chez les personnes transplantées).
Par Hélia Prévot