Pour améliorer la prise en charge et le parcours de soin des patients touchés par un cancer tête et cou, les initiatives se multiplient aux quatre coins de l’hexagone : du diagnostic précoce en passant par des programmes de préhabilitation et de réahabilitation, le patient est au cœur des préoccupations des soignants.
Parcours de soin coordonné : réduire les délais de prise en charge
Diagnostiqués tardivement dans plus de 70 % des cas, les cancers tête et cou nécessitent une prise en charge rapide. Parmi les soignants à pied d’œuvre pour réduire l’errance diagnostique, le Dr Luc Garcette. Chirurgien ORL à la Polyclinique du Parc de Saint-Saulve près de Valenciennes, il a contribué à la mise en place d’un parcours de soins coordonné pour une prise en charge plus rapide des patients atteints de cancer tête et cou, notamment grâce à un accès facilité à l’imagerie. Objectif ? Qu’il s’écoule moins de 30 jours entre la première consultation et l’intervention. Pour y parvenir, les radiologues réservent chaque semaine une plage dédiée aux patients atteints de cancer tête et cou pour bénéficier d’un scanner ou d’une IRM rapidement. Deuxième mesure, l’hospitalisation de jour. Elle permet de réaliser un bilan complet dans la matinée. Au programme ? Un bilan biologique et plusieurs consultations (cardiologie, anesthésie, chirurgien-dentiste), les différents rendez-vous étant pris par l’infirmière coordinatrice. Après l’annonce du diagnostic par le médecin, une consultation d’annonce est organisée par l’infirmière coordinatrice, pour expliquer les différentes étapes du traitement au patient. L’occasion pour ce dernier de rencontrer une psychologue et une assistante sociale s’il le souhaite. En cas d’addiction à l’alcool ou au tabac, une prise en charge sera également proposée. Dernier point fort : l’accès à un parcours de forme fléché pour effectuer des exercices physiques, pratiquer le vélo elliptique et le rameur, durant l’hospitalisation.
Projet VULCANO (VULnérabilité en CANcérologie Orl) : des relais après l’hospitalisation
C’est à l’hôpital Larrey à Toulouse que le Pr Virginie Woisard-Bassols, médecin ORL et phoniatre, mène le projet VULCANO pour faire face à la désertification médicale à la sortie de l’hôpital, adapté au profil de vulnérabilité des personnes. « Un projet particulièrement important étant donné la sévérité des patients ORL », explique-t-elle, « leur profil socio-économique ou médical (dénutrition et addictions fréquentes), les conséquences liées à la chirurgie et aux séquelles fonctionnelles, pouvant durer dans le temps, ainsi que le risque associé de suicide ». Dans ce parcours, un repérage de la vulnérabilité psychosociale sera réalisé au cours d’une consultation avec une infirmière dédiée. Si le sujet est très vulnérable, une prise en charge en hôpital de jour pré-thérapeutique est proposée pour travailler sur les éléments pré-opératoires : nutrition, addictions, préhabilitation orthophonique, organisation de la rééducation post-chirurgicale, APA, éducation thérapeutique pour rendre les patients plus autonomes… « Une prise en charge au plus proche de chez elles favorise une meilleure adhésion des personnes suivies, ainsi qu’une meilleure adhésion aux soins permettant de limiter les conséquences des séquelles.», précise-t-elle. D’où l’importance pour le suivi, l’accompagnement et l’éducation post-chirurgicaux, de créer des « circuits courts » impliquant les praticiens libéraux (généralistes, kinés, dentistes, orthophonistes…) pour faciliter la prise en charge de la Réhabilitation Améliorée après Chirurgie (RAC) des patients complexes. Une fois le pilote VULCANO Occitanie évalué et le financement trouvé, ce programme pourrait être transférable à d’autres territoires.
La PREHABILITATION : optimiser l’état général du patient
Plus particulièrement destiné aux patients atteints de cancer les plus à risque de complications, par exemple, dépistés sarcopéniques (avec une masse musculaire insuffisante) ou dépressifs, les personnes les moins en forme et les plus sédentaires, les patients âgés et/ou fragiles, le programme multidisciplinaire PREHAB (pour préhabilitation) est actuellement proposé dans une trentaine d’établissements en France. C’est le cas notamment dans le centre régional de lutte contre le cancer Gustave Roussy à Villejuif : « L’objectif est d’optimiser la prise en charge du patient avant son traitement (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie et immunothérapie), en augmentant ses capacités fonctionnelles, dans le but de favoriser la récupération post-traitement », explique le Dr Bruno Raynard, membre du Comité Scientifique PREHAB et Référent Nutrition à l’hôpital Gustave Roussy. Concrètement, après un bilan d’évaluation, le patient est hospitalisé deux à trois semaines avant son intervention pour suivre ce programme de préparation pré-opératoire.
PREHAB repose sur trois piliers complémentaires : le soutien nutritionnel (mesure d’impédancemétrie pour évaluer la masse musculaire, conseils diététiques), l’activité́ physique adaptée et le soutien psychologique et social. Le support nutritionnel permet de prévenir ou de traiter une dénutrition tandis que la mise en place d’un programme d’activité physique adaptée potentialise ce soutien nutritionnel. Couplé au soutien psychologique, cela augmente le bien-être mental du patient. Il joue ainsi un rôle plus actif dans son rétablissement en adoptant des comportements sains : pratique d’un renforcement musculaire en autonomie, techniques de relaxation ou application des conseils diététiques.
Au-delà de la prise en charge de la maladie et des effets secondaires des traitements, ce coaching, qui a un coût, représente un investissement sur le long terme : « On observe moins de complications post-opératoires, des durées de séjour à l’hôpital plus courtes, une meilleure force musculaire, une baisse de la fatigue etc ». Sans compter les effets positifs du chouchoutage, de la bisouthérapie et du renforcement positif pratiqués par le Dr Raynard et ses équipes à Gustave Roussy. Trois paramètres qu’il n’est pas possible de mesurer et qui n’ont pas de prix. L’humanité de la médecine, elle est là. Certainement plus efficace qu’un algorithme défini par un ordinateur ou un tchatbot, qui, s’il a le mérite d’exister et de faire le lien avec les patients, reste ce qu’il est : un robot.
Propos recueillis par Céline DUFRANC