INTERVIEW EXPERT
Toutes les réponses aux questions que se posent les patients sur la trachéotomie par le Docteur Maria Lesnik, chirurgienne ORL de la face et du cou à l’Institut Curie (Paris).
Qu’est-ce qu’une trachéotomie ?
Une trachéotomie est un orifice réalisé chirurgicalement. On effectue une toute petite incision en bas du cou sur la ligne médiane, pour atteindre la trachée en traversant la peau, y réaliser un orifice et y insérer une canule (un petit tube) à l’intérieur.
Il y a deux raisons qui poussent à faire une trachéotomie :
- la trachéotomie réalisée lors d’une intervention dont on sait que les suites vont potentiellement être difficiles sur le plan respiratoire ;
- la trachéotomie réalisée en urgence ou semi-urgence lorsqu’il y a une obstruction au-dessus ou au niveau du larynx qui gêne la respiration d’un patient.
Qu’implique une trachéotomie pour le patient ?
Le but de la trachéotomie est de rendre la respiration la plus simple possible. Si on réalise une trachéotomie, c’est parce que l’on sait que la respiration va être compliquée. La respiration se fait directement par la canule insérée lors de la trachéotomie, permettant d’apporter de l’air dans la trachée, les bronches et les poumons.
Au niveau de la parole, cela dépend du type de canule que l’on va mettre. Parfois, et surtout dans les premiers jours postopératoires, nous installons une canule qui empêche de parler. On peut la changer dans les jours qui suivent pour mettre une canule qui permet la parole.
Quels sont les soins à réaliser lorsque l’on a une trachéotomie ? Peut-on les effectuer seul ?
Il y a de nombreux soins à faire au tout début, après la réalisation du geste. Ces soins s’allègent progressivement.
Il y a tout d’abord les soins au niveau de la cicatrice de la zone incisée, avec des nettoyages à l’aide de compresses et de sérum physiologique.
Puisque l’air ne passe plus par le nez et la bouche, l’air qui arrive dans les poumons n’est plus filtré, réchauffé, humidifié par les voies aériennes supérieures. Il faut donc réaliser, par exemple, des aérosols pour assurer ces fonctions. C’est un petit dispositif qui pulvérise soit un médicament, soit uniquement du sérum physiologique, que l’on place devant la trachéotomie. Il permet d’humidifier l’air, de traiter directement les bronches et la trachée et de rendre la respiration plus confortable.
L’aspiration, qu’est-ce que c’est ?
Comme on ne respire plus un air filtré, humidifié et réchauffé, les patients ont souvent, dans les jours qui suivent la trachéotomie, ce que l’on appelle une « hypersécrétion bronchique ». Ils vont avoir énormément de glaires, de crachats à expectorer. Mais ils ne peuvent plus tousser de manière autonome et simple. Donc, régulièrement, nous faisons ce qui s’appelle une « aspiration », c’est-à-dire que l’on met une petite sonde pour aspirer directement dans la trachéotomie les sécrétions gênantes. Ce geste n’est pas douloureux.
Qu’est-ce qu’un filtre de trachéotomie ?
Un filtre est un petit dispositif que l’on place sur le bout de la canule qui permet de filtrer l’air pour éviter que des particules ne rentrent dans le tuyau, et donc, dans la trachée.
Pouvez-vous nous présenter les différents types de canules ?
Il existe différents types de canules :
- Les canules à ballonnet : dont l’objectif est de protéger les poumons de tout ce qui peut tomber dedans (sang, salive, alimentation, sécrétions). Le patient respire par l’intérieur de la canule. Le ballonnet, autour de la canule, permet de protéger tout ce qu’il se passe en dessous de celle-ci et de ce qu’il y a au-dessus.
- Les canules fenêtrées : que l’on peut installer après les premiers jours postopératoires, qui peuvent être un petit peu difficiles sur le plan des sécrétions et des saignements. Ces canules comportent un petit orifice en leur milieu. Lorsque l’on bouche la canule à l’extérieur, l’air passe directement vers le haut, les cordes vocales. Le patient peut commencer à faire sa rééducation et parler, avec cette canule.
Peut-on manger avec une trachéotomie ?
Régulièrement, après une grosse intervention qui a nécessité la pose d’une trachéotomie, il y a aussi des cicatrices dans la bouche, dans la gorge, à côté du larynx et du pharynx. Il faut protéger ces cicatrices de l’alimentation.
Souvent, dans les premiers jours, les patients ne mangent pas par la bouche. Durant ces quelques jours, ils ont également une sonde naso-gastrique ou une gastrostomie. Ce sont deux dispositifs qui permettent de s’alimenter directement dans l’estomac, sans que l’alimentation passe sur la cicatrice.
Une fois que la cicatrisation est acquise ou si la trachéotomie est en place pour une autre raison (par exemple, une tumeur évoluant pour laquelle on a dû faire ce geste), on peut recommencer à manger, quelques jours après l’intervention.
Tout d’abord, l’alimentation se fait avec des textures adaptées, plus simples à avaler, puis enfin une alimentation normale, si les autres paramètres le permettent (absence de tumeur dans la bouche, déglutition normale).
Comment cela se passe-t-il pour se laver ou se baigner ?
Les patients ont un orifice qui permet de communiquer de l’extérieur vers la trachée et les poumons. Il n’y a plus le clapet, la fermeture du larynx, qui protège les poumons. Il ne faut pas immerger la trachéotomie, sinon l’eau irait directement dans les poumons.
Il est quand même possible de se doucher avec des dispositifs de protection de la canule qui permettent d’avoir une hygiène tout à fait normale.
Comment décide-t-on que l’on peut retirer la trachéotomie d’un patient ?
Nous décidons de retirer la trachéotomie lorsque l’on sait que la cause pour laquelle on a réalisé ce geste a disparu ou est en voie d’amélioration.
Si la trachéotomie a été effectuée au décours d’une opération pour s’assurer d’une bonne ventilation postopératoire, il est possible de réaliser des tests lorsque le patient a dégonflé. Pour cela, une canule fenêtrée est mise en place. Les essais consistent à boucher l’orifice externe de la canule pour obliger l’air à remonter dans la gorge et le nez. Puis, on évalue la durée pendant laquelle le patient respire avec ce bouchon. S’il arrive à tenir plusieurs heures, une nuit ou une journée complète, cela signifie qu’il est devenu autonome sur le plan respiratoire et qu’il n’a plus besoin de cette aide. On peut alors retirer la trachéotomie.
Si la trachéotomie a été réalisée en raison d’une tumeur de taille importante non opérée mais traitée par chimiothérapie, il est parfois possible de retirer cette trachéotomie lorsque la tumeur a diminué de volume.
Comment le trou réalisé se referme-t-il ?
Lorsque l’on enlève une trachéotomie, le trou se referme tout seul en plusieurs jours, parfois plusieurs semaines (en cas de traitement par radiothérapie, qui ralentit la cicatrisation). Cela ne nécessite aucune intervention.
Lorsque la canule est retirée, un petit pansement est mis en place pour comprimer l’orifice. Le patient doit appuyer sur le petit trou lorsqu’il parle, tousse, éternue, pour éviter que l’air ne fuie par l’orifice de trachéotomie et de pérenniser l’orifice.
Y a‑t-il des séquelles ?
Il reste une cicatrice au niveau de la peau. De façon très exceptionnelle, il peut y avoir des séquelles si la trachéotomie a été mise en place pendant de longues semaines. Dans ces rares cas, il peut y avoir des cicatrices au niveau de la trachée nécessitant une intervention.
Retrouver l’interview du Docteur Lesnik en podcast.