La photobiomodulation ou l’art de soigner par la lumière !
La photobiomodulation utilise la lumière sous différentes formes (LED/LASER de basse énergie) dans le spectre visible et infra-rouge pour d’atténuer certains effets secondaires des traitements contre le cancer tels que les radiodermites : brûlures de la peau survenant pendant ou après une irradiation ; les mucites : inflammations douloureuses des muqueuses de la bouche ; la fibrose cutanée (effet cartonné de la peau) ou encore, le trismus (difficulté à ouvrir la bouche). Cette technique a trois effets majeurs : elle est antalgique, anti-inflammatoire et cicatrisante. Par ces trois effets, elle optimise — en plus de la tolérance aux traitements — l’efficacité de la radiothérapie et de la chimiothérapie, en réduisant le risque de complications et d’interruption de ces traitements.
La photobiomodulation (PBM) est un traitement utilisant une lumière de basse énergie ayant un effet immuno-modulateur : la lumière rouge stimule la libération des agents pro-inflammatoires jouant un rôle cicatrisant et réparateur. Tandis que la lumière proche infrarouge inhibe certains processus immunitaires et joue, alors, un rôle anti-inflammatoire et antalgique », affirme le Dr Billard-Sandu. La lumière émise par les appareils de photobiomodulation agit au niveau des mitochondries : ces petits organites essentiels dans les processus énergétiques cellulaires. Elle transforme les photons en énergie cellulaire. « La PBM permet ainsi de redonner de l’énergie à une cellule normale, endommagée par la radiothérapie ou la chimiothérapie. En absence de PBM ces cellules se dirigent vers l’apoptose (mort cellulaire). La PBM permet une réparation cellulaire ; elle diminue certaines toxicités connues des thérapies anticancéreuses », explique le Dr Camélia Billard-Sandu, oncologue médical, responsable du diplôme universitaire de photobiomodulation dans les soins oncologiques de support, à Gustave Roussy (Villejuif).
La PBM en cancérologie
Le laser et la PBM ont été découverts durant la même décennie (le laser en 1960, la PBM en 1967). Toutefois, le laser est actuellement un traitement bien connu dans de nombreuses spécialités médicales et chirurgicales. Tandis que la PBM (laser/LED à basse énergie) peine à faire sa place en raison d’un scepticisme du milieu médical. Les travaux sur les mécanismes d’action ainsi que les nombreuses études positives de cette technique l’ont propulsée depuis une vingtaine d’années comme thérapie incontournable dans la médecine sportive et esthétique, en dermatologie, en odontologie et, plus récemment, dans le domaine de la neurologie (maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson). « En oncologie, nous bénéficions de recommandations internationales pour le traitement des mucites — induites par radiothérapie ou qui apparaissent lors des greffes de cellules souches hématopoïétiques1 — via la PBM », note le Dr Billard-Sandu. Par ailleurs, de nombreuses études sont en cours pour évaluer l’efficacité de la PBM sur les radiodermites, le lymphoedème (gonflement des membres inférieurs et/ou supérieurs), l’ostéochimionécrose (dégradation des os des maxillaires liée à la chimiothérapie) et l’ostéoradionécrose (complication de la radiothérapie, liée à un défaut de cicatrisation du tissu osseux) de la mâchoire. Mais aussi, dans les neuropathies périphériques post-chimiothérapie (fourmillements, picotements…). « Ces études sont déjà bien avancées et nous avons bon espoir d’avoir de nouvelles recommandations pour la PBM dans un avenir proche. Cela nous permettra de pouvoir proposer, plus largement, la PBM à nos patients », ajoute le Dr Billard-Sandu
Les spécificités de la PBM à Gustave Roussy
À Gustave Roussy, en quelques mois d’utilisation de la PBM, les résultats sont très encourageants. « Cette technique améliore grandement la tolérance des traitements anticancéreux et la qualité de vie des patients », précise le Dr Billard-Sandu. Gustave Roussy bénéficie actuellement de deux appareils de PBM. Le premier, intitulé ATP38 (Swiss Bio Inov), bénéficie de panneaux lumineux LEDs pour un usage externe (sur la peau) sur de larges zones de dermites. Quant au deuxième appareil, nommé CareMin650 (NeoMedLight), il permet un usage intra-oral (à l’intérieur de la cavité buccale) pour les mucites bucco-pharyngées. Il est également utilisé, en externe, pour les dermites s’étendant sur des zones limitées ou au niveau des plis cutanés. « Ce deuxième appareil nous a permis d’affiner le traitement par PBM en raison de la souplesse du tissu lumineux des fibres optiques qui s’adapte à l’anatomie de chaque patient. Cela nous permet d’être en contact direct avec les lésions des muqueuses (mucites) ou les lésions cutanées », assure le Dr Billard-Sandu.
Les conditions d’accès à la PBM
Pour les patients qui devront recevoir une combinaison de radiothérapie et de chimiothérapie au niveau de la sphère ORL, « nous proposons, au minimum, trois séances de PBM par semaine, pendant toute la durée de la radiothérapie », ajoute t‑elle. Chaque séance dure 10 à 15 minutes selon l’indication. « Un protocole de recherche clinique sera bientôt proposé aux patients. Par ce biais, nous souhaitons savoir si l’amélioration de la qualité de vie grâce à la PBM (en diminuant les effets secondaires et allergiques) permet d’améliorer la survie des patients atteints d’un cancer ORL », confie le Dr Billard-Sandu. À Gustave Roussy, outre l’équipe d’oncologie médicale ORL, celle des soins de supports utilise également la PBM pour diminuer les douleurs séquellaires des patients ayant été traités pour un cancer. Quant à l’équipe de chirurgie ORL et d’odontologie, elle recourt à la PBM pour soigner les nécroses osseuses de la mâchoire liées à la radiothérapie ou à la chimiothérapie. En Île-de-France, les établissements proposant la PBM ne sont pas nombreux. En France, les centres de lutte contre le cancer commencent à s’équiper.
Efficacité et limites de la PBM
La PBM devrait être proposée, à l’avenir, à tous les patients atteints d’un cancer tête et cou, recevant un traitement par radiochimiothérapie. La PBM peut être indiquée à visée préventive afin de diminuer le risque de mucite et de radiodermite, ou, à but curatif, en cas d’apparition de ces symptômes et effets secondaires. « Tous les patients sous radiochimiothérapie présentent des symptômes liés à la mucite et 85 % développent des mucites de grade 3 ou 4 (toxicité grave avec ulcérations, risque infectieux, impossibilité d’alimentation par la bouche et besoin accru en morphine). En ce qui concerne la toxicité cutanée, 95 % des patients traités par radiothérapie développent une radiodermite et 20% vont nécessiter une hospitalisation pour des dermites sévères de grade 3 ou 4 (desquamation, suintement, douleurs, saignement cutané). La PBM améliore le confort des patients (lésions moins graves, douleurs et complications infectieuses réduites) et permet d’éviter l’interruption des traitements de radiothérapie et de chimiothérapie.», note le Dr Billard-Sandu. Par ailleurs, la PBM est indolore et n’engendre pas d’effets secondaires. Seule limite du traitement dans le domaine de l’oncologie : la PBM ne doit pas être effectuée directement sur une zone tumorale, en dehors de la radiothérapie ou de la chimiothérapie. « Pour traiter les séquelles post-radiothérapie ou chirurgie, on doit s’assurer de la rémission complète du cancer », insiste le Dr Billard-Sandu.
Pour le moment, la PBM n’est pas remboursée par la sécurité sociale : à Gustave Roussy, la séance de PBM est réalisée dans le cadre d’une consultation médicale. « Nous espérons que la PBM fera l’objet d’un remboursement dans un avenir proche afin que les cliniques privées et les cabinets de ville puissent s’en équiper et prendre en charge les patients plus près de leur domicile. Cela permettrait au plus grand nombre de personnes souffrant des séquelles des thérapies du cancer d’accéder à la PBM », conclut le Dr Billard-Sandu.
Propos recueillis par Hélia Hakimi-Prévot
1Les cellules souches hématopoïétiques sont fabriquées par la moelle osseuse et sont à l’origine des différentes cellules du sang : les globules rouges, les globules blancs et les plaquettes. Dans certains cas, on peut proposer un traitement avec greffe de cellules souches hématopoïétiques.