« Il y a 6 ans, on m’a découvert un cancer des amygdales. Il s’agit apparemment d’un « cancer de fumeur ». J’étais très étonné car j’avais arrêté la cigarette 20 ans avant que la maladie ne se déclare. Les premiers symptômes étaient une forte douleur. J’avais consulté une multitude de médecins, y compris des ORL. Personne ne voyait rien de particulier ; tout au plus me conseillait-on de faire des bains de bouche. Mais rien n’y faisait ! La douleur ne disparaissait pas, au contraire. Un jour, j’ai décidé de consulter un nouvel ORL. Il m’a ausculté : il a mis son doigt dans le fond de ma bouche et a appuyé très fort. J’ai hurlé de douleur, et du sang est sorti de ma bouche. En fait, j’ai failli m’évanouir. L’ORL m’a dit : « Monsieur, cela ressemble à une tumeur. ». Il avait raison. Pris en charge à l’hôpital Saint-Joseph à Paris, cette tumeur s’est avérée être un cancer des amygdales. J’ai d’abord subi une lourde opération : on m’a enlevé la tumeur et on l’a remplacée par du muscle que l’on m’a pris dans la cuisse. Après cette intervention, j’ai bénéficié de 35 séances de radiothérapie et de 7 séances de chimiothérapie concomitantes
Heureusement, depuis, la tumeur n’est jamais revenue ! Mais, dès 2016, j’ai eu plusieurs infections au niveau de la gorge et de l’os de la mâchoire. L’infection est malheureusement une des complications possibles des cancers tête et cou ; mais j’ai particulièrement joué de malchance. J’ai d’abord été opéré pour l’infection à la gorge. Les suites ont été difficiles. On m’a mis une sonde (appelée gastrostomie) permettant d’introduire l’alimentation directement dans l’estomac. Je ne pouvais plus boire ni manger normalement. Peu après cette intervention, j’ai eu une infection osseuse, il a fallu m’opérer pour remplacer l’os de la mâchoire grâce à une greffe provenant du péroné. Mais le lendemain de l’opération, le chirurgien s’est rendu compte que l’os n’était pas bien irrigué et que la greffe ne prenait pas. Il a fallu me réopérer pour tirer une veine, prise dans l’épaule, jusqu’à la mâchoire, permettant à l’os d’être bien irrigué. Depuis cet épisode (octobre 2016), tout va bien. Je n’ai pas eu d’autres complications du traitement du cancer.
Après tous ces traitements, ma vie n’a pas fondamentalement changé. Je suis violoniste professionnel. Pendant trois ans, je n’ai pas réussi à reprendre le violon car la tumeur que l’on m’a retirée au niveau des amygdales était placée juste à l’endroit où je tenais mon violon. Finalement, j’ai trouvé une solution pour tenir mon violon autrement : aujourd’hui, j’ai complètement repris mes activités musicales. Je pense qu’une maladie n’arrive jamais par hasard. Quand j’ai été diagnostiqué du cancer des amygdales, j’avais besoin de prendre du recul par rapport à ma pratique instrumentale, de réfléchir à la manière dont je voulais exercer mon métier. Finalement, ces trois années sans jouer du violon m’ont permis de comprendre que je voulais vraiment persévérer dans cette voie.
Je ne vois pas cette maladie comme un combat à mener, mais comme l’opportunité de me centrer sur l’essentiel.
Pierre
Les traitements m’ont également laissé d’autres séquelles : au niveau alimentaire, notamment. Aujourd’hui, je n’ai plus de sonde, mais je ne peux toujours pas avaler la plupart des aliments. L’un de mes objectifs, c’est de pouvoir, où que ce soit (au restaurant, par exemple), trouver des aliments que je puisse manger, de manière à me sentir libre de sortir de mon domicile, et de partir où je veux.
Heureusement, dans ma vie personnelle rien n’a changé : marié à une femme très présente et aimante, très proche de mes trois enfants, mes amis sont restés à mes côtés. Finalement, le cancer ne m’a pas obligé à renoncer à ce qui m’est cher. Je ne vois pas cette maladie comme un combat à mener, mais comme l’opportunité de me centrer sur l’essentiel. Et surtout, je me suis rendu compte que je tenais plus à la vie que je ne le pensais ! ».
Par Hélia Hakimi-Prévot