Hélène, de l’espoir pour mieux vivre avec son handicap

Com­ment peut-on vivre avec un hand­i­cap ? Quel qu’il soit…
Com­ment puis-je vivre avec mon hand­i­cap ?
Com­ment est-ce que j’ar­rive à vivre avec mon handicap ?

Hand­i­cap… Celui d’avoir une “gueule cassée”, vivre au quo­ti­di­en avec le regard des gens, ou le non regard… Celui d’avoir du mal à par­ler, à me faire com­pren­dre, à devoir répéter… Celui de ne pas pou­voir manger nor­male­ment, être oblig­ée de manger mixé ou lisse, avoir du mal à avaler, ne plus pou­voir aller au restau­rant, la vie sociale qui en pâtit… Celui d’avoir des dif­fi­cultés à boire nor­male­ment, ne pas pou­voir boire avec une paille, car ma bouche ne se ferme pas naturelle­ment… Celui d’avoir une mâchoire, une mandibule dif­férente, refaite, comme un robot, je la sens qui durcit par­fois, surtout en péri­ode de froid… Celui d’avoir un manque de salive, surtout en posi­tion couchée, la nuit, ce qui me réveille plusieurs fois pour pou­voir humid­i­fi­er ma bouche qui devient telle­ment sèche, que ma joue et ma langue se retrou­ve col­lées au palais ou sur mes dents.
Je me demande moi-même sou­vent, com­ment j’ar­rive à vivre, à tenir, à con­tin­uer ?
En fait, je garde Espoir… Je suis actuelle­ment en pleine “chirurgie répara­trice” avec l’im­mense espoir de pou­voir avoir un mieux au niveau de ma bouche, mes lèvres, mes dents… Ce qui pour­rait peut-être dimin­uer tous ces hand­i­caps que j’ai actuelle­ment, j’e­spère telle­ment arriv­er à vivre mieux ! Sans Espoir, je n’a­vancerai pas… Sans Espoir, je ne serais peut-être plus en vie…

Ma pre­mière angoisse com­mence en 1996, lorsque je sens une boule dans mon cou, côté gauche.
Mon médecin trai­tant m’en­voie chez un médecin ORL. Il m’an­nonce qu’il faut opér­er rapi­de­ment pour enlever et analyser cette grosseur. Inter­ven­tion 15 jours plus tard, début 1997, bien passée. L’analyse mon­tre (à l’époque) un cylin­drome. “C’est une tumeur bénigne qui peut devenir maligne. A con­trôler.” Voilà les seules expli­ca­tions que l’on me donne. Je me dis que ce n’est pas grave, c’est terminé !

Je me remets douce­ment de cette opéra­tion qui me laisse très grande une cica­trice, qui part du dessous de l’or­eille jusqu’à sous le men­ton. Je suis suiv­ie de près les années qui suiv­ent… Et oui, c’est une tumeur qui peut revenir !

En 2006, l’an­goisse revient… Plus forte… Je sens de nou­veau une boule !
Le médecin ORL me fait faire une cyto­ponc­tion, moment très douloureux ! Il m’ap­pelle pour m’an­non­cer les résul­tats qui sont ras­sur­ants : c’est un adénome pléiomor­phe (tumeur bénigne), pas de récidive, ouf… je respire !

L’an­née suiv­ante, 2007, je sens une boule dans un sein… biop­sie… can­cer du sein… C’est à ce moment-là que l’on m’an­nonce un ‟ Can­cer “ pour la pre­mière fois.
S’en suit très rapi­de­ment l’opéra­tion, puis les traite­ments : chimio­thérapie et radio­thérapie… fatigue, perte de cheveux… péri­ode très dif­fi­cile. À ce moment-là, c’é­tait la pire de toutes !! Mais je con­tin­ue de vivre, je garde Espoir, toujours !!

En 2008, je me remonte douce­ment, mes cheveux repoussent, mais ma boule au cou est tou­jours là. J’ai l’im­pres­sion qu’elle me gêne, qu’elle grossit. L’ORL décide de l’en­lever. L’opéra­tion faite en sep­tem­bre 2008 s’est bien passée, mais les suites opéra­toires moins bien… J’ai eu une hémor­ragie interne quelques heures après… J’ai bien fail­li y pass­er ! Ré opéra­tion en urgence… journée vrai­ment hor­ri­ble ! Je m’en sou­viens telle­ment ! Pourquoi les sou­venirs aus­si hor­ri­bles sont tou­jours telle­ment présents, bien détail­lé dans notre cerveau ?

À mon réveil, l’ORL m’an­nonce qu’il a enlevé tout ce qu’il a vu, qu’il a bien grat­té, que ce n’é­tait pas beau, qu’il y en avait un peu de partout… pas ras­sur­ant… Après récep­tion des résul­tats, l’an­nonce tombe : c’est une récidive, la tumeur est dev­enue maligne, en fait ce n’é­tait pas un adénome pléiomor­phe, la cyto­ponc­tion n’a pas été bien réal­isée (c’est telle­ment minu­tieux) c’est un Car­ci­nome Adénoïde Kys­tique. Deux­ième fois que j’en­tends le mot «Can­cer» ! Bon là, mon Espoir s’est un peu envolé …
On m’ori­ente une radio­thérapeute, et je subis une trentaine de séances de radio­thérapie… Très dur à sup­port­er, surtout les dernières semaines : j’ai la bouche en feu, je ne mange plus qu’avec une paille, j’ai du mal à par­ler, ma peau est brûlée, les douleurs sont insup­port­a­bles, mal­gré la mor­phine… C’é­tait une péri­ode vrai­ment dif­fi­cile.
Je me remonte, comme je peux… douce­ment et j’y arrive !

Les années suiv­antes ont été rem­plies d’ex­a­m­ens médi­caux de suiv­is pour les seins et le cou, égale­ment une recherche géné­tique pour le can­cer du sien… qui s’avère pos­i­tive ! Espoir, Espoir, où es-tu ?
Ré opéra­tion pour mas­tec­tomie totale avec recon­struc­tion. Il fau­dra 3 opéra­tions pour cela… en plus, on m’en­lève les ovaires et trompes pour éviter un can­cer des ovaires, en préven­tion. Me voilà ménopausée à 42 ans ! Mais plus tran­quille…
Je retrou­ve petit à petit mon Espoir… Il revient, je me dis que ma vie n’est pas finie !

En 2014 com­mence de nou­veaux prob­lèmes pour dég­lu­tir, avaler. Traite­ments, exa­m­ens… RIEN.
Ça per­siste et aug­mente. Fin 2015, j’ai même du mal à par­ler, quand je tourne la tête à droite, c’est incom­préhen­si­ble pour mon ORL ! Pour­tant, rien au niveau des exa­m­ens… jusqu’au print­emps 2016, où on me décèle une récidive… encore… plus impor­tante, plus pro­fonde qu’en 2008… L’E­spoir est par­ti, lais­sant place à l’Anéantissement !

Mon ORL m’en­voie directe­ment vers un chirurgien de renom ORL sur Lyon.
Pen­dant 5 mois, c’est hor­ri­ble… chirurgiens, radio­thérapeutes, on m’an­nonce que l’on ne peut rien faire, surtout pas opér­er, bien trop risqué : on me pro­pose un traite­ment de chimio et radio­thérapie en même temps, qui n’en­lèvera pas la tumeur, mais qui pour­ra la réduire, éviter qu’elle n’at­teigne le cerveau. C’est lancé, on doit com­mencer en sep­tem­bre. On me rap­pelle une pre­mière fois pour me deman­der de com­mencer le traite­ment plus tôt. On me rap­pelle de nou­veau, pour me dire « Ce n’est plus pos­si­ble de faire de radio­thérapie, le chef du ser­vice de radio­thérapie s’y oppose s’il n’y a pas de biop­sie» !
Je suis dans une incom­préhen­sion et une détresse totale ! Pas d’opéra­tion, pas de traite­ments ? Alors quoi ? On me laisse mourir à petit feu ?????

Mon dossier est envoyé dans d’autres cen­tres avec d’autres tech­niques, comme la pro­ton­thérapie… mais mon dossier est refusé, impos­si­ble à traiter ce type de tumeur et l’en­droit où elle est localisée.

Je ren­con­tre le grand chirurgien qui m’ex­plique « qu’une biop­sie c’est une inter­ven­tion très com­pliquée vu l’en­droit où est située la tumeur ». Pour l’opéra­tion, il trou­ve que ce serait dom­mage de me “char­cuter”, vu qu’il ne pour­ra pas tout enlever et qu’il y a des gros risques, ayant déjà été opérée plusieurs fois au même endroit et ayant déjà eu des rayons. Comme c’est ras­sur­ant… en fait c’est effrayant !!

Bref les deux ser­vices se ren­voient la balle pen­dant quelques mois. C’est une tumeur rare et mon cas de récidive l’est encore plus… alors ils ne savent pas quoi faire…

Finale­ment, on m’ex­plique l’in­ter­ven­tion… (qui n’é­tait pas pos­si­ble au départ). C’est beau­coup de risques et c’est à moi de décider… soit je me fais opér­er et prends tous ces risques, soit je ne fais rien et j’at­tends que la tumeur me tue, tout sim­ple­ment et douce­ment aus­si, c’est une tumeur lente (c’est déjà ça !), 2,3 ou 5 ans… on ne sait pas !
J’ai un poids énorme sur mes épaules, mais après avoir réfléchi, je décide de me bat­tre. En fait, j’ai tou­jours un peu d’E­spoir au fond de moi, et aus­si de l’Amour pour mes enfants à qui je pense et pour lesquels je me bats !!!

Grosse inter­ven­tion en jan­vi­er 2017, neuf, peut-être dix heures… À mon réveil, le chirurgien est con­tent de m’an­non­cer qu’il a finale­ment pu enlever tout ce qu’il a vu ! Oui­i­ii !! Mais qu’il a dû m’en­lever le nerf de la langue et celui du voile du palais, car la tumeur s’y était infil­trée.
Les suites sont dures, tra­chéo pro­vi­soire, douleurs… et (ça allait trop bien sûre­ment…) de nou­veau hémor­ragie interne six jours après !!! L’hor­reur en pleine nuit, à cracher du sang pen­dant qu’on m’emmène au bloc, puis on attend à 1h du matin que l’équipe de nuit arrive… encore un moment hor­ri­ble que je ne pour­rais jamais oublier…

Je passe 5 semaines très dif­fi­ciles à l’hôpi­tal, où je suis ali­men­tée par une sonde nasale, et je réap­prends à par­ler, à manger, à boire, comme un bébé. C’est fou de tout recom­mencer, et c’est dur aus­si, car par­fois j’ai envie de tout envoy­er balad­er, de laiss­er tomber, de me laiss­er aller, de ne plus me bat­tre… et puis à chaque fois je remonte grâce aux proches qui ne m’ont pas lâché pen­dant cette dure période.

Puis c’est Val Rosay (Cen­tre de ré édu­ca­tion) qui prends le relais… j’ai des com­pli­ca­tions, une fis­tule qui dure 2 mois, donc ali­men­ta­tion en poche, tou­jours. Puis une trentaine de séances de radio­thérapie, grosse fatigue, mais pas de brûlures cette fois-ci ! En fait j’ai pu faire appel à un coupeur de feu qui s’est occupé de moi à dis­tance, et oui, ça a fonc­tion­né ! Je n’y croy­ais pas, et ayant déjà subit les effets de la radio­thérapie à cet endroit, je n’ai pas hésité à essay­er, et bon sang… quel bon­heur de l’avoir fait ! Pas de brûlures sur la peau, ni de gross­es douleurs dans la bouche, c’é­tait mag­ique presque !

Je ren­tre chez moi en mai, je n’y étais plus depuis le 10 jan­vi­er… 15 jours après, la peau sur le bas le ma joue se déchire car ma mandibule s’ef­frite, les vis ont bougés et ont lit­térale­ment troué ma joue. Opéra­tion en urgence début juin, on m’en­lève les vis, un bout d’os et après analyse, l’os est nécrosé.
De nou­veau sonde nasale et ali­men­ta­tion avec des poches, après avoir tout juste repris la vraie nour­ri­t­ure ! Espoir devient noir …

Pen­dant presque 5 mois, des infir­mières vien­nent matin et soir pour refaire mon panse­ment, petit à petit le trou se referme mais pas com­plète­ment.
Fin août on me met une gas­tro­tomie, pour enlever la sonde nasale. Au moins ça ne se voit pas et ça me dégage le nez et la gorge ! Opéra­tion sous anesthésie locale, extrême­ment douloureuse pour ma part, avec encore des com­pli­ca­tions après… je crois que j’ai un peu la poisse, non ????

Après plusieurs ren­dez-vous avec les chirurgiens, une seule solu­tion : recon­struc­tion de la mandibule avec le péroné. Après réflex­ion, c’est par­ti !
Opérée en octo­bre 2017, encore une inter­ven­tion de 9h env­i­ron… qui s’est bien passée.

Je me remets mieux par rap­port à l’opération de jan­vi­er. Au bout de quelques semaines je remange par la bouche, mais mixé, lisse. Aujour­d’hui encore d’ailleurs ! Ma lèvre inférieure gauche se rétracte, car en refer­mant le trou dans la bouche, ils ont dû ser­rer un peu fort. Cela a donc rétrac­té ma peau et ma lèvre. Fonc­tion­nelle­ment, de l’air ren­tre con­stam­ment dans ma bouche car je garde une ouver­ture con­stante suite à cette inter­ven­tion. Cela m’empêche de par­ler cor­recte­ment, de manger autre chose que des ali­ments liss­es ou mixés, de boire facile­ment mais aus­si de dormir car j’ai la bouche très sèche. J’ai ma bombe à salive tou­jours avec moi !

1 an après cette dernière opéra­tion, 1re inter­ven­tion de chirurgie répara­trice. On m’in­jecte de la graisse au niveau de la lèvre, du men­ton, en très petite quan­tité pour éviter toute infec­tion ou nécrose. Ce sera donc très long, cer­taine­ment plusieurs inter­ven­tions avant de voir un petit résul­tat !! On reprend égale­ment les cica­tri­ces de mes jambes, celle du grand dor­sal, et on réin­jecte de la graisse au niveau de celle du péroné.
Deux­ième inter­ven­tion en jan­vi­er 2019, et à ce jour, il n’y a pas de change­ments, hélas, au niveau de l’ou­ver­ture de ma bouche et de ma lèvre inférieure.
Le chirurgien m’a dit qu’il faudrait encore 2 à 3 inter­ven­tions… la prochaine est prévue début avril. J’ai hâte d’y être et surtout d’en avoir fini, mais il me faut encore être très patiente…

Aujour­d’hui, même si c’est très long, même si par­fois j’en ai marre d’être patiente, j’ai un petit Espoir que l’on arrive à me refer­mer ma bouche. Pour pou­voir mieux manger, mieux boire, mieux par­ler, mieux dormir, mieux vivre quoi !!! Ce sont des choses telle­ment nor­males et ordi­naires pour la plu­part des gens, que l’on ne se rend pas compte de ce que cela représente d’en être privée …

Si cela ne fonc­tionne pas… il fau­dra essay­er les injec­tions d’acide hyaluronique, mais il s’agit là d’opérations “esthé­tiques” qui ne seraient pas prise en charge par la sécu­rité sociale… même dans un cas pareil, c’est quand même dingue !!!
Il fau­dra aus­si qu’on me remette des dents, vu qu’on a dû m’en enlever 9 ou 10 …

Peut-être pour­rais-je un jour cro­quer, mâch­er et avaler des ali­ments, boire nor­male­ment, ne plus avoir cette gueule cassée, retrou­ver mon sourire… et tout ce qui va avec… pou­voir aller manger au restau­rant, chez des amis, tout simplement !!

Je garde Espoir !
C’est ce qui me per­met de vivre et d’a­vancer avec mon hand­i­cap ! Ain­si que l’Amour et l’aide de mes proches !

Hélène

Ma gueule ? Et alors ?
C’est ma gueule !
Ma gueule !
Quoi, ma gueule ?

Quelle ques­tion aimerais-tu qu’on te pose ?
Com­ment vivez-vous, main­tenant, avec votre hand­i­cap ?
Je vis déjà, aujourd’hui, avec mon hand­i­cap ! Et c’est bien parce que je pen­sais pas for­cé­ment arriv­er… à vivre. Donc… déjà, je suis tou­jours là. Ça, c’est le plus impor­tant.
Et… il y a des jours, c’est dif­fi­cile, c’est dur… C’est dur de… de se lever le matin, de… se voir dans le… miroir. C’est dur de s’accepter. C’est dur… de pas arriv­er à… à manger nor­male­ment ou à manger ce que j’aurais envie de manger.
Mais je rel­a­tivise aus­si… avec tout ce que j’ai fait, tout ce que j’ai vécu… Je me dis que ça aurait pu être pire.
Et… voilà… je pense que j’avance tou­jours, que j’ai encore de l’espoir pour… que ça soit mieux, pour avoir du mieux et… Et peut-être mieux m’accepter.

Mak­ing off
On a déjà une. Main­tenant, on va…
(rires)

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