Mon fils, ma bataille

Depuis que son fils Antho­ny est né, Estelle se bat pour qu’il vive. Atteint de la mal­adie de Fan­coni, il a été récem­ment diag­nos­tiqué d’un can­cer de l’hypopharynx. Même s’il ne peut plus s’exprimer aus­si libre­ment qu’il le souhait­erait, il con­tin­ue de mix­er. Comme DJ Snake, qu’il a pu rencontrer.

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Antho­ny, 28 ans, est atteint de « l’Anémie de Fan­coni ». Der­rière ces mots qui riment, se cache une mal­adie géné­tique rare (1 cas sur 350 000 nais­sances). Une de ces mal­adies orphe­lines dont on entend par­ler par­fois à la télévi­sion. Mais pour Estelle Gar­cia, la maman d’Anthony, c’est un com­bat de tous les jours depuis qu’à l’âge de trois ans, après une longue errance diag­nos­tique et de nom­breux séjours à l’hôpital, les médecins iden­ti­fient la patholo­gie dont souf­fre Antho­ny. En plus d’être chronique, com­plexe, et psy­chologique­ment éprou­vante, cette mal­adie, qui se car­ac­térise par un dys­fonc­tion­nement de la moelle osseuse accom­pa­g­né ou non de mal­for­ma­tions, mul­ti­plie par 700 le risque de dévelop­per un can­cer (tête, cou, bouche). Bien qu’il soit très sur­veil­lé par l’équipe médi­cale de l’hôpital Saint-Louis à Paris, cen­tre de référence de la mal­adie de Fan­coni, la famille, instal­lée près de La Rochelle, est en per­ma­nence sur le qui-vive. La moin­dre anom­alie — mal de gorge, gan­glion, aphte per­sis­tant, par exem­ple — entraîne une con­sul­ta­tion, sou­vent suiv­ie d’une biop­sie des tis­sus. Les analy­ses de sang sont oblig­a­toires chaque mois.  Petit garçon très frag­ile, il saigne sou­vent… Il est vite devenu indis­pens­able qu’il reçoive un don de moelle osseuse pour con­tin­uer à vivre et c’est sa petite sœur Amélie, alors âgée de 3 ans, qui le sauvera en 2001. Mal­gré son retard de crois­sance, le jeune garçon pour­suiv­ra courageuse­ment sa sco­lar­ité, tout en se pas­sion­nant pour la musique. Il n’est jamais aus­si heureux que der­rière sa table de mixage. 

La dou­ble peine

Mal­heureuse­ment, la vie n’a rien d’un long fleuve tran­quille. Tout bas­cule de nou­veau à l’été 2023. « Antho­ny n’ar­rivait plus à avaler » racon­te Estelle.  « Il avait l’im­pres­sion d’avoir quelque chose de coincé dans la gorge, comme une arête. J’ai donc con­tac­té la gas­troen­téro­logue qui voulait lui faire pass­er une fibro. Mais la gêne ayant dimin­ué la semaine suiv­ante, on ne s’inquiétait plus ». Pour­tant, Antho­ny con­tin­ue à per­dre beau­coup de poids. 

Fin juil­let 2023, le diag­nos­tic tombe : can­cer de l’hypopharynx locale­ment avancé. Le traite­ment pro­posé con­siste en une pharyn­go­la­ryn­gec­tomie totale avec recon­struc­tion par lam­beau. Ni une ni deux, mal­gré les dif­fi­cultés pour trou­ver un héberge­ment à moin­dre coût, Estelle s’organise pour l’accompagner à Paris.  « Quand il s’est réveil­lé après l’intervention, on a refusé de lui don­ner quelque chose pour écrire. Pour un jeune privé de voix à 28 ans, c’est hor­ri­ble », racon­te Estelle. C’est à ce moment-là qu’ils ont plus que jamais besoin d’être réconfortés »

Alors qu’Anthony se trou­ve au sous-sol de l’hôpital pour pass­er des exa­m­ens d’imagerie, il se fait agress­er par une patiente vraisem­blable­ment per­tur­bée. Paniqué, ne pou­vant appel­er à l’aide, le jeune homme envoie un SMS à sa mère. Une épreuve de plus. Loin de se résign­er ou de baiss­er les bras, Estelle veut alert­er. Faire bouger les lignes. 

« Pour que cela n’arrive pas aux autres ». 

Après l’incident, cher­chant des out­ils sonores de sub­sti­tu­tion à la voix, elle se rend au stade où son plus jeune fils joue au foot pour deman­der un sif­flet poire. L’entraîneur de l’op­tion foot du col­lège de la Rochelle lui par­le égale­ment du sif­flet élec­tron­ique. Après en avoir com­mandé un, Estelle s’est fait un plaisir d’en offrir un autre au ser­vice de l’hôpital où Antho­ny avait été opéré. Jusqu’au-boutiste, elle poste une demande sur Coras­so Échangeons : klax­on, son­nette de vélo, alarme… les adhérents de Coras­so ont vite partagé leurs astuces.

Pour Antho­ny, cette mère-veilleuse déplac­erait des mon­tagnes. Car rien ne lui serre plus le cœur que de le voir mal­heureux. À cause des neu­ropathies, le jeune homme a du mal avec ses mains : par exem­ple, il ne peut pas appuy­er fort. Un jour, dés­espéré, il a voulu s’arracher la cham­bre implantable. « Pourquoi m’avoir sauvé si c’est pour me faire endur­er tout cela ? », a‑t-il demandé à sa mère.  « Ses amis s’éloignent peu à peu », con­state-t-elle. Récem­ment, des filles se sont moquées de lui, l’imitant comme si elles avaient un élec­tro­lar­ynx en faisant une voix de robot. Il était très triste. Un ami l’a défendu. Mais ce genre d’in­ci­dent le blesse énor­mé­ment et lui fait regret­ter l’opéra­tion ». 

Heureuse­ment, Estelle veille. Au-delà du méti­er d’aux­il­i­aire de vie qu’elle exerce, « pren­dre soin » est une voca­tion. Pour mieux faire con­naître la mal­adie de Fan­coni, elle n’a pas hésité à se jeter à l’eau en plein hiv­er ou à chauss­er ses bas­kets pour par­ticiper à la Course des héros. Une héroïne ? Un mot qu’elle réfuterait. Plutôt maman de tout son être. « Pour nous par­ents, la façon de réa­gir à la mal­adie et de la gér­er dépend de notre his­toire de vie. Je me suis ren­du compte que je n’arrivais pas à dis­soci­er l’histoire d’Anthony et la mienne ». Deux his­toires de vie pro­fondé­ment imbriquées. Estelle n’aurait pas été la maman qu’elle est dev­enue si elle n’avait pas per­du ses par­ents toute petite. 

« Dans un événe­ment dif­fi­cile, triste, on peut puis­er une force ines­timable. Je veux offrir la plus belle des vies à mes trois enfants ». 

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Cette mag­nifique his­toire de résilience, elle la racon­te dans un livre, qui paraî­tra prochaine­ment : Il n’y a pas de same­di sans soleil. « L’écriture, tout comme la musique et les odeurs, con­stitue un moyen impor­tant de con­serv­er quelque chose de très pré­cieux : les sou­venirs ».  Un véri­ta­ble hymne à la vie.

Pro­pos recueil­lis par Céline DUFRANC

POUR EN SAVOIR PLUS :

AFMF : Asso­ci­a­tion française de la mal­adie de Fanconi

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