Immunothérapie

Le doc­teur Car­los Gomez-Roca, onco­logue médi­cal à l’In­sti­tut uni­ver­si­taire du can­cer de Toulouse et mem­bre de la Société française d’im­munothérapie répond aux ques­tions que se posent les patients sur l’immunothérapie.

En quoi consiste l’immunothérapie ?

L’immunothérapie est un traite­ment qui cherche à stim­uler le sys­tème immu­ni­taire du patient pour que celui-ci mon­tre une réponse con­tre la tumeur. C’est un mode d’action dif­férent des traite­ments que l’on con­naît déjà, comme la chimio­thérapie ou la thérapie ciblée

La chimio­thérapie cherche à touch­er l’ADN de la tumeur. Les thérapies ciblées cherchent à blo­quer des mécan­ismes de la cel­lule qui l’aident à survivre.

Avec l’immunothérapie, nous n’attaquons pas directe­ment la tumeur. Nous essayons de boost­er le sys­tème immu­ni­taire pour induire une défense con­tre la tumeur.

L’immunothérapie peut-elle être proposée en première intention ?

Des don­nées récentes de 2020 mon­trent une amélio­ra­tion de la survie chez des patients pour lesquels on utilise l’immunothérapie seule ou asso­ciée à la chimio­thérapie en pre­mière ligne d’une mal­adie récidi­vante. L’immunothérapie a donc aujourd’hui un rôle dans la mal­adie métastatique. 

Par con­tre, pour l’instant, il n’y a pas de rôle con­fir­mé pour une mal­adie local­isée pou­vant être traitée par chirurgie ou radio­thérapie. Face à une mal­adie locale – une tumeur à un seul endroit – la prise en charge est la chirurgie suiv­ie par une radio-chimio­thérapie dans une inten­tion cura­tive. Cette stratégie est mise en place pour éviter les récidives. Aujourd’hui, il n’y a pas d’immunothérapie prévue ou pro­posée pour ces groupes de patients, car les essais clin­iques sont encore en cours, sans résul­tats définitifs.

Selon un essai clinique, l’immunothérapie ne serait pas recommandée à 15% des patients, pourquoi ?

Si les patients présen­tent mal­heureuse­ment une rechute de la mal­adie ou une mal­adie métas­ta­tique, l’immunothérapie peut être une option.

En 2020, un essai clin­ique a mon­tré que le Pem­brolizum­ab, qui cherche à stim­uler l’action des lym­pho­cytes, présen­tait une meilleure effi­cac­ité que la chimio­thérapie clas­sique, soit seul, soit asso­cié à une chimio­thérapie, chez les patients qui présen­taient un mar­queur PDL1. C’est-à-dire qu’il faut d’abord analyser la tumeur pour voir si ce mar­queur est présent sur les cel­lules tumorales et celles du sys­tème immu­ni­taire, afin de pou­voir tir­er un béné­fice de la présence de l’immunothérapie. 

Cela con­cerne un cer­tain nom­bre de patients, tout de même, car ce mar­queur est posi­tif chez 85 % d’entre eux. Mais il y a de fait 15 % des patients qui ne présen­tent pas ce mar­queur et pour qui l’immunothérapie ne serait pas recommandée.

Quels sont les traitements d’immunothérapie actuellement disponibles pour traiter les cancers tête et cou ?

Nous avons en pre­mière ligne, avec une chimio­thérapie ou non, le Pem­brolizum­ab qui est donc réservé aux patients por­teurs du mar­queur PDL1 positif.

En deux­ième ligne, si le patient ne reçoit pas de chimio­thérapie ou s’il a déjà reçu une chimio­thérapie dans le passé et que la mal­adie est de nou­veau en pro­gres­sion, nous avons deux possibilités :

  • le Pem­brolizum­ab ;
  • le Nivolum­ab.

Sous quelle forme les traitements d’immunothérapie sont-ils délivrés ? Sont-ils disponibles dans tous les hôpitaux français ?

Les immunothérapies sont admin­istrées par per­fu­sion par voie veineuse, soit via un Port-à-Cath, si le patient en porte déjà un, soit au niveau d’une veine du bras. Il y a dif­férents rythmes d’administration : toutes les deux, trois, ou qua­tre semaines, selon le pro­duit administré.

Les traite­ments sont disponibles dans tous les hôpi­taux, car ce sont des molécules qui ont une autori­sa­tion de mise sur le marché. Ils sont disponibles partout en France et peu­vent être pre­scrits par des onco­logues ou des spé­cial­istes autorisés à la pre­scrip­tion des traite­ments anti-cancer.

L’immunothérapie peut-elle être associée à un autre traitement ?

La majorité des patients avec une mal­adie métas­ta­tique nou­velle­ment diag­nos­tiquée vont béné­fici­er d’une asso­ci­a­tion de chimio­thérapie et d’immunothérapie. On essaie avec cette asso­ci­a­tion d’avoir, on l’espère, un dou­ble bénéfice. 

La chimio­thérapie per­met de con­trôler rapi­de­ment la mal­adie quand celle-ci est sen­si­ble (en réduisant la taille de la tumeur dans les semaines qui suiv­ent l’initiation du traite­ment). Ceci est impor­tant pour soulager rapi­de­ment les symp­tômes que les patients peu­vent ressen­tir (douleurs, dif­fi­cultés à avaler, etc.).

En par­al­lèle, l’immunothérapie cherche à stim­uler le sys­tème immu­ni­taire. Tout comme pour un vac­cin, il ne suf­fit pas d’une dose pour obtenir la meilleure réponse. L’administration doit être renou­velée, ce qui peut pren­dre un peu de temps.

Pour les patients chez qui on cherche à avoir un résul­tat rapi­de, l’association chimio­thérapie + immunothérapie est l’option la plus intéressante.

Quel est le taux de réussite de l’immunothérapie ?

Les béné­fices en matière de survie de l’association chimio­thérapie + immunothérapie sont dou­blés par rap­port à un traite­ment habituel (à deux ans et qua­tre ans après l’initiation de cette chimio­thérapie). Il y a cinq ou dix ans, seule­ment 10 % env­i­ron des patients avaient un taux de survie de vingt-qua­tre mois. Aujourd’hui, nous sommes à 30 %, avec une mal­adie con­trôlée. C’est une évo­lu­tion majeure et une avancée impor­tante, bien que nous souhaitions tou­jours faire mieux.

Quelles sont les localisations ou les tumeurs tête et cou pour lesquelles l’immunothérapie répond efficacement ?

Aujourd’hui, on sait que ce traite­ment marche bien dans le cas des tumeurs épi­der­moïdes, un peu moins pour les tumeurs du nasophar­ynx.

Mal­heureuse­ment, dans des types plus rares comme des tumeurs adénokys­tiques ou des glan­des sali­vaires, il n’y a pour l’instant pas de preuve solide de l’intérêt de l’immunothérapie.

Le béné­fice le plus impor­tant est pour le can­cer épi­der­moïde, peu importe la local­i­sa­tion (bouche, gorge, lar­ynx…), chez les patients com­por­tant le mar­queur PDL1 posi­tif au CPS (la norme de test).

Pourquoi l’immunothérapie fonctionne-t-elle sur certains patients et pas sur d’autres ?

C’est une ques­tion que l’on se pose tou­jours, en tant que médecins. C’est pour cela que la recherche con­tin­ue dans ce domaine. Nous sommes con­tents des avancées, mais pas du tout sat­is­faits des résul­tats, parce qu’il y a un nom­bre impor­tant de patients qui con­tin­u­ent à ne pas pou­voir en bénéficier. 

On sait que pour que le sys­tème immu­ni­taire réponde con­tre la tumeur, il faut plusieurs étapes. 

Lorsqu’une tumeur est présente (au même titre qu’une bac­térie ou un virus), des cel­lules détectent sa présence et fab­riquent une sorte d’identikit (por­trait-robot). Elles recueil­lent des infor­ma­tions qu’elles mon­trent à une par­tie du sys­tème immu­ni­taire : les lymphocytes. 

Ces lym­pho­cytes, après avoir reçu cette recon­nais­sance, peu­vent aller atta­quer la tumeur. 

Or, on sait qu’un cer­tain nom­bre de sys­tèmes immu­ni­taires de patients ne sont pas capa­bles de fab­ri­quer cet iden­tik­it. Et si les lym­pho­cytes ne con­nais­sent pas « le vis­age » de la tumeur, ils ne peu­vent pas aller la chercher pour l’attaquer. 

C’est un axe de recherche très impor­tant dans ce domaine : com­ment amélior­er la présen­ta­tion de l’identikit, ce que l’on appelle les antigènes. 

Pourriez-vous nous parler des effets secondaires de l’immunothérapie ?

Nous cher­chons à stim­uler le sys­tème immu­ni­taire de façon glob­ale pour atta­quer la mal­adie. Si les patients ont une ten­dance à faire des réac­tions con­tre leur pro­pre organ­isme, on pour­rait aus­si les stim­uler. C’est pour cela que l’on prend beau­coup de pré­cau­tions lorsque l’on utilise l’immunothérapie chez les patients qui présen­tent des mal­adies auto-immunes, comme les lupus ou l’arthrite rhu­ma­toïde, entre autres. Parce que si les patients ont cette prédis­po­si­tion, en stim­u­lant le sys­tème immu­ni­taire, il est pos­si­ble d’enflammer des organes nor­maux. Ce sont ces inflam­ma­tions qui peu­vent représen­ter un effet secondaire.

Il faut savoir que l’intolérance à l’immunothérapie reste vrai­ment excep­tion­nelle. En regar­dant les ques­tion­naires sur la qual­ité de vie des patients traités par chimio­thérapie clas­sique ver­sus l’immunothérapie seule, il y a tou­jours un avan­tage pour l’immunothérapie.

Chez 8 patients sur 10, cela se passe vrai­ment très bien. Mais, pour 2 patients sur 10, il peut y avoir ce type d’effets sec­ondaires dits « d’inflammation ». Les plus fréquents sont des prob­lèmes de démangeaisons, de rougeurs au niveau de la peau, de trou­bles endocriniens avec des prob­lèmes de thyroïde. 

Il y a des événe­ments plus graves, mais plus rares comme des inflam­ma­tions au niveau des intestins ou des poumons, qui peu­vent entraîn­er des symp­tômes comme de la diar­rhée ou des prob­lèmes res­pi­ra­toires. Par­fois, cela nous oblige à arrêter le traite­ment par immunothérapie, car la tox­i­c­ité devient plus grave que le poten­tiel bénéfice.

Dans le traitement des cancers tête et cou, la chirurgie est souvent très mutilante. La radiothérapie laisse des séquelles importantes. Pourrait-on imaginer que l’immunothérapie puisse les remplacer un jour ?

C’est ce que l’on espère ! La chirurgie et la radio­thérapie sont en effet très muti­lantes, mais ont mon­tré des pos­si­bil­ités de guéri­son. Cette approche est très dure pour les patients, mais a un béné­fice majeur. Est-ce que l’immunothérapie pour­ra un jour rem­plac­er cette stratégie ? Pas dans l’immédiat, ni dans les cinq années à venir. 

Le rôle que pour­rait avoir l’immunothérapie, c’est peut-être chez cer­tains patients de pou­voir réduire l’intensité de cer­tains de ces traite­ments. Par exem­ple, nous util­isons des dos­es de radio­thérapie très fortes pour tuer la tumeur, mais cela crée des séquelles au niveau de la peau, de la pro­duc­tion de salive, etc. Une stratégie qui pour­rait peut-être fonc­tion­ner serait d’ajouter l’immunothérapie à la radio­thérapie, pour, avec une syn­ergie entre les deux, per­me­t­tre de baiss­er la dose de rayons. C’est en cours d’exploration, nous pour­rons avoir des infor­ma­tions dans les prochaines années. C’est loin d’être encore prouvé. 

Écouter le pod­cast sur l’im­munothérapie du Doc­teur Car­los Gomez-Roca

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